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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 5
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Babelon, Ernest: Vénus à sa toilette: statuette en calcédoine saphirine
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0385
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

merveilles. Piine nous parle d’une statue de Sérapis en émeraude,
haute de neuf coudées ; il raconte, à la suite de Théocrite, que Pto-
lémée II Philadelphe, dont on connaît la passion pour les gemmes,
avait fait tailler dans un bloc de topaze la statue de sa sœur Arsinoé,
pour en décorer le temple qu’il lui avait consacré U Mais l’émeraude
et la topaze dont il s’agit ici ne pouvaient être que des quartz plus
beaux, plus rares, plus durs que le marbre, et non point des blocs
gigantesques d’une matière aussi précieuse que les gemmes translu-
cides dans lesquelles on gravait les camées et les intailles. Pline
cite encore, avec non moins d’enthousiasme, une statuette de jaspe
pesant 15 onces, qui représentait Néron1 2. Mais le jaspe est un
quartz opaque et il n’est pas téméraire de croire que la merveille
dont parle le naturaliste romain aurait, elle-même, cédé le pas à la
Venus eximiæ pulchritudinis — pour nous servir d’une expression
de Pline — que nous avons sous les yeux. Quelle somme n’aurait
pas sacrifiée, pour posséder notre statuette, un opulent patricien du
temps d’Auguste ou de Néron, quand nous voyons, à Rome, une
coupe en cristal de roche monter jusqu’à 150.000 sesterces et une
simple figurine en ambre se payer plus cher qu’un esclave3 ! Nous
l’avons déjà dit, ce que l’art d’un interprète quelconque ne saurait
rendre ici, c’est la translucidité de la gemme et la nuance azurée
qui nous vient des profondeurs de la matière. Il faut, pour apprécier
cette statuette à sa valeur de joyau artistique, la voir s’illuminer,
pour ainsi dire, dans un rayon de soleil, ou même simplement
le soir, sous l'éclat de la lampe. Elle grandit comme par enchan-
tement et prend des proportions sculpturales où la grâce s’allie à
la majesté et à la douceur.

Après ce tribut d’hommages à l’un des plus purs chefs-d’œuvre
de la glyptique, j’étonnerai probablement plus d’un lecteur, en
ajoutant que cette statuette en matière précieuse était coloriée. Oui !
après s’être donné une peine infinie pour trouver un bloc de calcé-
doine aussi beau et aussi pur ; après avoir appelé le plus habile des
lithoglyphes pour exécuter la gravure qui a dû prendre des années
entières, les anciens ont maquillé de couleurs variées cette œuvre
merveilleuse, comme ils l’ont fait pour leurs terres cuites funéraires
qui ont, en général, les mêmes proportions. Il reste des traces nom-

1. Pline, Hist. nat., XXXVII, 108; —Théocrite, Idylles, XVII, 124.

2. Pline, Hist. nat., XXXVII, 118.

3. Edmond Bonnaffé, Les Collectionneurs de l’ancienne Rome, p. 99.
 
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