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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 21.1899

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Nr. 5
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Desjardins, Paul: Les salons de 1899, [1], Avant-propos
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https://doi.org/10.11588/diglit.24685#0377

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LES SALONS DE 1899

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entre les arbres des bois sacrés, des pousses de chêne, des floraisons
du genêt; de mieux pénétrer la décence auguste des occupations
communes, traite des vaches, enfournement du pain,, cuisson de l’ar-
gile, fenaison, navigation, sieste en plein air. Tout cela, il nous
l’aura révélé rien qu’en le simplifiant, en écartaut ce qui surabonde;
sans rien ajouter, mais au contraire en ôtant le superflu, de sorte
que même un enfant, jusque-là perdu dans le trésor effrayant des
merveilles qui sont, à présent s’y retrouve, et se sente chez lui dans
cette nature rendue enfantine et humaine par le bienfait de l’art.

A chacune de ces conquêtes progressives des vrais artistes, de
nouvelles provinces s’ajoutent à la beauté, l’empire de Dieu s’étend.
Comment ne le voit-on pas? Comment méconnaît-on notre âge,
pauvre en œuvres tranquilles, il est vrai, en œuvres fixées ne varietur
comme des testaments, mais riche d’inquiétudes, de tentatives, âge
puissant de transformation?

Et si peu à peu la laideur prétendue se résout en beauté, dans fa
distillation que lui font subir les grands interprètes, c’est que l’âme
humaine peu à peu s’est approfondie. Elle seule met le prix aux
choses. Si les personnages de Rembrandt étaient plus beaux, l’art de
Rembrandt serait moins beau. La beauté vient du dedans. Quoique
j’aie semblé me cantonner dans les merveilles visibles, je n’oublie
pas que les invisibles, dont l’art du dessin ne saisit que le reflet,
sont encore les principales. Notre âge d’enfonçante psychologie n’a
pas moins découvert au fond de l'homme, et dans sa petite vie quoti-
dienne, que dans le décor de la nature. Tandis que Besnard, Monet,
Thaulow furettent les aspects de la terre et des eaux,, et s’émer-
veillent de l’air lumineux, un contemporain de Mæterlinck, Eugène
Carrière, pénètre avec une précision tendre

Notre amour taciturne et toujours menacé...

Dagnan-Bouveret déchiffre sur les incorrects visages rustiques
le déterminisme superbe des races : les choses réelles sont ce qu’elles
devaient être...

Essayons donc de suivre ensemble, aux Salons qui s’ouvrent,
ces démarches hardies et ces dernières conquêtes de l’art.

PAUL DESJARDINS

(La suite prochainement.)
 
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