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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 23.1900

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Nr. 3
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Geffroy, Gustave: Jules Dalou
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https://doi.org/10.11588/diglit.24720#0233
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JULES DALOU

219

ration, M. Jules Dalou a en son grand tournant d’existence en 1870-71.
La guerre franco-allemande, le siège de Paris, l’insurrection et
la Commune l’ont pris jeune homme, — il avait tout juste trente
ans, — et il est sorti homme de cette fournaise. S’il a perdu des
illusions, il a gardé le souvenir, et, on peut le dire à son honneur,
des convictions et des passions. Je n’oublierai jamais, parmi les
rencontres que j’ai faites de M. Jules Dalou, celle du 2 décembre
1888, jour où l’agitation boulangiste avait provoqué la manifestation
dite manifestation Baudin, un long défilé qui traversa Paris, de la
place de l’Hôtel de ville au cimetière Montmartre : au premier rang
de la foule, avenue Victoria, à une place que j’indiquerais, je crois
bien, avec une précision absolue, je vis M. Jules Dalou, levant son
chapeau d’une main fébrile, acclamant le cortège, et je fus frappé
de la pâleur, de la violence et de l’émotion de son visage. Il n’y a
donc rien d’étonnant si un tel artiste, ayant gardé au profond de son
cœur une animation de militant, a communiqué au bronze un trem-
blement, une flamme et une tristesse, le jour où il a dû représenter
Auguste Blanqui, ce maudit de la démocratie, extraordinaire per-
sonnage de légende, méconnu de ceux-mêmes pour lesquels il com-
battait, et qui n’a trouvé justice pour sa pensée et son caractère que
dans la mort, le vers écrit pour Edgar Poë par Stéphane Mallarmé
trouvant ici encore sa signification :

Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.

III

Donc, ce sentiment de révolte et de douleur que nous voyons se
manifester par le bronze du Père-Lachaise ne domine pas l’œuvre
de M. Jules Dalou, et il ne faudrait pas, pour la raison qu’il a fait
partie de la fédération des artistes en 1870 et qu’il a accepté, de
concert avec le peintre Jules Héreaip le poste de conservateur du
Louvre pendant l’insurrection de 1871, il ne faudrait pas, dis-je,
vouloir trouver dans ses œuvres, non seulement un caractère de
protestation sociale, mais encore l’audace d’un art révolutionnaire.
Nullement. Ce qui se révèle clairement par les œuvres longtemps
méditées et savamment exécutées de M. Jules Dalou, c’est une
sagesse, une prudence de composition, qui font de lui un tradi-
tionnel visiblement épris de l’ornementation acquise, de l’équilibre,
de la raison de nos belles époques classiques. Mais ce goût de l’or-
donnance ne suffirait pas à lui faire une personnalité, et, fortheureu-
 
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