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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Ce n’esl certes pas à une inspiration occidentale qu’il faut attri-
buer ce curieux chandelier, appartenant aujourd’hui à M. le baron
Oppenheini, que Viollet-le-Duc a dessiné autrefois, quand il faisait
partie de la collection Dugué, et qu’il faut rapprocher de cet autre
qui, de la collection Spitzer, est entré au musée de Cluny. Sur un
animal fantastique, sorte de tarasque à corps d’oiseau et cou de
serpent, est monté un petit personnage qui soutient une branche
végétale, se redressant en fusée et s’épanouissant en bobèche. Sans
aller demander à la mythologie Scandinave et à la légende du loup
Fenris le sujet des flambeaux de ce genre et d’autres plus nom-
breux exécutés vers les xi° et xne siècles en Occident et qui nous
montrent un homme assis sur le dos d’un monstre, il peut paraître
plus naturel de penser que les hommes de l’époque romane ont
tout bonnement prétendu voir dans cette représentation l’épisode
de Samson aux prises avec le lion. M. le baron Oppenheim et
M. Martin Le Roy ont exposé deux beaux flambeaux de ce type, qui
ne nous paraissent pas devoir être descendus plus bas que le début
du xil° siècle. L’un et l’autre ont gardé de nombreuses traces de
dorure. Ici le lion porte la tête droite, et le personnage, une jambe
relevée sur le dos de la bête, supporte de la main la bobèche munie
d’une pointe pour planter la bougie de cire. Trois autres flambeaux
de moindre dimension, appartenant au Musée des antiquités de
Rouen et aux collections Salting et Goldschmidt, nous fournissent
une variété de cette forme : le lion tourne la tête vers le cavalier
qui, d’une main, lui relève le mufle, et, de l’autre, lui saisit la
langue. Le style de l’ensemble est tout roman, et, n’était, chez les
uns comme chez les autres, l’ouverture en forme de fenestrage
gothique qui perce la douille destinée à recevoir la bougie, on
serait tout naturellement tenté d’en rapporter l’exécution au
xue siècle; nous ne pensons pas qu’on puisse la faire remonter
plus haut que le xni* ou môme le xive siècle. Cet exemple montre
quelle circonspection s’impose quand il s’agit de dater certaines
pièces de dinanderie; les moules se conservaient et continuaient à
servir à la fonte de pièces nouvelles rajeunies seulement pour
satisfaire au besoin du jour. Quand on avait reconnu qu’il était
plus pratique d’insérer une bougie de cire dans un godet de métal
que de la (icher sur une pointe acérée, on s’était contenté de faire
subir au modèle du xne siècle cette légère modification, pour rendre
l’objet d’un usage plus commode.
C’est dans la légende d’Alexandre le Grand qu’il faut chercher
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Ce n’esl certes pas à une inspiration occidentale qu’il faut attri-
buer ce curieux chandelier, appartenant aujourd’hui à M. le baron
Oppenheini, que Viollet-le-Duc a dessiné autrefois, quand il faisait
partie de la collection Dugué, et qu’il faut rapprocher de cet autre
qui, de la collection Spitzer, est entré au musée de Cluny. Sur un
animal fantastique, sorte de tarasque à corps d’oiseau et cou de
serpent, est monté un petit personnage qui soutient une branche
végétale, se redressant en fusée et s’épanouissant en bobèche. Sans
aller demander à la mythologie Scandinave et à la légende du loup
Fenris le sujet des flambeaux de ce genre et d’autres plus nom-
breux exécutés vers les xi° et xne siècles en Occident et qui nous
montrent un homme assis sur le dos d’un monstre, il peut paraître
plus naturel de penser que les hommes de l’époque romane ont
tout bonnement prétendu voir dans cette représentation l’épisode
de Samson aux prises avec le lion. M. le baron Oppenheim et
M. Martin Le Roy ont exposé deux beaux flambeaux de ce type, qui
ne nous paraissent pas devoir être descendus plus bas que le début
du xil° siècle. L’un et l’autre ont gardé de nombreuses traces de
dorure. Ici le lion porte la tête droite, et le personnage, une jambe
relevée sur le dos de la bête, supporte de la main la bobèche munie
d’une pointe pour planter la bougie de cire. Trois autres flambeaux
de moindre dimension, appartenant au Musée des antiquités de
Rouen et aux collections Salting et Goldschmidt, nous fournissent
une variété de cette forme : le lion tourne la tête vers le cavalier
qui, d’une main, lui relève le mufle, et, de l’autre, lui saisit la
langue. Le style de l’ensemble est tout roman, et, n’était, chez les
uns comme chez les autres, l’ouverture en forme de fenestrage
gothique qui perce la douille destinée à recevoir la bougie, on
serait tout naturellement tenté d’en rapporter l’exécution au
xue siècle; nous ne pensons pas qu’on puisse la faire remonter
plus haut que le xni* ou môme le xive siècle. Cet exemple montre
quelle circonspection s’impose quand il s’agit de dater certaines
pièces de dinanderie; les moules se conservaient et continuaient à
servir à la fonte de pièces nouvelles rajeunies seulement pour
satisfaire au besoin du jour. Quand on avait reconnu qu’il était
plus pratique d’insérer une bougie de cire dans un godet de métal
que de la (icher sur une pointe acérée, on s’était contenté de faire
subir au modèle du xne siècle cette légère modification, pour rendre
l’objet d’un usage plus commode.
C’est dans la légende d’Alexandre le Grand qu’il faut chercher