GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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laires... Mais on aurait plutôt fait de dire où le paysage n’est pas.
Chacun y a puisé, selon ses goûts, les besoins de son œuvre, scs
aptitudes personnelles, mais tous y sont venus et tous s’en sont
servis pour rajeunir, nettoyer ou enrichir leur palette.
Aussi le groupe des purs paysagistes, de ceux en qui se continue
la tradition des maîtres de l’école de 1830, solidement établi sur la
terre de France, a-t-il toutes les apparences d’une conscience tran-
quille et d’une robuste santé. Du vieil Harpignies à Adrien Demont-
Breton, d’Emile Michel à Idareux, d’Henri Zuber à Binet, de
Pointelin à Billotte, de Bouché à Barau, chacun à sa manière nous
donne le portrait d’un coin du cher pays.
J’ai indiqué déjà comment, depuis quelques années, un groupe
de jeunes peintres, sentant que la peinture claire etl’impressionnisme
avaient poussé leurs conquêtes jusqu’aux limites extrêmes où un
système meurt par l’abus de son propre principe, mirent à profit
les grandes leçons de Cazin et s'avisèrent que le crépuscule a sa
beauté grave et apaisante.
Il est plus d’un silence, il est plus d’une nuit,
Car chaque solitude a son propre mystère ;
Les bois ont donc aussi leur façon de se taire
Et d’être obscurs aux yeux que le rêve y conduit...
Leur mystère est vivant; chaque homme à sa manière
Selon ses souvenirs l’éprouve et le traduit...
Il s’agit seulement de ne pas arriver trop tard, et, si les bois ont
plusieurs façons d’être obscurs, encore faut-il que leur obscurité
nous reste pénétrable et leur mystère vivant, comme veut Sully-
Prudhomme. Il nous a semblé que quelquefois M. Eugène Carrière
arrivait au point où l’obscurité va devenir impénétrable, — mais
devant des œuvres comme le Sommeil et Maternité, toute objection
se tait. A l’autre bout du siècle, on croit retrouver un nouveau
Prud’hon, plus fraternel, plus humain et plus triste.
Quant à ce groupe, si intéressant par l’affirmation d’une pensée
réfléchie et d’une volonté, qui va de M. Bené Ménard à M. Lucien
Simon, de M. Cottet à M. Dauchez, et auquel on pourrait rattacher
MM. Prinet, 'Lobre, Wéry, Meslé, Tournés, Bergès, Jean-Pierre
Laurens, Boulard, on a pu craindre qu’il ne voulût fonder « l’école
sombre ». Pour ma part, je ne l’ai jamais cru, et le Retour de l'école
de M. Wéry, Saint Georges vainqueur et Flamencas de M. G. Bergès,
et le dernier envoi de M. Cottet, Le Jour de la Saint-Jean, œuvre
forte entre toutes, me paraissent faits pour rassurer.
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laires... Mais on aurait plutôt fait de dire où le paysage n’est pas.
Chacun y a puisé, selon ses goûts, les besoins de son œuvre, scs
aptitudes personnelles, mais tous y sont venus et tous s’en sont
servis pour rajeunir, nettoyer ou enrichir leur palette.
Aussi le groupe des purs paysagistes, de ceux en qui se continue
la tradition des maîtres de l’école de 1830, solidement établi sur la
terre de France, a-t-il toutes les apparences d’une conscience tran-
quille et d’une robuste santé. Du vieil Harpignies à Adrien Demont-
Breton, d’Emile Michel à Idareux, d’Henri Zuber à Binet, de
Pointelin à Billotte, de Bouché à Barau, chacun à sa manière nous
donne le portrait d’un coin du cher pays.
J’ai indiqué déjà comment, depuis quelques années, un groupe
de jeunes peintres, sentant que la peinture claire etl’impressionnisme
avaient poussé leurs conquêtes jusqu’aux limites extrêmes où un
système meurt par l’abus de son propre principe, mirent à profit
les grandes leçons de Cazin et s'avisèrent que le crépuscule a sa
beauté grave et apaisante.
Il est plus d’un silence, il est plus d’une nuit,
Car chaque solitude a son propre mystère ;
Les bois ont donc aussi leur façon de se taire
Et d’être obscurs aux yeux que le rêve y conduit...
Leur mystère est vivant; chaque homme à sa manière
Selon ses souvenirs l’éprouve et le traduit...
Il s’agit seulement de ne pas arriver trop tard, et, si les bois ont
plusieurs façons d’être obscurs, encore faut-il que leur obscurité
nous reste pénétrable et leur mystère vivant, comme veut Sully-
Prudhomme. Il nous a semblé que quelquefois M. Eugène Carrière
arrivait au point où l’obscurité va devenir impénétrable, — mais
devant des œuvres comme le Sommeil et Maternité, toute objection
se tait. A l’autre bout du siècle, on croit retrouver un nouveau
Prud’hon, plus fraternel, plus humain et plus triste.
Quant à ce groupe, si intéressant par l’affirmation d’une pensée
réfléchie et d’une volonté, qui va de M. Bené Ménard à M. Lucien
Simon, de M. Cottet à M. Dauchez, et auquel on pourrait rattacher
MM. Prinet, 'Lobre, Wéry, Meslé, Tournés, Bergès, Jean-Pierre
Laurens, Boulard, on a pu craindre qu’il ne voulût fonder « l’école
sombre ». Pour ma part, je ne l’ai jamais cru, et le Retour de l'école
de M. Wéry, Saint Georges vainqueur et Flamencas de M. G. Bergès,
et le dernier envoi de M. Cottet, Le Jour de la Saint-Jean, œuvre
forte entre toutes, me paraissent faits pour rassurer.