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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
exèdres, on peignit des scènes tragiques ou comiques, dans les cor-
ridors, des paysages, et même, dans certains appartements, des
compositions avec personnages, représentant soit des divinités, des
sujets tirés de la Fable, soit des épisodes de la guerre de Troie, ou
des voyages d’Ulysse.
Mais — ajoute Vitruve — ces peintures, que les anciens
copiaient d’après des choses vraies ou possibles, sont aujourd’hui,
par suite de la dépravation du goût, tombées entièrement en
désuétude. Les fresques n’otfrcnt aux yeux que des monstres au
lieu de créatures. Sur les parois, au lieu de colonnes, des roseaux ;
les portiques sont eux aussi devenus des arabesques ornés de
feuillages touffus ou de plantes grimpantes, ou de candélabres
supportant des figures ; sur de graciles tiges de Ileurs imaginaires
reposent d’autres figures assises ! En présence d’une telle absence
de vérité —continue l’écrivain désabusé — ne devrait-on pas désirer
un censeur tel que Licinius, ce mathématicien qui reprocha si vive-
ment à Apoturius Alahoutheus, auteur d’une scène peinte dans le
théâtre des Tralliens, toutes les erreurs de perspective, de vérité,
dans lesquelles il était tombé avec son insupportable maniérisme?
L’exposition des quatre styles traditionnels est donc résumée pnr
Vitruve dans ces premiers passages — reproduits plus haut — et
on en trouve la critique dans les suivants. Il semble donc que réel-
lement presque toute la décoration murale pompéienne ait été guidée
par une convention hybride et que restent vaines les tentatives
faites par les investigateurs de la vie romaine en vue d'en reconsti-
tuer les monuments d’architecture au moyen des tableaux déco-
ratifs trouvés sur les parois des demeures. Et peut-être en esl-il
ainsi. Quatre-vingts ans après la mort de Vitruve, le décor pompéien
n’avait pas changé : l’histoire devient, à partir de ce moment jusqu’à
la catastrophe de 79, encore plus confuse, et les archéologues,
comme les historiens d’art, trouvent toujours plus de difficultés à
connaître exactement l’extérieur de l’habitation romaine.
III
Les fresques de Boscoreale auraient-elles résolu, au moins en
partie, ce problème? Certainement, les morceaux les plus importants
de la nouvelle trouvaille de Prisco sont, à mon avis, ceux qui repré-
sentent une forme de construction inconnue jusqu’ici dans les pein-
tures murales trouvées précédemment à Pompéï. En présence de ces
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exèdres, on peignit des scènes tragiques ou comiques, dans les cor-
ridors, des paysages, et même, dans certains appartements, des
compositions avec personnages, représentant soit des divinités, des
sujets tirés de la Fable, soit des épisodes de la guerre de Troie, ou
des voyages d’Ulysse.
Mais — ajoute Vitruve — ces peintures, que les anciens
copiaient d’après des choses vraies ou possibles, sont aujourd’hui,
par suite de la dépravation du goût, tombées entièrement en
désuétude. Les fresques n’otfrcnt aux yeux que des monstres au
lieu de créatures. Sur les parois, au lieu de colonnes, des roseaux ;
les portiques sont eux aussi devenus des arabesques ornés de
feuillages touffus ou de plantes grimpantes, ou de candélabres
supportant des figures ; sur de graciles tiges de Ileurs imaginaires
reposent d’autres figures assises ! En présence d’une telle absence
de vérité —continue l’écrivain désabusé — ne devrait-on pas désirer
un censeur tel que Licinius, ce mathématicien qui reprocha si vive-
ment à Apoturius Alahoutheus, auteur d’une scène peinte dans le
théâtre des Tralliens, toutes les erreurs de perspective, de vérité,
dans lesquelles il était tombé avec son insupportable maniérisme?
L’exposition des quatre styles traditionnels est donc résumée pnr
Vitruve dans ces premiers passages — reproduits plus haut — et
on en trouve la critique dans les suivants. Il semble donc que réel-
lement presque toute la décoration murale pompéienne ait été guidée
par une convention hybride et que restent vaines les tentatives
faites par les investigateurs de la vie romaine en vue d'en reconsti-
tuer les monuments d’architecture au moyen des tableaux déco-
ratifs trouvés sur les parois des demeures. Et peut-être en esl-il
ainsi. Quatre-vingts ans après la mort de Vitruve, le décor pompéien
n’avait pas changé : l’histoire devient, à partir de ce moment jusqu’à
la catastrophe de 79, encore plus confuse, et les archéologues,
comme les historiens d’art, trouvent toujours plus de difficultés à
connaître exactement l’extérieur de l’habitation romaine.
III
Les fresques de Boscoreale auraient-elles résolu, au moins en
partie, ce problème? Certainement, les morceaux les plus importants
de la nouvelle trouvaille de Prisco sont, à mon avis, ceux qui repré-
sentent une forme de construction inconnue jusqu’ici dans les pein-
tures murales trouvées précédemment à Pompéï. En présence de ces