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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 26.1901

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Marcel, Henry: Quelques lettres inédites de J.-F. Millet
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https://doi.org/10.11588/diglit.24808#0091
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QUELQUES LETTRES INÉDITES DE J.-F. MILLET 75

l’assure, un assez grand contraste avec les promeneurs de Yichy. On voit
aussi des femmes d’une allure bien naturelle, qui gardent leurs vaches en
filant au fuseau. Cela n’a rien de florianesque, je vous le garantis... 1

1867

Barbizon, 7 avril.

... Votre lettre, mon cher Sensier, me paraît très mélancolique. Venez
donc, nous repasserons ensemble les années écoulées, car moi aussi je les
rumine continuellement. Le prophète roi David disait : « Annos antiquos
in mente habui. »

Barbizon. 23 avril.

Ce que vous m’apprenez est, comme vous le dites, du nouveau et du
vif. D’abord ne prenez point, je vous en prie, trop de fatigue, car des
entretiens comme vous en avez eus avec M. Silvestre 2, ne se passent pas
toujours avec un très grand calme. Je m'en fie très bien à tout ce que vous
aurez pu lui dire, et puisqu’il faut aussi vous en dire mon avis, vous avez
bien fait d’appuyer sur le rustique,, car, en somme, si ce côté ne marque pas
un peu dans ce que j’ai fait, c’est que je n’ai rien fait du tout. Je repousse
de toutes mes forces le côté démoc, tel qu’il l'a compris en langage de club,
et qu’on m’a voulu attribuer. J’aurais seulement voulu faire penser à
l’homme voué à gagner sa vie à la sueur de son front. Que cela soit dit
aussi, car je n’ai jamais eu l’idée de faire un plaidoyer quelconque. Je suis
paysan paysan. Vous savez, du reste, aussi bien que moi, mes goûts et mes
tendances. Quant aux explications à donner sur mes manières de -peindre,
ce serait peut-être long à dire, car je ne m’en suis pas occupé, et si manières
il y a, cela n’a pu venir que de la façon d’entrer plus ou moins dans mon
sujet, des difficultés de la vie, etc. Si je vais jeudi soir à Paris, comme c’est
probable, ne pourriez-vous pas demander à M. Silvestre de venir chez
vous dans la soirée, et tous les trois nous pourrions causer, car il faut quel-
quefois des explications assez longues pour tirer une conclusion fort
courte. Si son article ne peut pas attendre jusque-là, tirez-vous-en tous les
deux comme vous pourrez.

S’il est besoin que cela soit dit, il s’est trouvé un homme (Jean Rous-
seau) qui a aperçu très distinctement dans le fond de mon tableau des
Glaneuses, « les guillotines de 93 ». P. de Saint-Victor les a trouvées des
pauvresses très féroces « montées sur leurs ergots ». Je ne sais pas les
années des éreintements de ce dernier, mais il y en a un sur Y Homme à

1. Millet avait conduit sa femme à Vichy pour y faire une saison d’eaux.

2. Il s’agit de Théophile Silvestre, le critique d’art primesautier, passionné
et imagé, à qui l’on doit le beau livre : Histoire des artistes vivants : les artiste$
français. Paris, 1861.
 
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