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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
fusion ; il lui dut sa beauté supérieure et unique. Que l’on ne se
quand on les veut serrer de trop près : elles se sont incessamment
contente pas, pour en juger, d’un coup d’œil sur l’ensemble ; ce
n’est pas assez de constater et de dire que jamais plus juste union
ne fut trouvée de l’expression mâle et de la forme élégante. L’ori-
gine de certains détails est surtout significative. On ne met pas en
doute que la frise continue qui couronne les murs du naos n’ait été
imitée de l’exemple récemment donné par quelques temples ioni-
ques % ou, tout au moins, que l’idée n’en soit venue de la même
source d’inspiration qui servait aux constructeurs ioniens. Pareille
influence se reconnaît dans l’emploi de maints ornements, dans les
palmettes légères ciselées sur les cymaises et dans les rangs de
perles taillés en bordure des métopes2 : ces colifichets ioniques, si je
puis dire, adoucissent l’austère nudité des membres doriques et y
répandent comme un sourire. Mais, plus encore, le nombre des
colonnes en façade paraît être une innovation due au souvenir direct
des modèles ioniques. Le Parthénon est le seul temple dorique octo-
style ; tous les autres n’ont jamais plus de six colonnes sur les petits
côtés. L’emploi de huit colonnes au lieu de six eût conduit, en effet,
à un double écueil, qui était d'étendre la façade à l’excès et de
donner à l’édifice une lourdeur plate et écrasée, ou bien de trop
serrer des supports que leurs dimensions considérables obligeaient
plutôt à espacer largement. Au contraire, les colonnes ioniques,
étant plus minces, plus élancées, et portant l’entablement plus haut,
devaient être, toute relation gardée, rapprochées davantage l’une de
l’autre et alignées en plus grand nombre : la façade octostyle était
aussi normale pour un temple ionique que l’hexastyle pour un
temple dorique. Or, la plus heureuse audace des architectes du
Parthénon a été d’approprier à leur édifice, construit suivant le mode
dorique, cette façade octostyle, dont le mode ionique avait eu jus-
que-là le privilège. Et ce plan hardi, une fois adopté, devait avoir
une répercussion immédiate dans la hauteur des colonnes et leur
1. Il n'est pas inutile de rappeler que le temple d’Athéna Nikè ( Victoire sans
ailes), dont l’entablement porte une frise continue sur ses quatre faces, a été
construit vers 450, c’est-à-dire peu avant que le Parthénon fût commencé, et que
son architecte a été Callicratès, le collaborateur d’Ictinos pour les plans du Par-
thénon : cf. P. Cavvadias, dans r'EtprqÀspîç àpyoao'Xoÿixû de 1897, p. 173 et pl. XI.
2. Ce rang de perles n’a laissé guère de traces sur la plupart des métopes.
Il est cependant bien conservé sur l’une de celles qui sont au British Muséum :
cf. Catalogue of Sculpture... Greek and Roman... in the British Muséum, I, n° 307,
p. 135.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
fusion ; il lui dut sa beauté supérieure et unique. Que l’on ne se
quand on les veut serrer de trop près : elles se sont incessamment
contente pas, pour en juger, d’un coup d’œil sur l’ensemble ; ce
n’est pas assez de constater et de dire que jamais plus juste union
ne fut trouvée de l’expression mâle et de la forme élégante. L’ori-
gine de certains détails est surtout significative. On ne met pas en
doute que la frise continue qui couronne les murs du naos n’ait été
imitée de l’exemple récemment donné par quelques temples ioni-
ques % ou, tout au moins, que l’idée n’en soit venue de la même
source d’inspiration qui servait aux constructeurs ioniens. Pareille
influence se reconnaît dans l’emploi de maints ornements, dans les
palmettes légères ciselées sur les cymaises et dans les rangs de
perles taillés en bordure des métopes2 : ces colifichets ioniques, si je
puis dire, adoucissent l’austère nudité des membres doriques et y
répandent comme un sourire. Mais, plus encore, le nombre des
colonnes en façade paraît être une innovation due au souvenir direct
des modèles ioniques. Le Parthénon est le seul temple dorique octo-
style ; tous les autres n’ont jamais plus de six colonnes sur les petits
côtés. L’emploi de huit colonnes au lieu de six eût conduit, en effet,
à un double écueil, qui était d'étendre la façade à l’excès et de
donner à l’édifice une lourdeur plate et écrasée, ou bien de trop
serrer des supports que leurs dimensions considérables obligeaient
plutôt à espacer largement. Au contraire, les colonnes ioniques,
étant plus minces, plus élancées, et portant l’entablement plus haut,
devaient être, toute relation gardée, rapprochées davantage l’une de
l’autre et alignées en plus grand nombre : la façade octostyle était
aussi normale pour un temple ionique que l’hexastyle pour un
temple dorique. Or, la plus heureuse audace des architectes du
Parthénon a été d’approprier à leur édifice, construit suivant le mode
dorique, cette façade octostyle, dont le mode ionique avait eu jus-
que-là le privilège. Et ce plan hardi, une fois adopté, devait avoir
une répercussion immédiate dans la hauteur des colonnes et leur
1. Il n'est pas inutile de rappeler que le temple d’Athéna Nikè ( Victoire sans
ailes), dont l’entablement porte une frise continue sur ses quatre faces, a été
construit vers 450, c’est-à-dire peu avant que le Parthénon fût commencé, et que
son architecte a été Callicratès, le collaborateur d’Ictinos pour les plans du Par-
thénon : cf. P. Cavvadias, dans r'EtprqÀspîç àpyoao'Xoÿixû de 1897, p. 173 et pl. XI.
2. Ce rang de perles n’a laissé guère de traces sur la plupart des métopes.
Il est cependant bien conservé sur l’une de celles qui sont au British Muséum :
cf. Catalogue of Sculpture... Greek and Roman... in the British Muséum, I, n° 307,
p. 135.