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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Dorbec, Prosper: Un portrait de la seconde femme de Chardin, par Chardin, au Musée Carnavalet
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0047
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

à la fois leur profusion et leur légèreté. Le satin du vêtement se
détache de la chaude enveloppe du fond en teinte verdâtre, avec la
même franche clarté que la nappe sur laquelle, dans le petit tableau
de la salle La Gaze, sont exposés les Ustensiles cle ménage. Et avec
quelle dextérité et surtout quel sentiment de l’ambiance est rendu le
rouet posé sur les genoux! Il est orné d’un ruban de ce beau rouge
riche et savoureux qui égaie si souvent les toiles du maître, et l’on
retrouve dans les bordures ces traînées de gris argent dont son
pinceau marque fréquemment les arêtes des meubles. Autour, les
mains se meuvent, délicates, potelées, et surtout bien dans l’air.

Sur ce portrait du xviii® siècle, d’un si grand charme d’intimité,
peint sans recherche de l’effet, dans une chaude enveloppe, il n’était
guère possible de mettre un autre nom que celui de Chardin. La
difficulté se réduisait à trouver quelle est véritablement cette femme
paraissant toucher à la cinquantaine, n’ayant rien de bien aristo-
cratique dans la physionomie, ni rien non plus de vulgaire, assez
fine sans être pétillante, mais ne donnant pas à vrai dire l’impression
d’une maîtresse de maison au salon réputé, — d’une Mme Geoffrin,
tenancière de bureau d’esprit.

A7oici que l'identification vient de s’en trouver établie par une
gravure de Laurent Cars1, exécutée en 1755 d’après un dessin de
C.-N. Cochin le fils, et qui représente de trois quarts, en buste, Fran-
çoise-Marie Pouget, seconde femme de Chardin.

A cette époque, la compagne du peintre, qui l’avait épousée
en 1744, âgée de trente-sept ans, comme l’indique l’acte de mariage
publié en note par les Concourt, avait donc quarante-huit ans. Dans
les deux portraits, c’est la même bouche un peu mince, le même
« sérieux dans le sourire » que les Concourt découvraient au dessin
de Cochin, le même empâtement du visage avec le même double
menton. Elle porte un pareil petit bonnet et le fichu noué sur la
poitrine.

Présenté sous le nom de Mme Geoffrin, ce portrait ne répondait
pas à ce qu’on attendait de lui ; la réserve voulue de sa contenance
était prise pour de la raideur. Identifié à son vrai modèle, il s’ex-
plique dans toutes ses parties. Piien ne saurait mieux aider à évoquer
le peintre de tant de charmants intérieurs dans sa propre maison,
vivant à côté de cette excellente compagne qui s’appliquait sans
doute à respecter ses petites manies d’artiste scrupuleux et déjà âgé.

1. Un fac-similé cle ceLte gravure se trouve dans l’ouvrage de M. S. Roclre-
blave sur Les Cochin, p. 187. (Collection des Artistes célèbres.)
 
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