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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Hamel, Maurice: Les derniers travaux sur Albert Dürer
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0076
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

et l’humour sont deux formes essentielles de l’art et comme les deux pôles entre
lesquels se déploie la riche variété des créations plastiques. L’un procède du senti-
ment douloureux qui naît dans l’àme quand elle approfondit le mystère de l’être :
l’autre est un libre jeu de l’esprit qui domine les formes caractéristiques du réel
et s’en égaie en les exagérant. Tous deux ont un principe commun: la force du
sentiment et la richesse de fantaisie qui en découle. Or, c’est l’essence même de
l’art allemand, d’après M. Tliode, et Durer, le génie germanique par excellence,
touche à ces deux extrêmes en même temps qu’il remplit tout l’entre-deux.

Que doit-il au passé ? c’est la première question qui se pose, et l’auteur y
répond en faisant à grands traits l’histoire du genre dans le moyen âge allemand.
L’humour proprement dit n’apparaît qu’au xne siècle, du moment où Ton a
reconnu dans la Passion la vraie source du pathétique. Alors les figures fantas-
tiques et bouffonnes encadrent le drame sérieux. L’ornement est le champ où
l’imagination germanique, âpre et sauvage, se joue en mille saillies. De là les gar-
gouilles romanes, les êtres fabuleux qui s’enlacent aux chapiteaux, aux fûts
mêmes des colonnes, comme dans la crypte de Freising, envahissent le portail,
comme à Ralisbonne. Aux initiales des manuscrits, des chimères rampent parmi
les feuillages. Les monstres revivent daus la pierre. Sur la fameuse frise de Stras-
bourg, des Sirènes chantent et jouent de la lyre, des Centaures tirent de Tare,
des démons horribles et bouffons tourmentent les damnés. Dès la deuxième moitié
duxiie siècle, ÏHortus Deliciarum d’Herradede Landsberg unitle plus noble pathé-
tique à des traits exquis d’humour et de vérité familière.

Au xuT siècle, la culture française pénètre en Allemagne, modelant à son
image les mœurs, la poésie et l’art. Les légendes bretonnes, la courtoisie des
manières et les délicatesses du sentiment, apportent un nouvel idéal que les
artistes allemands imitent avec une gaucherie naïve et souvent pleine de charme.
Mais cet art chevaleresque n’intéresse qu’une élite. L’âme populaire veut des
émotions plus graves et plus fortes, et, de même que dans les Mystères, le gro-
tesque fait contrepoids au pathétique, dans l’art le fantastique est l’antithèse
nécessaire du drame. Au xive siècle l’école de Prague s’inspire des « drôleries »
françaises : la satire et l’humour reprennent leurs droits, et, jointes à l’observa-
tion du réel, font de la Bible de Wenceslas un monument capital.

Les tendances naturalistes de l’art au xve siècle le détournent d’une fantaisie
qui dépasse la réalité. On s’attache surtout à l’expression du caractère indivi-
duel. Mais le besoin de fantastique persistant dans l’âme allemande trouve
satisfaction dans les scènes de paysans, et Ton constate ce fait bizarre, que l’ima-
gination exaltée se traduit en formules naturalistes.

L’influence burgundo-flamande est le grand fait de cette époque. De la Bour-
gogne viennent les tapisseries, les objets de luxe, les jeux de cartes, la mode et
le décor de la vie sociale ; des Pays-Bas, le sens et le goût des réalités prochaines.
Le naturalisme néerlandais précède et encourage les tendances analogues qui se
font jour alors en Allemagne. Tandis que la légende religieuse s’humanise et
prend une acception plus familière, que le portrait se rapproche du genre, la
représentation des Mois et des Planètes fournit l’occasion de mettre en scène les
métiers et les occupations bourgeoises. On traite avec prédilection les scènes de
la Passion et de la vie des Saints, où Ton peut introduire des mendiants, des
infirmes, des types de soldats brutaux, des musiciens, etc.
 
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