86
GAZETTE UES BEAUX-ARTS
mérite dans l’histoire de l’art français. Ses plus belles œuvres, la plupart exécu-
tées pour sa protectrice ou pour le roi Louis XV, sont reproduites en trois
planches, une de camées, deux d’intailles, en tout soixante-douze gravures, où
Ton voit figurer, à côté de portraits d’une rare perfection, de petites compo-
sitions d’une délicatesse infinie, toutes pénétrées du style savoureux et exquis
du xvme siècle. Jacques Guay— on l’ignore trop, parce que ses œuvres sont peu
accessibles, même aux amateurs — peut être rangé à côté, ou même au-dessus
des artistes les plus célèbres du xvine siècle français. On trouvera dans le livre
deM. Babelon le catalogue détaillé de son œuvre complet, avec d’instructifs com-
mentaires sur chaque article.
N’est-il pas surprenant que la biographie de cet éminent artiste, favori des plus
grands personnages de son temps, soit restée si longtemps plongée dans une pro-
fonde obscurité, et qu’on ignore encore la date exacte de sa mort? Il n’y a pas
bien longtemps que Tannée et le lieu de sa naissance
étaient encore incertains, et Leturcq lui-même n’était pas
parvenu à les fixer. Grâce à M. Babelon, les points prin-
cipaux de la carrière de Jacques Guay sont acquis, et il
occupera désormais, dans le Panthéon de l'art français,
la place élevée à laquelle il a droit.
Inutile d’insister sur les élèves et les pâles successeurs
de ce maître graveur. Mais, M. Babelon ayant poursuivi
son étude jusqu’à la fin du xix° siècle, nous nous arrê-
terons quelques instants aux artistes contemporains, si
peu connus du public, si négligés par la critique, malgré
de très brillantes qualités. M. Babelon leur donne des
conseils pratiques, et leur adresse des critiques qui nous
paraissent fortjudicieuses.il leur reproche, tout d’abord,
le choix et la dimension des pierres employées, et il
n’a pas tout à fait tort. Mais est-il bien aisé de trouver
des matières irréprochables? Adolphe David, le graveur du camée où est repré-
sentée L’Apothéose de Napoléon Iar, dut chercher pendant trois années la sar-
donyx convenable pour le travail dont il avait été chargé par Napoléon III; on
saisit, par ce seul exemple, les difficultés de toute nature que rencontre l’art du
graveur sur gemmes. Celle que nous venons de signaler n’est pas la seule.
Si la qualité des gemmes mises en œuvre par nos contemporains répond
rarement à la perfection du travail, la faute n’en est-elle pas imputable aux
graveurs eux-mêmes? Ils veulent des pierres de proportions excessives; outre
que de pareils morceaux sont rares, leurs dimensions en rendent l'usage impos-
sible ; dès lors, ils deviennent purement des pièces de collection, et plus restreint
de jour en jour devient le nombre des amateurs disposés à payer d’un gros prix un
joyau sans emploi. Les pierres gravées constituent donc un objet de curiosité peu
recherché aujourd’hui. « Il n’y a guère de collections privées de gemmes gravées
pour le xixe siècle, conclut M. Babelon; même pour les pierres de l’antiquité et
de la Renaissance, on ne citerait pas plus d’une douzaine de collectionneurs pour
tout le siècle qui vient de finir, alors qu’au temps de la Renaissance, ou même
encore au xvm° siècle, tout prince, tout grand seigneur tenait à honneur
d’avoir son cabinet de gemmes gravées, comme aujourd’hui il y a des collée-
GAZETTE UES BEAUX-ARTS
mérite dans l’histoire de l’art français. Ses plus belles œuvres, la plupart exécu-
tées pour sa protectrice ou pour le roi Louis XV, sont reproduites en trois
planches, une de camées, deux d’intailles, en tout soixante-douze gravures, où
Ton voit figurer, à côté de portraits d’une rare perfection, de petites compo-
sitions d’une délicatesse infinie, toutes pénétrées du style savoureux et exquis
du xvme siècle. Jacques Guay— on l’ignore trop, parce que ses œuvres sont peu
accessibles, même aux amateurs — peut être rangé à côté, ou même au-dessus
des artistes les plus célèbres du xvine siècle français. On trouvera dans le livre
deM. Babelon le catalogue détaillé de son œuvre complet, avec d’instructifs com-
mentaires sur chaque article.
N’est-il pas surprenant que la biographie de cet éminent artiste, favori des plus
grands personnages de son temps, soit restée si longtemps plongée dans une pro-
fonde obscurité, et qu’on ignore encore la date exacte de sa mort? Il n’y a pas
bien longtemps que Tannée et le lieu de sa naissance
étaient encore incertains, et Leturcq lui-même n’était pas
parvenu à les fixer. Grâce à M. Babelon, les points prin-
cipaux de la carrière de Jacques Guay sont acquis, et il
occupera désormais, dans le Panthéon de l'art français,
la place élevée à laquelle il a droit.
Inutile d’insister sur les élèves et les pâles successeurs
de ce maître graveur. Mais, M. Babelon ayant poursuivi
son étude jusqu’à la fin du xix° siècle, nous nous arrê-
terons quelques instants aux artistes contemporains, si
peu connus du public, si négligés par la critique, malgré
de très brillantes qualités. M. Babelon leur donne des
conseils pratiques, et leur adresse des critiques qui nous
paraissent fortjudicieuses.il leur reproche, tout d’abord,
le choix et la dimension des pierres employées, et il
n’a pas tout à fait tort. Mais est-il bien aisé de trouver
des matières irréprochables? Adolphe David, le graveur du camée où est repré-
sentée L’Apothéose de Napoléon Iar, dut chercher pendant trois années la sar-
donyx convenable pour le travail dont il avait été chargé par Napoléon III; on
saisit, par ce seul exemple, les difficultés de toute nature que rencontre l’art du
graveur sur gemmes. Celle que nous venons de signaler n’est pas la seule.
Si la qualité des gemmes mises en œuvre par nos contemporains répond
rarement à la perfection du travail, la faute n’en est-elle pas imputable aux
graveurs eux-mêmes? Ils veulent des pierres de proportions excessives; outre
que de pareils morceaux sont rares, leurs dimensions en rendent l'usage impos-
sible ; dès lors, ils deviennent purement des pièces de collection, et plus restreint
de jour en jour devient le nombre des amateurs disposés à payer d’un gros prix un
joyau sans emploi. Les pierres gravées constituent donc un objet de curiosité peu
recherché aujourd’hui. « Il n’y a guère de collections privées de gemmes gravées
pour le xixe siècle, conclut M. Babelon; même pour les pierres de l’antiquité et
de la Renaissance, on ne citerait pas plus d’une douzaine de collectionneurs pour
tout le siècle qui vient de finir, alors qu’au temps de la Renaissance, ou même
encore au xvm° siècle, tout prince, tout grand seigneur tenait à honneur
d’avoir son cabinet de gemmes gravées, comme aujourd’hui il y a des collée-