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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Lorsque le visiteur, la porte franchie, pénétrait dans la cour, il
rencontrait devant lui la maison particulière du maître imagier;
mais, par une singularité assez rare dans ce temps-là, elle se présen-
tait de derrière. La façade était tournée du côté de la chambre des
Comptes, sur les jardins, et c’est là qu’il fallait se placer pour avoir
une idée de la belle ordonnance qui y régnait, malgré sa vétusté,
après les remaniements dus à l’intelligence pratique et au goût de
Sluter.
C’était une maison à deux étagns et à « pans de bois », sem-
blable à celles que l’on construisit en si grand nombre au xive et
au xve siècle1. Les murs étaient faits avec des pièces de charpente
assemblées, dont les interstices étaient remplis par de la maçonnerie,
où les trous avaient été soigneusement bouchés avec un enduit de
sable et d’argile. Chaque étage était largement éclairé par quatre
grandes fenêtres lambrissées, d’une huisserie très soignée, et la
chambre placée sous les combles s’éclairait derrière par une lucarne.
On pénétrait par un perron de plusieurs degrés dans la grande salle
du rez-de-chaussée, ornée d’un beau plancher de chêne supporté par
de vigoureuses solives. Primitivement, elle tenait toute la longueur
du bâtiment, mais une cloison y avait été pratiquée pour faire une
seconde chambre couramment appelée « la chambre de Claus ». Une
petite salle réunissait la maison à celle des Comptes, et la cuisine,
munie d’un dallage de pierre, éclairée par une fenêtre de pierre de
taille, était alimentée par un puits d’où on tirait l’eau par deux
seaux.
L’atelier particulier de Sluter était placé vers la porte de la rue,
afin que le maître pût surveiller l’entrée des ouvriers et des maté-
riaux; il communiquait directement avec la cour par une porte. Tout
à fait distinct, l’atelier des ouvriers occupait à gauche les anciennes
écuries, où Gui de la Trémoïlle mettait ses chevaux, avant que
1 achat de terrains contigus à la maison du Singe lui eût permis de
s’étendre d’un autre côté. Plusieurs loges y avaient été aménagées et
leurs portes garnies de serrures. Une partie des écuries gardait son
affectation première, le maître imagier pouvant dans certaines cir-
commerçant ou du fabricant, d’une manière tranchée. Si le citadin pose sa façade
sur la rue, tient à vivre sur la rue, l’homme noble au contraire tient son logis en
arrière entre cour et jardin ; sur la voie publique il place un mur de clôture ou des
communs » (Dictionnaire raisonné d’architecture, t. YI, p. 243).
1. 11 ne saurait exister aucun doute sur ce point. A plusieurs reprises, les
Comptes parlent de pans de bois, des quatre pans de la chambre de Claus, des
trois pans de son ouvroir.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Lorsque le visiteur, la porte franchie, pénétrait dans la cour, il
rencontrait devant lui la maison particulière du maître imagier;
mais, par une singularité assez rare dans ce temps-là, elle se présen-
tait de derrière. La façade était tournée du côté de la chambre des
Comptes, sur les jardins, et c’est là qu’il fallait se placer pour avoir
une idée de la belle ordonnance qui y régnait, malgré sa vétusté,
après les remaniements dus à l’intelligence pratique et au goût de
Sluter.
C’était une maison à deux étagns et à « pans de bois », sem-
blable à celles que l’on construisit en si grand nombre au xive et
au xve siècle1. Les murs étaient faits avec des pièces de charpente
assemblées, dont les interstices étaient remplis par de la maçonnerie,
où les trous avaient été soigneusement bouchés avec un enduit de
sable et d’argile. Chaque étage était largement éclairé par quatre
grandes fenêtres lambrissées, d’une huisserie très soignée, et la
chambre placée sous les combles s’éclairait derrière par une lucarne.
On pénétrait par un perron de plusieurs degrés dans la grande salle
du rez-de-chaussée, ornée d’un beau plancher de chêne supporté par
de vigoureuses solives. Primitivement, elle tenait toute la longueur
du bâtiment, mais une cloison y avait été pratiquée pour faire une
seconde chambre couramment appelée « la chambre de Claus ». Une
petite salle réunissait la maison à celle des Comptes, et la cuisine,
munie d’un dallage de pierre, éclairée par une fenêtre de pierre de
taille, était alimentée par un puits d’où on tirait l’eau par deux
seaux.
L’atelier particulier de Sluter était placé vers la porte de la rue,
afin que le maître pût surveiller l’entrée des ouvriers et des maté-
riaux; il communiquait directement avec la cour par une porte. Tout
à fait distinct, l’atelier des ouvriers occupait à gauche les anciennes
écuries, où Gui de la Trémoïlle mettait ses chevaux, avant que
1 achat de terrains contigus à la maison du Singe lui eût permis de
s’étendre d’un autre côté. Plusieurs loges y avaient été aménagées et
leurs portes garnies de serrures. Une partie des écuries gardait son
affectation première, le maître imagier pouvant dans certaines cir-
commerçant ou du fabricant, d’une manière tranchée. Si le citadin pose sa façade
sur la rue, tient à vivre sur la rue, l’homme noble au contraire tient son logis en
arrière entre cour et jardin ; sur la voie publique il place un mur de clôture ou des
communs » (Dictionnaire raisonné d’architecture, t. YI, p. 243).
1. 11 ne saurait exister aucun doute sur ce point. A plusieurs reprises, les
Comptes parlent de pans de bois, des quatre pans de la chambre de Claus, des
trois pans de son ouvroir.