GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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xvi° siècle. La collection Spitzer en possédait à elle seule deux
interprétations différentes, dues à Léonard Limosin.
De ce dernier maître Dutuit n’a également recueilli qu’une seule
pièce, mais, elle aussi, de tout premier ordre : un petit portrait de
femme à mi-corps sur fond bleu. Le catalogue de la collection Spitzer,
d’où elle vient, a cru pouvoir reconnaître dans cette fine personne la
reine Marguerite de Navarre. L’on sait que dans la série nombreuse
des portraits peints par Léonard Limosin la date la plus reculée que
l’on rencontre est celle de 1535, qui figure sur un portrait de Calvin,
et il semble bien que Léonard, né vers 1505, n’a guère pu, avant
cette époque, entrer en possession de tout son métier et atteindre
toute sa maîtrise. Si donc il s’agit ici de la spirituelle sœur de Fran-
çois Ier, née en 1492, il faut admettre, — ce qui est d’ailleurs fort
admissible et conforme aux usages constants,-—que l’émail, quinous
montre une femme jeune, a été peint d'après un crayon sensiblement
antérieur. Il ne saurait, d’autre part, être ici question de l’autre reine
de Navarre, Marguerite de Valois, qui, née en 1552, n’épousa qu’en
1572 le futur Henri IV. Son iconographie connue ne permet pas
pareille identification, et celle de la précédente reine la rend égale-
ment fort douteuse. Il faut donc chercher ailleurs le modèle de notre
portrait, et nous croyons le trouver dans un crayon actuellement à
Chantilly et qui fait partie d’un recueil de trois cents portraits autre-
fois en Angleterre. Ce serait une autre fille de France, sœur de
Henri II, une Marguerite, elle aussi, qui épousa, en 1559, Emmanuel-
Philibert duc de Savoie et mourut en 1574. Elle était née en 1523;
l’âge qu’accuse le portrait en pourrait fixer l’exécution aux environs
de 1555, c’est-à-dire à l’époque des meilleures productions de l’artiste.
Enfin, cette autre branche de l’émaillerie limousine qui eut, à
partir du milieu du xvi° siècle, une si abondante floraison, la vais-
selle d’apparat sortie des ateliers des Reymond et des Courteys, â
fourni à la collection plusieurs heureux spécimens, huires, aiguières,
plats et salières, dont l’agrément explique la faveur qui s’attacha à
ces brillants et relativement peu dispendieux objets de ménage pour
remplacer dans la décoration des dressoirs la coûteuse orfèvrerie.
Si l’extrême rareté des pièces sorties de l’éphémère atelier de
Saint-Porchaire, pour leur garder le nom dont les a baptisées leur
dernier parrain, peut expliquer l’extravagance des prix qu’elles
atteignent en vente publique, il ne semble pas, par contre, qu’elle
suffise toujours à la justifier. La collection Dutuit en compte trois :
un flambeau et deux buires, et il y en a pour plus de cent cinquante
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xvi° siècle. La collection Spitzer en possédait à elle seule deux
interprétations différentes, dues à Léonard Limosin.
De ce dernier maître Dutuit n’a également recueilli qu’une seule
pièce, mais, elle aussi, de tout premier ordre : un petit portrait de
femme à mi-corps sur fond bleu. Le catalogue de la collection Spitzer,
d’où elle vient, a cru pouvoir reconnaître dans cette fine personne la
reine Marguerite de Navarre. L’on sait que dans la série nombreuse
des portraits peints par Léonard Limosin la date la plus reculée que
l’on rencontre est celle de 1535, qui figure sur un portrait de Calvin,
et il semble bien que Léonard, né vers 1505, n’a guère pu, avant
cette époque, entrer en possession de tout son métier et atteindre
toute sa maîtrise. Si donc il s’agit ici de la spirituelle sœur de Fran-
çois Ier, née en 1492, il faut admettre, — ce qui est d’ailleurs fort
admissible et conforme aux usages constants,-—que l’émail, quinous
montre une femme jeune, a été peint d'après un crayon sensiblement
antérieur. Il ne saurait, d’autre part, être ici question de l’autre reine
de Navarre, Marguerite de Valois, qui, née en 1552, n’épousa qu’en
1572 le futur Henri IV. Son iconographie connue ne permet pas
pareille identification, et celle de la précédente reine la rend égale-
ment fort douteuse. Il faut donc chercher ailleurs le modèle de notre
portrait, et nous croyons le trouver dans un crayon actuellement à
Chantilly et qui fait partie d’un recueil de trois cents portraits autre-
fois en Angleterre. Ce serait une autre fille de France, sœur de
Henri II, une Marguerite, elle aussi, qui épousa, en 1559, Emmanuel-
Philibert duc de Savoie et mourut en 1574. Elle était née en 1523;
l’âge qu’accuse le portrait en pourrait fixer l’exécution aux environs
de 1555, c’est-à-dire à l’époque des meilleures productions de l’artiste.
Enfin, cette autre branche de l’émaillerie limousine qui eut, à
partir du milieu du xvi° siècle, une si abondante floraison, la vais-
selle d’apparat sortie des ateliers des Reymond et des Courteys, â
fourni à la collection plusieurs heureux spécimens, huires, aiguières,
plats et salières, dont l’agrément explique la faveur qui s’attacha à
ces brillants et relativement peu dispendieux objets de ménage pour
remplacer dans la décoration des dressoirs la coûteuse orfèvrerie.
Si l’extrême rareté des pièces sorties de l’éphémère atelier de
Saint-Porchaire, pour leur garder le nom dont les a baptisées leur
dernier parrain, peut expliquer l’extravagance des prix qu’elles
atteignent en vente publique, il ne semble pas, par contre, qu’elle
suffise toujours à la justifier. La collection Dutuit en compte trois :
un flambeau et deux buires, et il y en a pour plus de cent cinquante