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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Maeterlinck, Louis: La satire animale dans les manuscrits flamands
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0181
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

où nous voyons la satire d’un combat singulier ou jugement de
Dieu, entre un cerf aux pieds de griffon et un singe. Ils sont tous
deux montés sur des animaux fantastiques indéfinissables. Le singe,
figurant l’esprit du Mal, représente l’infidèle, dont il porte le cime-
terre recourbé et la rondache sarrasine très reconnaissables, tandis
que le cerf porte l’écu et la lance du chevalier chrétien.

L’intention satirique de ridiculiser le chevalier ou le patricien
bardé de fer se retrouve dans un Psautier du xme siècle de la Biblio-
thèque de Douai, n° 171, où nous voyons, folio 211, un combat
dérisoire entre l’homme de guerre et un escargot. A une autre page
folio 186, un lièvre, à cheval sur un chien et sonnant du cor, met
en fuite son ennemi bipède qui détale pour esquiver une flèche
décochée par un autre lièvre. La femme patri-
cienne n’était pas épargnée; comme on peut le
voir par la figure 27, elle s’y trouve très ir-
révérencieusement représentée par une truie
habillée à la mode et jouant de la harpe. Pour
se faire plus grande, elle s’est perchée sur des
échasses et porte sur la tête la coiffure dite « en
clocher », dont la vogue fut si grande dès son
apparition, qu’elle provoqua l’indignation du
clergé ainsi que celle de tous les prédicateurs
du temps. Cette miniature figure dans les Chro-
niques de Froissart conservées au British Muséum; elle semble avoir
été exécutée par un artiste flamand1. Cette satire de la femme de
qualité, portant le hennin, se retrouve fort souvent dans les manu-
scrits flamands, notamment dans le Ceremoniale Blandiniense (com-
mencement du xive siècle) de la Bibliothèque de Gand et dans le
Livre des Heures d'Ypres dont nous aurons à nous occuper bientôt.
Dans ce dernier manuscrit, une femme est représentée par une
cigogne dont le bec pointu, tourné en arrière, simule la coiffure si
souvent critiquée au moyen âge.

C’est également dans les scènes animales des manuscrits enlumi-
nés que nous retrouvons un écho des prédications hérésiarques si
nombreuses en Flandre dès le xne siècle.

La figure 28, représentant un évêque singe exerçant son éloquence
sur un moine à tête de perroquet entouré d’ouailles présentant les

1. On sait qu’à partir du xme siècle ce furent les artistes flamands qui furent
surtout chargés de l’enluminure des manuscrits exécutés dans la plupart des
pays de l’Europe.
 
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