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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
C’est de Venise, et très vraisemblablement de la main de Jacopo
Sansovino, que provient un petit bas-relief d’albâtre, tout récem-
ment acquis avec l’approbation du Conseil des Musées. Il représente
l’apparition du Christ à ses disciples le lendemain de la Résurrec-
tion. « Que la paix soit avec vous », leur dit-il en leur montrant ses
plaies, et « recevez le Saint-Esprit ». Tous les déIails de la facture, le
modelé complaisamment arrondi des bras et des jambes, que l’on
peut rapprocher, par exemple, du Christ ressuscitant des portes de la
sacristie de Saint-Marc, le style de l’architecture, qui semble em-
prunté à un dessin de Palladio, autorisent pleinement l’attribution
proposée.
Un buste en marbre du cardinal Léopold de Médicis, de res-
semblance individuelle largement caractérisée, avec, dans l’affirma-
tion de la forme et le parti pris des draperies, cette bravoure d’exé-
cution d’une école et d’un temps dont les grands gestes et les grands
mots, les superlatifs en tous genres, constituaient le répertoire
sonore et familier, a été présenté comme traditionnellement attribué
au cavalier Bernin. Le morceau n’est pas indigne du prodigieux
ouvrier de la décadence italienne que Colbert invitait très respec-
tueusement à corriger les travaux des pensionnaires de sa nouvelle
Ecole de Rome.
A ces noms et à ces œuvres de la sculpture italienne pourquoi
ne viendrait pas s’ajouter celui d’un artisan, très obscur en son
temps, dont la renommée posthume mérite de n’être pas tout à fait
oubliée ? Si le Louvre ne possède pas ces « greniers » mystérieux
dont la légende l’enrichit, il n’est pas sans avoir, çà et là, une
armoire où dorment quelques pièces de série plus ou moins déclas-
sées. On y retrouverait aisément le pseudo-Benevieni qui fit, voici
trente-cinq ou quarante ans, tant de bruit dans le monde, — excita
tant d’enthousiasme chez les meilleurs connaisseurs du temps, puis,
un beau jour, disparut sous les mépris de ces mêmes connaisseurs
quand on eut découvert que son auteur s’était permis de vivre au
xixe siècle. On sait aujourd’hui dans quelles conditions ce Bastia-
nini travailla pour quelques amateurs dont un au moins fut son
complice ou, plus exactement, son exploiteur. On ne connaît pas
encore toutes ses œuvres, dont plus d’une peut-être continue de se
parer d’un faux état civil; mais on sait que le Savonarole de San
Marco est de sa façon, et le South Ivensington expose, avec le prix
d’achat, quelques-unes des pièces sorties de son atelier. Quand on
reverra dans un coin d’une des salles de la sculpture moderne ce
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
C’est de Venise, et très vraisemblablement de la main de Jacopo
Sansovino, que provient un petit bas-relief d’albâtre, tout récem-
ment acquis avec l’approbation du Conseil des Musées. Il représente
l’apparition du Christ à ses disciples le lendemain de la Résurrec-
tion. « Que la paix soit avec vous », leur dit-il en leur montrant ses
plaies, et « recevez le Saint-Esprit ». Tous les déIails de la facture, le
modelé complaisamment arrondi des bras et des jambes, que l’on
peut rapprocher, par exemple, du Christ ressuscitant des portes de la
sacristie de Saint-Marc, le style de l’architecture, qui semble em-
prunté à un dessin de Palladio, autorisent pleinement l’attribution
proposée.
Un buste en marbre du cardinal Léopold de Médicis, de res-
semblance individuelle largement caractérisée, avec, dans l’affirma-
tion de la forme et le parti pris des draperies, cette bravoure d’exé-
cution d’une école et d’un temps dont les grands gestes et les grands
mots, les superlatifs en tous genres, constituaient le répertoire
sonore et familier, a été présenté comme traditionnellement attribué
au cavalier Bernin. Le morceau n’est pas indigne du prodigieux
ouvrier de la décadence italienne que Colbert invitait très respec-
tueusement à corriger les travaux des pensionnaires de sa nouvelle
Ecole de Rome.
A ces noms et à ces œuvres de la sculpture italienne pourquoi
ne viendrait pas s’ajouter celui d’un artisan, très obscur en son
temps, dont la renommée posthume mérite de n’être pas tout à fait
oubliée ? Si le Louvre ne possède pas ces « greniers » mystérieux
dont la légende l’enrichit, il n’est pas sans avoir, çà et là, une
armoire où dorment quelques pièces de série plus ou moins déclas-
sées. On y retrouverait aisément le pseudo-Benevieni qui fit, voici
trente-cinq ou quarante ans, tant de bruit dans le monde, — excita
tant d’enthousiasme chez les meilleurs connaisseurs du temps, puis,
un beau jour, disparut sous les mépris de ces mêmes connaisseurs
quand on eut découvert que son auteur s’était permis de vivre au
xixe siècle. On sait aujourd’hui dans quelles conditions ce Bastia-
nini travailla pour quelques amateurs dont un au moins fut son
complice ou, plus exactement, son exploiteur. On ne connaît pas
encore toutes ses œuvres, dont plus d’une peut-être continue de se
parer d’un faux état civil; mais on sait que le Savonarole de San
Marco est de sa façon, et le South Ivensington expose, avec le prix
d’achat, quelques-unes des pièces sorties de son atelier. Quand on
reverra dans un coin d’une des salles de la sculpture moderne ce