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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Dmitri-Grigorévitch Lévitski était fils d’un graveur habile. Il y
a eu en Petite-Russie, dès la fin du xvi° siècle et durant tout le xvnc,
une école de gravure curieuse. Elle est encore presque entièrement
ecclésiastique et est loin de l’ampleur magnifique de la gravure
française du temps de Louis XIV. Son centre est à Kiev et elle
pourrait se ressentir du reproche de « latinisme » que les ortho-
doxes font à cette ville. Moins byzantine que l’école de Moscou,
moins astreinte qu’elle à la reproduction d’images fixes, l'école de
Kiev subit des influences occidentales, les influences italiennes
principalement. Le père de Lévitski, nous dit M. Gorlenko, avait
une « préférence pour les images italiennes et avait spécialement
étudié les primitifs, Cimabue, Giotto, Orcagna, dont il possédait
un grand nombre de copies ». Dans le frontispice d’une thèse que
nous avons sous les yeux, il est manifeste qu’il connaissait aussi
des Florentins plus récents. Leur influence se marque surtout chez
lui dans les figures allégoriques; pour les figures religieuses et les
portraits de personnages ecclésiastiques, il reste soumis aux tradi-
tions byzantines. Il appartenait à une famille d’Eglise dont il fut
le septième prêtre. Une paroisse lui fut donnée, mais il n’y résida
pas. Il demeura à Kiev, où il dirigea pendant vingt et un ans la
typographie qui était adjointe au monastère célèbre de Pétchersk.
Il se maria à Kiev et prit à sa femme le nom noble de Lévitski,
nom qui, dans les goûts du clergé russe, devait lui plaire doublement
par sa couleur biblique1. Son fils aîné, le peintre qui nous occupe,
naquit probablement à Kiev en 1735, ou, disent certains, en 1737.
L’enfant passa ses premières années à la campagne avec sa mère
et revint auprès de son père quand il dut s’instruire. Il fut mis
apparemment à l’Académie ecclésiastique de Kiev qui était en ce
temps-là le seul établissement d’instruction de la ville. Son père
était en étroites relations avec cette Académie où il avait été élevé.
Sachant les langues anciennes et le polonais, il put donner aussi
peut-être quelques leçons à son fils, en dehors de ses premiers ensei-
gnements artistiques. Pour la peinture à l’huile, le premier maître
de Dmitri-Grigorévitch fut un artiste russe, Alexis Antropov, venu
de Pétersbourg à Kiev en 1752 pour exécuter des peintures à l’église
Saint-André que l’on construisait sur les plans de Rastrclli. Durant
les trois années qu’Antropov passa à Kiev, il fit la connaissance du
graveur et s’occupa de son fils. Appelé ensuite à Moscou (1756)
1. Le nom qu'il portait auparavant, le nom de ses ancêtres, était Noss. Ce
mot signifie : le nez.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Dmitri-Grigorévitch Lévitski était fils d’un graveur habile. Il y
a eu en Petite-Russie, dès la fin du xvi° siècle et durant tout le xvnc,
une école de gravure curieuse. Elle est encore presque entièrement
ecclésiastique et est loin de l’ampleur magnifique de la gravure
française du temps de Louis XIV. Son centre est à Kiev et elle
pourrait se ressentir du reproche de « latinisme » que les ortho-
doxes font à cette ville. Moins byzantine que l’école de Moscou,
moins astreinte qu’elle à la reproduction d’images fixes, l'école de
Kiev subit des influences occidentales, les influences italiennes
principalement. Le père de Lévitski, nous dit M. Gorlenko, avait
une « préférence pour les images italiennes et avait spécialement
étudié les primitifs, Cimabue, Giotto, Orcagna, dont il possédait
un grand nombre de copies ». Dans le frontispice d’une thèse que
nous avons sous les yeux, il est manifeste qu’il connaissait aussi
des Florentins plus récents. Leur influence se marque surtout chez
lui dans les figures allégoriques; pour les figures religieuses et les
portraits de personnages ecclésiastiques, il reste soumis aux tradi-
tions byzantines. Il appartenait à une famille d’Eglise dont il fut
le septième prêtre. Une paroisse lui fut donnée, mais il n’y résida
pas. Il demeura à Kiev, où il dirigea pendant vingt et un ans la
typographie qui était adjointe au monastère célèbre de Pétchersk.
Il se maria à Kiev et prit à sa femme le nom noble de Lévitski,
nom qui, dans les goûts du clergé russe, devait lui plaire doublement
par sa couleur biblique1. Son fils aîné, le peintre qui nous occupe,
naquit probablement à Kiev en 1735, ou, disent certains, en 1737.
L’enfant passa ses premières années à la campagne avec sa mère
et revint auprès de son père quand il dut s’instruire. Il fut mis
apparemment à l’Académie ecclésiastique de Kiev qui était en ce
temps-là le seul établissement d’instruction de la ville. Son père
était en étroites relations avec cette Académie où il avait été élevé.
Sachant les langues anciennes et le polonais, il put donner aussi
peut-être quelques leçons à son fils, en dehors de ses premiers ensei-
gnements artistiques. Pour la peinture à l’huile, le premier maître
de Dmitri-Grigorévitch fut un artiste russe, Alexis Antropov, venu
de Pétersbourg à Kiev en 1752 pour exécuter des peintures à l’église
Saint-André que l’on construisait sur les plans de Rastrclli. Durant
les trois années qu’Antropov passa à Kiev, il fit la connaissance du
graveur et s’occupa de son fils. Appelé ensuite à Moscou (1756)
1. Le nom qu'il portait auparavant, le nom de ses ancêtres, était Noss. Ce
mot signifie : le nez.