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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les exemples fameux de l’hérédité du génie ou du talent dans l’art;
mais, à l’encontre d’un Audran ou d’un Vanloo, Jacques-François-
Joseph semble bien devoir être le seul Swebach dont les œuvres
garderont l’estime des amateurs. Sans doute, il avait entrepris de
transmettre à son fils Bernard-Edouard l’héritage de son talent, mais
celui-ci ne dépassa guère la notoriété d’un continuateur, souvent
heureux, dans le genre qui procura jadis à son père tant de succès.
Peintre-graveur apprécié, Bernard-Edouard n’atteignit jamais ni la
perfection de touche propre à Jacques-François-Joseph, ni la vivacité
de son coloris. Mais, afin de mieux comprendre la formation d’un
talent si prisé, replaçons Swebach-Desfontaines à son époque et dans
son milieu : ainsi le verrons-nous élaborant les tableaux et les gra-
vures les plus caractéristiques de sa manière.
Jacques-François-Joseph Swebach est d’origine lorraine. Il naquit
à Metz, le 19 mars 1769, « d’un père à qui furent familières toutes
les inspirations des arts, mais qui, sans études, et livré seulement à
la fougue de sou imagination ardente, embrassa tous les genres et
se montra tour à tour peintre, sculpteur, graveur et minéralogiste1 ».
Dès l’âge de treize ans, ce père ornait de peintures à fresque l’église
de la petite ville qu’il habitait. Jacques-François-Joseph, lui aussi,
se manifesta de bonne heure comme un enfant prodige. Tout jeune,
il montrait un goût très vif pour les arts et s’assimilait rapidement
les premiers éléments du dessin sous la direction de son père. De
Lorraine, sa famille émigra à Paris. C’est alors qu’il fréquenta
l’atelier de Silfrède-Duplessis où il compléta ces connaissances som-
maires. Etrange personnage, ce Duplessis, en tant qu’artiste du moins !
Encouragé par Joseph Vernet à se tourner vers le paysage, où le
portaient des dispositions natives, il se livra à la décoration des
églises et à l’art du portrait. Le langage hyperbolique courant
le surnommait le « van Dyck de l’école française », mais Duplessis
était loin d’avoir du génie, encore moins de prétendre à l’héritage
de van Dyck. Peintre médiocre, ce fut un excellent professeur, qui
hâta les progrès d’un excellent élève. Tandis qu’il envoyait au Salon
de la Correspondance de 1783 un portrait de M. et Mme Necker, sur
lequel la critique ne tarissait pas d’éloges, Jacques-François-Joseph
exposait une Eglise. L’auteur avait quatorze ans.
Ce coup d’essai, qui fut loin d’être un coup de maître, portait la
1. La. Pandore (suite du Miroir), 13 décembre 1823 : article nécrologique sur
Swebach.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les exemples fameux de l’hérédité du génie ou du talent dans l’art;
mais, à l’encontre d’un Audran ou d’un Vanloo, Jacques-François-
Joseph semble bien devoir être le seul Swebach dont les œuvres
garderont l’estime des amateurs. Sans doute, il avait entrepris de
transmettre à son fils Bernard-Edouard l’héritage de son talent, mais
celui-ci ne dépassa guère la notoriété d’un continuateur, souvent
heureux, dans le genre qui procura jadis à son père tant de succès.
Peintre-graveur apprécié, Bernard-Edouard n’atteignit jamais ni la
perfection de touche propre à Jacques-François-Joseph, ni la vivacité
de son coloris. Mais, afin de mieux comprendre la formation d’un
talent si prisé, replaçons Swebach-Desfontaines à son époque et dans
son milieu : ainsi le verrons-nous élaborant les tableaux et les gra-
vures les plus caractéristiques de sa manière.
Jacques-François-Joseph Swebach est d’origine lorraine. Il naquit
à Metz, le 19 mars 1769, « d’un père à qui furent familières toutes
les inspirations des arts, mais qui, sans études, et livré seulement à
la fougue de sou imagination ardente, embrassa tous les genres et
se montra tour à tour peintre, sculpteur, graveur et minéralogiste1 ».
Dès l’âge de treize ans, ce père ornait de peintures à fresque l’église
de la petite ville qu’il habitait. Jacques-François-Joseph, lui aussi,
se manifesta de bonne heure comme un enfant prodige. Tout jeune,
il montrait un goût très vif pour les arts et s’assimilait rapidement
les premiers éléments du dessin sous la direction de son père. De
Lorraine, sa famille émigra à Paris. C’est alors qu’il fréquenta
l’atelier de Silfrède-Duplessis où il compléta ces connaissances som-
maires. Etrange personnage, ce Duplessis, en tant qu’artiste du moins !
Encouragé par Joseph Vernet à se tourner vers le paysage, où le
portaient des dispositions natives, il se livra à la décoration des
églises et à l’art du portrait. Le langage hyperbolique courant
le surnommait le « van Dyck de l’école française », mais Duplessis
était loin d’avoir du génie, encore moins de prétendre à l’héritage
de van Dyck. Peintre médiocre, ce fut un excellent professeur, qui
hâta les progrès d’un excellent élève. Tandis qu’il envoyait au Salon
de la Correspondance de 1783 un portrait de M. et Mme Necker, sur
lequel la critique ne tarissait pas d’éloges, Jacques-François-Joseph
exposait une Eglise. L’auteur avait quatorze ans.
Ce coup d’essai, qui fut loin d’être un coup de maître, portait la
1. La. Pandore (suite du Miroir), 13 décembre 1823 : article nécrologique sur
Swebach.