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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 35.1906

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Nr. 3
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Lemonnier, Henry: Jean Goujon et la salle des Cariatides au Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24817#0204

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188

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

qui ressemble singulièrement à celle dont les illustrateurs italiens
avaient donné le modèle.

Chez Fra Giocondo, tout est encore rudimentaire, mais dans le
Vitruve de 1321 on trouve les quatre statues, qui seront déréglé, et
une recherche artistique déjà plus raffinée. Le Vitruve do Caporali
est tout particulièrement intéressant, avec son portique à deux
étages de cariatides et ses figures de femmes nues très naturalistes.
Goujon lui-même avait dessiné des cariatides pour l’ouvrage de
Jean Martin : deux femmes de stature élégante, mais sans ressem-
blance avec celles de la tribune.

En somme, il avait à sa disposition des essais antérieurs; il s'en
servit en les modifiant, en les idéalisant, en les interprétant archi-
tecturalement. On l’a loué tout particulièrement de l’artifice
ingénieux qui consiste à couper les bras des statues vers la
retombée des épaules, de façon à enlever à ces corps de femmes,
devenant membres de construction, une part de réalité.

Mais le style même, le sentiment si délicat de la beauté, de
l’harmonie, de l’eurythmie, qui ne se rencontraient pas dans les
illustrateurs de Vitruve, sont-ils absolument originaux et person-
nels à l’artiste français?

D’abord, on a noté l’extraordinaire ressemblance de ses caria-
tides avec celles de l’Erechtéion d’Athènes : même disposition,
même artifice des bras coupés, même style. Goujon les aurait-il
donc connues par un dessin d’artiste ou de voyageur? Cela n’est pas
probable, bien qu’on sache aujourd’hui qu’Athènes fut peut-être
visitée au xvic siècle plus qu’on ne le croyait autrefois. Mais
les quelques descriptions ou vues qu’on en a retrouvées au
xvie siècle concernent presque exclusivement le Parthénon. Faut-il
donc répéter que Goujon, « par une prodigieuse divination, aurait
su retrouver le génie antique » dans l’œuvre moderne qu’il créait?
Pas absolument, car s’il n’a pas eu sous les yeux les grands modèles
de l’époque de Phidias, il en a eu d’autres où revivait, bien qu’affai-
bli, le style de l’antiquité grecque.

En effet, il existait un peu partout, mais surtout à Rome, un
nombre considérable de statues gréco-romaines; on en exhumait
tous les jours, tant était grande la passion de tout ce qui passait
pour grec ou romain. Les Recueils d’antiquités, que l’on commença
à publier au xve siècle 1 et qui furent très à la mode au xvie, ceux

1. Sur toute la question, voir S. Reinach, L’Album de Pierre Jacques, sculpteur
de Reims, Paris, 1902, et spécialement p. 16 et 17. L’original de ce très curieux
 
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