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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
nales; ils sont en argent repoussé, et siègent chacun sous une petite arcade que
portent de fines colonnettes accouplées; mais, quoique, un siècle environ les
sépare de ceux qui figurent sur le triptyque-reliquaire de Sainte-Croix de Liège,
leur expression est beaucoup moins caractéristique, moins variée et aussi moins
émue, que celle de ces derniers. A chacune des extrémités se tient une figure
debout : d’un côté celle de saint Odon, tenant un livre ouvert, de l’autre saint
Georges revêtu de son armure, la main gauche appuyée sur son bouclier.
La partie supérieure de la châsse forme un toit à deux pentes, chacune divi-
sée en trois compartiments ou caissons dans lesquels des bas-reliefs en argent
représentent différents épisodes de la vie des saints dont les reliques sont
conservées, tels le combat de saint Georges contre le dragon, l’apparition du
Christ à la messe célébrée par le saint, son crucifiement et sa décapitation, et son
enterrement à l’issue duquel un ange reçoit son âme qui a pris la forme d’un
petit enfant; —un autre représente saint Odon lavant les pieds d’un pèlerin. L’en-
cadrement de ces bas-reliefs consiste en petites plaques d’émail alternant avec
d’autres plaques de même dimension, décorées de cabochons qu'entourent des
motifs fîligranés. Le faîte supporte une crête richement ciselée, d’où se déta-
chent trois boutons ornementaux.
Un « baiser de paix » de la lin de l’époque gothique, exécuté par Hans de
Reutlingen, orfèvre de Maximilien Ier et de Charles-Quint, méritait l’attention,
— il est en argent doré et llanqué de deux anges assis. Dans la même vitrine, un
oiseau d’argent, par sa forme et ses chaînettes, rappelait ces colombes eucharis-
tiques dont on connaît de beaux exemples recouverts d’émaux de Limoges.
Une des formes les plus curieuses du reliquaire est assurément celle des
« chefs-reliquaires » en métal repoussé représentant la tête, parfois même tout
le buste, d’un saint. Quelques exemples de ces « chefs » avaient été réunis; l’un
des plus anciens, celui du pape saint Corneille, date de la fin du xive siècle. Il est en
argent repoussé et doré par endroits; des pierres précieuses disposées en bandes
ornent le bord de son manteau; la tiare, dont l’or s’harmonise au mieux avec des
améthystes, est d’un très bel effet. Un petit buste en calcédoine, d’origine romaine,
décore la poitrine du saint. L’usage d’ajouter ainsi quelque ornement emprunté
à l’antiquité n’a rien d’exceptionnel à cette époque. L’exemple de Charlemagne
faisant venir d’Italie des fragments d’édifices romains pour les incorporer au
Munster d’Aix-la-Chapelle1 indique que les monuments de l’antiquité étaient
loin d’être aussi méprisés que la légende d’une Renaissance inopinée tend à le
faire croire aujourd’hui. Quoique le modelé en soit parfois assez puissant,
comme dans celui de saint Corneille, l’expression de ces chefs-reliquaires est
généralement froide. Cela tient, en grande partie, au métal poli et luisant dont ils
sont faits, matière très ingrate, et au fait que ces effigies sont moins des portraits
que des figures de convention, exécutées le plus souvent bien après la mort de
celui qu’elles remémorent2.
L’exposition comprenait en outre les chefs-reliquaires de saint Laurent, de
1. « Les marbres et les colonnes avaient été arrachés aux monuments de Rome et de
Ravenne. » (Dr L. Thomas, Grande Encyclopédie, tome I, article Aix-la-Chapelle.) —
Œuvres complètes d’Eginhard, trad. Teulet. Paris, 1840-1843.
2. Ce Corneille n’a rien de commun avec la figure imberbe, longue et fine, du même
Corneille peint par Botticelli dans la Chapelle Sixtine.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
nales; ils sont en argent repoussé, et siègent chacun sous une petite arcade que
portent de fines colonnettes accouplées; mais, quoique, un siècle environ les
sépare de ceux qui figurent sur le triptyque-reliquaire de Sainte-Croix de Liège,
leur expression est beaucoup moins caractéristique, moins variée et aussi moins
émue, que celle de ces derniers. A chacune des extrémités se tient une figure
debout : d’un côté celle de saint Odon, tenant un livre ouvert, de l’autre saint
Georges revêtu de son armure, la main gauche appuyée sur son bouclier.
La partie supérieure de la châsse forme un toit à deux pentes, chacune divi-
sée en trois compartiments ou caissons dans lesquels des bas-reliefs en argent
représentent différents épisodes de la vie des saints dont les reliques sont
conservées, tels le combat de saint Georges contre le dragon, l’apparition du
Christ à la messe célébrée par le saint, son crucifiement et sa décapitation, et son
enterrement à l’issue duquel un ange reçoit son âme qui a pris la forme d’un
petit enfant; —un autre représente saint Odon lavant les pieds d’un pèlerin. L’en-
cadrement de ces bas-reliefs consiste en petites plaques d’émail alternant avec
d’autres plaques de même dimension, décorées de cabochons qu'entourent des
motifs fîligranés. Le faîte supporte une crête richement ciselée, d’où se déta-
chent trois boutons ornementaux.
Un « baiser de paix » de la lin de l’époque gothique, exécuté par Hans de
Reutlingen, orfèvre de Maximilien Ier et de Charles-Quint, méritait l’attention,
— il est en argent doré et llanqué de deux anges assis. Dans la même vitrine, un
oiseau d’argent, par sa forme et ses chaînettes, rappelait ces colombes eucharis-
tiques dont on connaît de beaux exemples recouverts d’émaux de Limoges.
Une des formes les plus curieuses du reliquaire est assurément celle des
« chefs-reliquaires » en métal repoussé représentant la tête, parfois même tout
le buste, d’un saint. Quelques exemples de ces « chefs » avaient été réunis; l’un
des plus anciens, celui du pape saint Corneille, date de la fin du xive siècle. Il est en
argent repoussé et doré par endroits; des pierres précieuses disposées en bandes
ornent le bord de son manteau; la tiare, dont l’or s’harmonise au mieux avec des
améthystes, est d’un très bel effet. Un petit buste en calcédoine, d’origine romaine,
décore la poitrine du saint. L’usage d’ajouter ainsi quelque ornement emprunté
à l’antiquité n’a rien d’exceptionnel à cette époque. L’exemple de Charlemagne
faisant venir d’Italie des fragments d’édifices romains pour les incorporer au
Munster d’Aix-la-Chapelle1 indique que les monuments de l’antiquité étaient
loin d’être aussi méprisés que la légende d’une Renaissance inopinée tend à le
faire croire aujourd’hui. Quoique le modelé en soit parfois assez puissant,
comme dans celui de saint Corneille, l’expression de ces chefs-reliquaires est
généralement froide. Cela tient, en grande partie, au métal poli et luisant dont ils
sont faits, matière très ingrate, et au fait que ces effigies sont moins des portraits
que des figures de convention, exécutées le plus souvent bien après la mort de
celui qu’elles remémorent2.
L’exposition comprenait en outre les chefs-reliquaires de saint Laurent, de
1. « Les marbres et les colonnes avaient été arrachés aux monuments de Rome et de
Ravenne. » (Dr L. Thomas, Grande Encyclopédie, tome I, article Aix-la-Chapelle.) —
Œuvres complètes d’Eginhard, trad. Teulet. Paris, 1840-1843.
2. Ce Corneille n’a rien de commun avec la figure imberbe, longue et fine, du même
Corneille peint par Botticelli dans la Chapelle Sixtine.