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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 1.1909

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Nr. 1
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Leprieur, Paul: Les récentes acquisitions du département des peintures au Musée du Louvre (1907 - 1908), 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24871#0090
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

et qui va s’évaporer aussi vite que le geste rapide de cette élégante
jeune femme, approchant doucement un doigt de ses lèvres pour
recommander son secret. On ne saurait concevoir union plus intime
entre le procédé même et l’émotion. Cette mine de plomb, d’une
pointe si subtile, à peine relevée d’aquarelle, fut la première idée de
la célèbre gravure du maître.

C’est, en revanche, sans nulle préoccupation du public, unique-
ment en père tendre et en artiste incessalmment soucieux d’observer
la nature, que Fragonard fixa un jour les traits de cette fille Rosalie,
qu’il adorait et qu'il devait perdre si prématurément, dans la fleur
de ses dix-huit ans. Bien que le dessin ne porte aucune indication
de date, on devine facilement, d’après l’âge approximatif du jeune
modèle, que l’exécution en dut précéder de très peu la brusque
surprise de cette mort rapide et soudaine (1788), dont le pauvre
Frago fut si douloureusement atteint. L’image de l’enfant disparue,
exécutée avec amour en pleine joie et insouciance de bonheur,
devint ainsi une sorte de pieuse relique, qui ne quitta plus
de longtemps la famille, et où le petit-fils du grand artiste,
Théophile Fragonard, peintre lui-même, attaché au service de la
Manufacture de Sèvres, eut soin de mettre plus tard de sa main
l’inscription qui l’authentique : « Ma tante Rosalie. — Th. Fra-
gonard ». C’est une étude délicieusement traitée, au crayon noir
qui s’écrase, s’estompe par endroits ou s’avive de rehauts blancs
dans les lumières, d’une manière enveloppée et fine autant que
hardie. La jeune fille y revit tout entière, dans la grâce de ses
coquets atours, robe de soie ou de satin aux multiples cassures,
fichu de linon et coiffure légère, ainsi que dans la simplicité franche
de son visage irrégulier et un peu rustique, fixant d'un regard
direct celui qui la dessine, tandis qu’elle pose assise, immobile, les
pieds sur un coussin. Cette œuvre, précieuse à tant de titres, a été
accueillie au Louvre avec d'autant plus de reconnaissance, que les
dessins de Fragonard, richesse de mainte collection privée,
sont malheureusement restés jusqu’ici infiniment rares dans notre
grand musée.

Mais le joyau peut-être le plus inappréciable de la donation
Audéoud, c’est la délicate peinture du même maître, provenant des
collections Walferdin et Tabourier, Le Vœu à l’Amour. On ne saurait
exprimer avec des mots le charme de cette vision de poète, de ce
rêve voluptueux et tendre, sur des données qui toujours plus ou
moins le hantèrent. Fragonard semble avoir ici, pour la première
 
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