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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les œuvres d’art (il en lègue plusieurs à des amis)1, mais encore de
ses rapports d’amitié avec des artistes. L’intimité que nous soupçon-
nions avec Taunay, par exemple, est établie par le legs d’une somme
d’argent qu’il laisse au fils de l’artiste, « son filleul ». Un autre filleul,
« ce Bodson, Baslois de nation », qui semble avoir dessiné pour lui le
portrait de son frère cité plus haut, reçoit une somme analogue. L’en-
semble des portraits de famille — au nombre desquels ceux de
Chardin se trouvaient évidemment — qu’il fait mettre à part, « ne
voulant pas qu'ils soient vendus », sont transmis par lui à son cousin,
le Dr Charles-Louis Varnier, le même qui, encore étudiant, avait
reçu comme les frères Godefroy un legs de J.-B. Massé (cf. Campar-
don, /oc. cit., p. 154), et c’est le gendre par alliance de ce dernier,
Pierre Torras, agent de change à Paris, qui est institué légataire uni-
versel. Ainsi s’explique tout naturellement la transmission régulière
des portraits et souvenirs de famille énumérés ci-dessus aux mains
de Mme Emile Trépard, arrière-petite-fille de Pierre Torras. Il est
curieux de noter que, bien que les Godefroy fussent probablement
catholiques (le baptême du fils aîné, le jour même de sa naissance, à
l’église Saint-Merry, tendrait à le prouver), ils vécurent tout entourés
de parents et d'amis protestants, tels que leur cousin Varnier, sa
femme et son gendre, aussi bien que les Fallavel et J.-B. Massé lui-
même. Nous devons à la gracieuse complaisance du bibliothécaire,
M. Weiss, d’avoir pu retrouver sur ce point, à la bibliothèque de la
Société de 1 Histoire du protestantisme français, quelques intéres-
sants détails. C’est ainsi que, de proche en proche (sans préjuger des
trouvailles postérieures possibles), se reconstitue sous nos yeux, de
plus en plus nette et précise, l'histoire de la famille du financier
dont Chardin paraît avoir été l’ami et dont il prit les enfants pour
modèles en deux de ses plus charmants portraits.
P. L.
1. La bibliothèque, particulièrement importante et bien fournie, mériterait à
elle seule une étude spéciale, et on n’est pas étonné d’y retrouver un dernier
souvenir de la passion musicale de la famille, dans la mention de « quatre-vingt
volumes d’ancienne musique pour le violon et autres instrumens ». Diverses notes
en souffrance témoignent d’achats, restaurations et encadrements de tableaux tout
récents, et il n’ajoute même, presque in extremis, un codicille à son testament
que pour modifier le nom de l’expert qu’il désire voir chargé de diriger la
vente de la collection.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les œuvres d’art (il en lègue plusieurs à des amis)1, mais encore de
ses rapports d’amitié avec des artistes. L’intimité que nous soupçon-
nions avec Taunay, par exemple, est établie par le legs d’une somme
d’argent qu’il laisse au fils de l’artiste, « son filleul ». Un autre filleul,
« ce Bodson, Baslois de nation », qui semble avoir dessiné pour lui le
portrait de son frère cité plus haut, reçoit une somme analogue. L’en-
semble des portraits de famille — au nombre desquels ceux de
Chardin se trouvaient évidemment — qu’il fait mettre à part, « ne
voulant pas qu'ils soient vendus », sont transmis par lui à son cousin,
le Dr Charles-Louis Varnier, le même qui, encore étudiant, avait
reçu comme les frères Godefroy un legs de J.-B. Massé (cf. Campar-
don, /oc. cit., p. 154), et c’est le gendre par alliance de ce dernier,
Pierre Torras, agent de change à Paris, qui est institué légataire uni-
versel. Ainsi s’explique tout naturellement la transmission régulière
des portraits et souvenirs de famille énumérés ci-dessus aux mains
de Mme Emile Trépard, arrière-petite-fille de Pierre Torras. Il est
curieux de noter que, bien que les Godefroy fussent probablement
catholiques (le baptême du fils aîné, le jour même de sa naissance, à
l’église Saint-Merry, tendrait à le prouver), ils vécurent tout entourés
de parents et d'amis protestants, tels que leur cousin Varnier, sa
femme et son gendre, aussi bien que les Fallavel et J.-B. Massé lui-
même. Nous devons à la gracieuse complaisance du bibliothécaire,
M. Weiss, d’avoir pu retrouver sur ce point, à la bibliothèque de la
Société de 1 Histoire du protestantisme français, quelques intéres-
sants détails. C’est ainsi que, de proche en proche (sans préjuger des
trouvailles postérieures possibles), se reconstitue sous nos yeux, de
plus en plus nette et précise, l'histoire de la famille du financier
dont Chardin paraît avoir été l’ami et dont il prit les enfants pour
modèles en deux de ses plus charmants portraits.
P. L.
1. La bibliothèque, particulièrement importante et bien fournie, mériterait à
elle seule une étude spéciale, et on n’est pas étonné d’y retrouver un dernier
souvenir de la passion musicale de la famille, dans la mention de « quatre-vingt
volumes d’ancienne musique pour le violon et autres instrumens ». Diverses notes
en souffrance témoignent d’achats, restaurations et encadrements de tableaux tout
récents, et il n’ajoute même, presque in extremis, un codicille à son testament
que pour modifier le nom de l’expert qu’il désire voir chargé de diriger la
vente de la collection.