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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 4.1910

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Nr. 6
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Ritter, William: Ludwig von Hofmann
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https://doi.org/10.11588/diglit.24874#0469
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

qu’une scène d’idylle réduite en bas-relief antique. La fugace tris-
tesse qui succède au désir satisfait pèse seule sur doux êtres de jeu-
nesse et de vigueur, et non pas le poids nostalgique de l’Eden
perdu. Peut-être est-ce l’unique exemple, dans cette œuvre, d’une
gêne quelconque éprouvée par un personnage à se sentir nu,
l’unique rappel de l’idée de péché. Dès lors les couples revien-
dront à la naïveté antique, à l’innocence édénique. 11 semble
même que cet Adam et cette Eve adolescents, bientôt se soient
ressaisis et, désormais fiers de leur droit de disposer de leur corps et
de s’appartenir, soient devenus les personnages plus grands que
nature de l’Idylle, où le calme même du décor, la lourdeur' simple
des grandes masses d'arbres et de nuages a quelque chose de rassis,
de rationnel et de sainement équilibré, qui dit la sagesse du mariage
dans la poésie sérieuse d’un paysage de parc allemand seigneurial.
Il semble que désormais l’œuvre se déroule sans le moindre frémis-
sement sensuel. L’artiste, maître de ses sens en même temps que
de lui-même, a réalisé sa conquête du nu. C’est désormais, pour lui,
la chose la plus naturelle et la plus idéale du monde. La chair ne
le troublera plus. Seul le jeu des belles lignes et des couleurs camé-
léones le séduit. Il y livre son esprit et de tout son cœur s’y com-
plaît sans arrière-pensée.

Comme paysagiste, M. L. von Hofmann a lancé dans la circulation
une série de motifs neufs, surtout italiens. Il sera curieux, lorsqu’un
recul suffisant le permettra, d’évaluer le rôle de l’Allemagne dans
ce qu’on pourrait appeler la découverte du paysage italien moderne.
De l’Italie de Poussin, de Guaspre, de Claude Lorrain, de Salvator Rosa,
à celle des successeurs de Bœcklin, il y aune distance infiniment plus
grande que de la Hollande de Ruisdael à celle du plus impression-
niste hollandais moderne, parmi les plus savoureux amateurs de belles
pâtes. Corot, en Italie, s’apprête à créer en lui le paysage français,
comme Ludwig Richter apprend à mieux se sen tir Saxon. Avec Boecldin
tout change. Son œil de barbare perçoit tout ce que l’éducation clas-
sique empêchait les Italiens de voir. Il passe, par-dessus la tête des
dieux, réveiller le grand Pan. Il voit des côtes brûlées, des récifs, des
grottes bleues, de belles cassures de rochers, des bosquets noirs, des
myrtes et des lierres, et ces belles villas augustes, dans les cyprès
et les lauriers-roses, que venaient jadis piller les géants de sa sorte,
descendus du Saint-Gothard. Ou, s’il n’inventorie pas avec une pré-
cision géographique ces trésors d’un pittoresque nouveau, du moins
les disperse-t-il à tort et à travers dans son œuvre. Ses successeurs
 
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