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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Graveur original, Brébiette a abordé à peu près tous les ordres
d’inspiration qui pouvaient alors tenter un artiste : religion, mytho-
logie, allégorie, portraits, scènes de mœurs.
Rien ne nous autorise à suspecter la foi de Brébiette ; il était
probablement très religieux, comme on l’était de son temps, mais,
à coup sûr, les sujets de piété échauffaient mal sa verve. S’il a gravé
un grand nombre de pièces édifiantes, c’est sans doute parce que
celles-ci étaient d’une vente facile, recherchées tout ensemble par
les amateurs et par les dévots. Renouvier, qui s’était proposé de
juger les graveurs sur la façon dont ils ont dessiné la Vierge, a dû
porter son attention sur de médiocres productions de notre artiste :
« Ses Vierges », remarque-t-il, « ont plus de rotondité que d’expres-
sion. » Fort heureusement, lorsqu’il a dessiné un saint ou une
sainte au premier plan, massé des fabriques ou des rochers à droite
ou à gauche de l’estampe, et laissé les lointains libres, selon un pon-
cif aisé, il trouve en quelque détail matière «à s’amuser.
Il aime beaucoup les enfants : il les voit débordants de santé,
potelés, mutins; quand il peut les introduire dans quelque compo-
sition, celle-ci n’est jamais indifférente. Voici une Vierge priant
devant l’Enfant Jésus endormi (L. B., 6) : point d’onction religieuse,
mais un sentiment exquis traduit par une facture légère et délicate.
Le Christ n’est qu’un bébé qui dort de tout son être; près de lui
les vrilles d’une vigne s’enroulent en tire-bouchons. Ressuscités par
saint Nicolas, les enfants qui s’éveillent de leur sommeil septennal
forment le groupe le plus spirituel. Un bambin au geste vif nous
oblige à regarder l’image théâtrale de saint Augustin.
Brébiette s'intéresse évidemment moins à saint Antoine qu’au
démon femelle exorcisé par l’anachorète. Il campe avec élégance
un sémillant saint Martin, mais s’arrête surtout à dépeindre le
diahle déguisé en mendiant pour éprouver la charité du légionnaire.
Quand il oppose, dans des allégories édifiantes, les vertus et les
vices, il prête aux vertus des allures cavalières, nous propose une
Chasteté qui ne craint pas de montrer sa jambe et nous dépeint la
Luxure ou la Paresse sous des traits fort aimables. Il semble, d’ail-
leurs, éprouver un plaisir particulier à ces exercices ingrats. Les
perdit sa femme en 1637. Il avait eu sept enfants, dont l’un, Claude, né en 1631,
était filleul du peintre Claude Vignon. 11 doit être mort vers 1650.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Graveur original, Brébiette a abordé à peu près tous les ordres
d’inspiration qui pouvaient alors tenter un artiste : religion, mytho-
logie, allégorie, portraits, scènes de mœurs.
Rien ne nous autorise à suspecter la foi de Brébiette ; il était
probablement très religieux, comme on l’était de son temps, mais,
à coup sûr, les sujets de piété échauffaient mal sa verve. S’il a gravé
un grand nombre de pièces édifiantes, c’est sans doute parce que
celles-ci étaient d’une vente facile, recherchées tout ensemble par
les amateurs et par les dévots. Renouvier, qui s’était proposé de
juger les graveurs sur la façon dont ils ont dessiné la Vierge, a dû
porter son attention sur de médiocres productions de notre artiste :
« Ses Vierges », remarque-t-il, « ont plus de rotondité que d’expres-
sion. » Fort heureusement, lorsqu’il a dessiné un saint ou une
sainte au premier plan, massé des fabriques ou des rochers à droite
ou à gauche de l’estampe, et laissé les lointains libres, selon un pon-
cif aisé, il trouve en quelque détail matière «à s’amuser.
Il aime beaucoup les enfants : il les voit débordants de santé,
potelés, mutins; quand il peut les introduire dans quelque compo-
sition, celle-ci n’est jamais indifférente. Voici une Vierge priant
devant l’Enfant Jésus endormi (L. B., 6) : point d’onction religieuse,
mais un sentiment exquis traduit par une facture légère et délicate.
Le Christ n’est qu’un bébé qui dort de tout son être; près de lui
les vrilles d’une vigne s’enroulent en tire-bouchons. Ressuscités par
saint Nicolas, les enfants qui s’éveillent de leur sommeil septennal
forment le groupe le plus spirituel. Un bambin au geste vif nous
oblige à regarder l’image théâtrale de saint Augustin.
Brébiette s'intéresse évidemment moins à saint Antoine qu’au
démon femelle exorcisé par l’anachorète. Il campe avec élégance
un sémillant saint Martin, mais s’arrête surtout à dépeindre le
diahle déguisé en mendiant pour éprouver la charité du légionnaire.
Quand il oppose, dans des allégories édifiantes, les vertus et les
vices, il prête aux vertus des allures cavalières, nous propose une
Chasteté qui ne craint pas de montrer sa jambe et nous dépeint la
Luxure ou la Paresse sous des traits fort aimables. Il semble, d’ail-
leurs, éprouver un plaisir particulier à ces exercices ingrats. Les
perdit sa femme en 1637. Il avait eu sept enfants, dont l’un, Claude, né en 1631,
était filleul du peintre Claude Vignon. 11 doit être mort vers 1650.