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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de peindre une église de style welche en figurant des absides avec
des niches en coquille et en flanquant les piliers de la nef de
pilastres corinthiens, c’est toujours, au fond, le vieux style gothique
qui transparaît sous un masque Renaissance. Au contraire, dans les
œuvres postérieures à 4520, le style des « fabriques » suppose une
connaissance approfondie de l’architecture italienne de la Renais-
sance.
IV
Le voyage en Italie que M. Hildebrandt croit devoir postuler se
placerait donc entre 1520 et 1524. Il est sans doute téméraire de
reconstituer l’itinéraire de ce voyage hypothétique. Mais, d’après la
nature des réminiscences qu’on constate dans les tableaux d’Altdorfer
à partir de cette date, on est fondé à croire qu’il passa par le col
du Brenner, visita Vérone et surtout Venise. Cet itinéraire est celui
que suivaient presque tous les « Tedeschi » de Nuremberg et
d’Augsbourg à l’époque de Durer. Les œuvres qui firent sur lui la
plus profonde impression furent sans doute les tableaux d’architec-
ture de Gentile Bellini et de Carpaccio, ainsi que les tombeaux des
doges Vendramin et Mocenigo dans l’église de San Giovanni e Paolo
(San Zanipolo). Il profita aussi de son séjour peur faire des études
théoriques et approfondir les lois de la perspective.
A son retour, l’imagination encore toute pleine des merveilles
qu’il avait vues en Italie, il voulut donner à ses compatriotes une
idée des magnifiques palais qu’il aurait pu bâtir si la ville de
Ratisbonne avait eu les moyens de suivre le fastueux exemple de la
République de Venise. L’occasion lui en fut fournie en 152G par
son tableau de Suzanne au bain, qui lui fut, sans doute, commandé
par le duc de Bavière, et qui appartient aujourd’hui à la Pinaco-
thèque de Munich. Suzanne et son bain ne sont pour lui qu’un
prétexte à dresser sur une haute terrasse dominant les verdures d’un
parc un splendide palais Renaissance. Il avait été évidemment très
frappé en ltalié par la somptuosité des mosaïques de marbre qui
revêtent la façade des édifices. Les balustrades de la terrasse qu’il
imagine ont des colonnettes de marbre rouge et des chapiteaux de
marbre blanc. Les pilastres de marbre rouge de son palais de féerie
sont surmontés de chapiteaux dorés. Toute cette marqueterie de
marbre n’est pas d’un goût très pur et, comme on l’a dit plaisam-
ment, le palais rêvé par Altdorfer fait penser davantage à un casino
moderne de ville d’eaux qu’au « Palazzo Vendramin ».
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de peindre une église de style welche en figurant des absides avec
des niches en coquille et en flanquant les piliers de la nef de
pilastres corinthiens, c’est toujours, au fond, le vieux style gothique
qui transparaît sous un masque Renaissance. Au contraire, dans les
œuvres postérieures à 4520, le style des « fabriques » suppose une
connaissance approfondie de l’architecture italienne de la Renais-
sance.
IV
Le voyage en Italie que M. Hildebrandt croit devoir postuler se
placerait donc entre 1520 et 1524. Il est sans doute téméraire de
reconstituer l’itinéraire de ce voyage hypothétique. Mais, d’après la
nature des réminiscences qu’on constate dans les tableaux d’Altdorfer
à partir de cette date, on est fondé à croire qu’il passa par le col
du Brenner, visita Vérone et surtout Venise. Cet itinéraire est celui
que suivaient presque tous les « Tedeschi » de Nuremberg et
d’Augsbourg à l’époque de Durer. Les œuvres qui firent sur lui la
plus profonde impression furent sans doute les tableaux d’architec-
ture de Gentile Bellini et de Carpaccio, ainsi que les tombeaux des
doges Vendramin et Mocenigo dans l’église de San Giovanni e Paolo
(San Zanipolo). Il profita aussi de son séjour peur faire des études
théoriques et approfondir les lois de la perspective.
A son retour, l’imagination encore toute pleine des merveilles
qu’il avait vues en Italie, il voulut donner à ses compatriotes une
idée des magnifiques palais qu’il aurait pu bâtir si la ville de
Ratisbonne avait eu les moyens de suivre le fastueux exemple de la
République de Venise. L’occasion lui en fut fournie en 152G par
son tableau de Suzanne au bain, qui lui fut, sans doute, commandé
par le duc de Bavière, et qui appartient aujourd’hui à la Pinaco-
thèque de Munich. Suzanne et son bain ne sont pour lui qu’un
prétexte à dresser sur une haute terrasse dominant les verdures d’un
parc un splendide palais Renaissance. Il avait été évidemment très
frappé en ltalié par la somptuosité des mosaïques de marbre qui
revêtent la façade des édifices. Les balustrades de la terrasse qu’il
imagine ont des colonnettes de marbre rouge et des chapiteaux de
marbre blanc. Les pilastres de marbre rouge de son palais de féerie
sont surmontés de chapiteaux dorés. Toute cette marqueterie de
marbre n’est pas d’un goût très pur et, comme on l’a dit plaisam-
ment, le palais rêvé par Altdorfer fait penser davantage à un casino
moderne de ville d’eaux qu’au « Palazzo Vendramin ».