Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 5.1911

DOI issue:
Nr. 2
DOI article:
Réau, Louis: Albrecht Altdorfer et les origines du paysage allemand
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24875#0149
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
134

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

n’est pas jusqu'au grand cartouche suspendu dans un coin du
tableau qui ne soit baigné dans cette atmosphère : il semble planer
sur les nuages au-dessus de la mêlée1.

Altdorfer est, en somme, le premier peintre allemand qui ait su
mettre de l’air dans ses paysages : par des artifices de perspective
et des dégradations insensibles de couleurs, il conduit les yeux
depuis les premiers plans jusqu’aux lointains vaporeux. Une de ses
œuvres les plus délicates, à cet égard, est le petit tableau de genre
•du musée de Berlin qui illustre le proverbe populaire : La Pauvreté
s’assied sur la trahie du Luxe (1531)2. Un gentilhomme et une dame
habillés de riches vêtements gravissent majestueusement l’escalier
de marbre d’un château Renaissance, au seuil duquel un majordome
vient leur souhaiter la bienvenue : ils ne s’aperçoivent pas qu’ils
traînent dans leur sillage une impudente famille de mendiants. Le
château, qui ressemble étonnamment, comme l’a remarqué H. de
Geymüller, à un des premiers projets de Saint-Pierre de Rome, est
■équilibré à droite par des masses de feuillage qui forment coulisse.
On aperçoit au fond la fuite de terrains vallonnés. C’est déjà le même
artifice que chez Claude Lorrain.

La charmante Madone de la Pinacothèque de Munich, qui trône
sur les nuages au milieu d’un essaim d’anges musiciens ;î, et la poé-
tique Nativité du Musée impérial deVienne appartiennent à la même
période et montrent l’artiste en possession de tous ses moyens.
Mais les thèmes historiques ou religieux ne sont pour lui que des
accessoires : il s’intéresse davantage aux architectures et surtout
aux paysages. Par une logique toute naturelle, il en arrive à subor-
donner de plus en plus les figures au paysage, puis à les éliminer
•complètement.

Le premier, il a osé peindre, dans un petit tableau de la Pinaco-
thèque de Munich, un paysage pur, sans figures, sans staffage.
Sous un ciel d’un bleu profond, un sentier serpente entre les sapins
et débouche sur les bords d’un lac encadré de montagnes bleuâtres. 11
n’y a plus cette fois ni famille de satyres, ni saints en prière pour
« étoffer » ce paysage qui se suffit à lui-même4. Dürer avait déjà

1. Cf. Voit, Führer durch die alte Pinacothek, 1908.

2. « Der Bettel sitzt der Hoffart auf der Schleppe ».

3. Ce motif de la Vierge trônant sur des nuages, fréquent dans l’art italien, est
très rare dans la peinture allemande.

4. On trouve en outre, dans l’œuvred’Elsheimer, une série de dix paysages gra-
vés : cf. A. Altdorfers Landschafts-Radicrungen, édité par Friedlander. Berlin,
1906.
 
Annotationen