LE SALON D’AUTOMNE
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autour de la chaire de Prato, ont abandonné leurs ébats pour pleurer
sur l’urne à laquelle ils s'appuient.
Donc, la section de sculpture, si elle est peu importante, pré-
sente cependant des morceaux remarquables. Les moindres ne
sont pas les animaux si remarquablement étudiés dans la beauté de
leurs mouvements par M. Rembrandt Bugatti, quelques pièces de
M. Idœtger, Halou et Bouchard, et la petite statuette de fillette de
iVIme Charlotte Besnard.
*
* ❖
Divers artistes ont l’honneur d’une rétrospective. M. Francisco
Iturrino est de ceux-là. On s’explique malaisément pourquoi. Il ne
représente en rien l’art espagnol de notre temps. Quatre à six de
ses tableaux, au lieu de vingt-huit, eussent suffi amplement à
donner une idée exacte de son talent agréable et superficiel qui se
répète à satiété.
Il faut, au contraire, être reconnaissant à M. Arsène Alexandre
de nous avoir présenté l’œuvre de M. Henry de Groux et d’avoir
ressuscité, en quelque sorte, un artiste que beaucoup croyaient mort L
La peinture de M. Henry de Groux n’attire peut-être pas une
immédiate sympathie. Comme notre Gustave Moreau, M. de Groux,
lorsqu’il a été en possession de la formule qui lui permettait
d’exprimer ses rêves de visionnaire, a travaillé sans aucun désir de
renouvellement, et c’est selon les mêmes procédés qu’il retrace les
douleurs du Christ exposé aux risées de la populace, la Mort de
Siegfried ou la Veillée de Waterloo, les Filles du Rhin, le Lai
d'Aristote, ou qu'il peint des portraits de personnes vivantes ou de
morts illustres dont il fait les amis de ses méditations; mais, nature
étrange, impulsive et exceptionnelle, nul n’a le droit de l’ignorer
ni de le dédaigner. Dès 1892, il exposait à Paris ce Christ aux
outrages qui est resté son œuvre principale et où il a montré avec
une véritable émotion la condescendance obséquieuse de Pilate vis-
à-vis de la populace qui, corps et bras tendus vers la victime, lui
clame sa haine, féroce d’être sans raison. Les lignes du dessin
convergent toutes vers la figure de Jésus, expriment parleur seul jet la
volonté formidable et le désir collectif de meurtre qui animent ces
voix hurlantes. C’est bien là, comme il a été dit, « la rafale immense
1. Voir la préface à cette exposition dans le catalogue du Salon d’Automne.
V. aussi le n° spécial de la Plume (1892), consacré à M. Henry de Groux.
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autour de la chaire de Prato, ont abandonné leurs ébats pour pleurer
sur l’urne à laquelle ils s'appuient.
Donc, la section de sculpture, si elle est peu importante, pré-
sente cependant des morceaux remarquables. Les moindres ne
sont pas les animaux si remarquablement étudiés dans la beauté de
leurs mouvements par M. Rembrandt Bugatti, quelques pièces de
M. Idœtger, Halou et Bouchard, et la petite statuette de fillette de
iVIme Charlotte Besnard.
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Divers artistes ont l’honneur d’une rétrospective. M. Francisco
Iturrino est de ceux-là. On s’explique malaisément pourquoi. Il ne
représente en rien l’art espagnol de notre temps. Quatre à six de
ses tableaux, au lieu de vingt-huit, eussent suffi amplement à
donner une idée exacte de son talent agréable et superficiel qui se
répète à satiété.
Il faut, au contraire, être reconnaissant à M. Arsène Alexandre
de nous avoir présenté l’œuvre de M. Henry de Groux et d’avoir
ressuscité, en quelque sorte, un artiste que beaucoup croyaient mort L
La peinture de M. Henry de Groux n’attire peut-être pas une
immédiate sympathie. Comme notre Gustave Moreau, M. de Groux,
lorsqu’il a été en possession de la formule qui lui permettait
d’exprimer ses rêves de visionnaire, a travaillé sans aucun désir de
renouvellement, et c’est selon les mêmes procédés qu’il retrace les
douleurs du Christ exposé aux risées de la populace, la Mort de
Siegfried ou la Veillée de Waterloo, les Filles du Rhin, le Lai
d'Aristote, ou qu'il peint des portraits de personnes vivantes ou de
morts illustres dont il fait les amis de ses méditations; mais, nature
étrange, impulsive et exceptionnelle, nul n’a le droit de l’ignorer
ni de le dédaigner. Dès 1892, il exposait à Paris ce Christ aux
outrages qui est resté son œuvre principale et où il a montré avec
une véritable émotion la condescendance obséquieuse de Pilate vis-
à-vis de la populace qui, corps et bras tendus vers la victime, lui
clame sa haine, féroce d’être sans raison. Les lignes du dessin
convergent toutes vers la figure de Jésus, expriment parleur seul jet la
volonté formidable et le désir collectif de meurtre qui animent ces
voix hurlantes. C’est bien là, comme il a été dit, « la rafale immense
1. Voir la préface à cette exposition dans le catalogue du Salon d’Automne.
V. aussi le n° spécial de la Plume (1892), consacré à M. Henry de Groux.