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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Cette pièce, datée de 1443, c’est-à-dire de l’année où le contrat
d’association entre les deux peintres principaux de la cour, Gre-
gorio Bono et Jean Sapientis venait ou d’échoir ou de se renouveler,
mentionnant expressément le nom de Jean Bapteur comme étant
alors celui du peintre officiel du duc, assimilant ce nom à celui de
Jehan le peintre, fournit un argument en faveur de l’identification
de ces trois artistes : Jean Bapteur, Jean le peintre et Jean Sapientis.
Le nom de Bapteur ou de Battiou, qui est sans doute un surnom,
ayant trait au travail de battre l’or, l’étain ou un métal quelconque,
ne s’oppose pas à cette hypothèse. Jean Sapientis étant verrier, il
devait avoir l’habitude de « battre », c’est-à-dire de traiter au
repoussoir et au marteau les métaux divers 1.
Si l’on pouvait toutefois admettre que le terme « estensis »,
apparaissant dans les deux documents absolument indépendants
l’un de l’autre que nous avons cités, avait trait au diocèse, la ques-
tion changerait de face, et les noms de Jean Bapteur et de Jean
Trésorerie générale, vol. 96, fol. 594, recto et verso) : « Libravit Johanni Baptitoris
pictori clomi/d (ducis) cui prefatm dominus noster Sabaudie dux per Hugonem Dos-
sonel tune Thesaurarium Sabaudie generalem librari, solui et realiter vice sua expediri
voluü et mandavit, 41 ftor. 7 den. et 3/4 gross. p. p. quos traxit et libravit et in
quïbus idem dominus noster dicto pictori tenebatur causis et racionibus in quodam
rotule papiri descriptis tenoris sequentis,. . . (fol. 594 verso). Item mays le tier jour
daoust lan que dessus [1443] les estoffes que jay pris enchies Johan Lygot pour
pendre los pavoes que Ion a tramys à Berne, 6 dozennes et dymy, premièrement
10 lyvres de cole forte valent a 3 quart la lyvre 12 den.ob. gross. Item de ver darout
14 lyvres et 14, valent checone lyvre : 4 d. gross. que sunt en some : 4 fl. 9 d. gross.
Item I quarteron de saffran pour donner couleur gage au dit ver de pavoes, valent
21 gr. Item 1 livre et I quarteron de gomme arabique pour détremper le dit vert
2 d. ob. gros. Item 3 quarteron et 1/2 de vin aigre acheté enchiez Johan Groz pour
detremper le dit vert 3 gr. 1/2. Item 12 livres et I quarteron de vernis liquides
6 gros, la livre, pour vernicier 6 dozenes de pavoes, valent en somme 6 fl. I den. ob,
gross. Item 4 lengueux vieux acheté de la femme deliot legier pour remender les dit
pavoes 11 d. gros. Item les jornes et despens de 3 compagnons gui ont ovre 6 jours,
compte 2 gross. pour leur despens, le jour, et 4 pour leur jornes qui montent en
somme (en notice, ne non ou novonl) de Jouit, Johan destors de Bourt, Galiot de
Brucelles pientre de prince doringe, Petremant Despere, valet de Guillerme Roquin le
verrier, et moi Johan le peintre), 13 fl. p. p. »
Il est rare de trouver clans un document du xve siècle tant de détails sur le
mélange des couleurs. Cette dose de safran destinée à ajouter une « couleur gaie »
au vert des pavois, cette gomme arabique, et ces mesures de vinaigre employées
à (( détremper » ledit vert, nous fournissent des données précieuses pour appré-
cier la facture de cette école.
1. A titre de curiosité nous rendons nos lecteurs attentifs à l’analogie que pré-
sente avec le nom de Bapteur celui de Battistagno ou de Battiloro (batteur d’étain
ou batteur d'or) que portent ci et là des artistes italiens de l’époque. Le père de
Jacopo Bellini s'appelait Niccolà Battistagno.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Cette pièce, datée de 1443, c’est-à-dire de l’année où le contrat
d’association entre les deux peintres principaux de la cour, Gre-
gorio Bono et Jean Sapientis venait ou d’échoir ou de se renouveler,
mentionnant expressément le nom de Jean Bapteur comme étant
alors celui du peintre officiel du duc, assimilant ce nom à celui de
Jehan le peintre, fournit un argument en faveur de l’identification
de ces trois artistes : Jean Bapteur, Jean le peintre et Jean Sapientis.
Le nom de Bapteur ou de Battiou, qui est sans doute un surnom,
ayant trait au travail de battre l’or, l’étain ou un métal quelconque,
ne s’oppose pas à cette hypothèse. Jean Sapientis étant verrier, il
devait avoir l’habitude de « battre », c’est-à-dire de traiter au
repoussoir et au marteau les métaux divers 1.
Si l’on pouvait toutefois admettre que le terme « estensis »,
apparaissant dans les deux documents absolument indépendants
l’un de l’autre que nous avons cités, avait trait au diocèse, la ques-
tion changerait de face, et les noms de Jean Bapteur et de Jean
Trésorerie générale, vol. 96, fol. 594, recto et verso) : « Libravit Johanni Baptitoris
pictori clomi/d (ducis) cui prefatm dominus noster Sabaudie dux per Hugonem Dos-
sonel tune Thesaurarium Sabaudie generalem librari, solui et realiter vice sua expediri
voluü et mandavit, 41 ftor. 7 den. et 3/4 gross. p. p. quos traxit et libravit et in
quïbus idem dominus noster dicto pictori tenebatur causis et racionibus in quodam
rotule papiri descriptis tenoris sequentis,. . . (fol. 594 verso). Item mays le tier jour
daoust lan que dessus [1443] les estoffes que jay pris enchies Johan Lygot pour
pendre los pavoes que Ion a tramys à Berne, 6 dozennes et dymy, premièrement
10 lyvres de cole forte valent a 3 quart la lyvre 12 den.ob. gross. Item de ver darout
14 lyvres et 14, valent checone lyvre : 4 d. gross. que sunt en some : 4 fl. 9 d. gross.
Item I quarteron de saffran pour donner couleur gage au dit ver de pavoes, valent
21 gr. Item 1 livre et I quarteron de gomme arabique pour détremper le dit vert
2 d. ob. gros. Item 3 quarteron et 1/2 de vin aigre acheté enchiez Johan Groz pour
detremper le dit vert 3 gr. 1/2. Item 12 livres et I quarteron de vernis liquides
6 gros, la livre, pour vernicier 6 dozenes de pavoes, valent en somme 6 fl. I den. ob,
gross. Item 4 lengueux vieux acheté de la femme deliot legier pour remender les dit
pavoes 11 d. gros. Item les jornes et despens de 3 compagnons gui ont ovre 6 jours,
compte 2 gross. pour leur despens, le jour, et 4 pour leur jornes qui montent en
somme (en notice, ne non ou novonl) de Jouit, Johan destors de Bourt, Galiot de
Brucelles pientre de prince doringe, Petremant Despere, valet de Guillerme Roquin le
verrier, et moi Johan le peintre), 13 fl. p. p. »
Il est rare de trouver clans un document du xve siècle tant de détails sur le
mélange des couleurs. Cette dose de safran destinée à ajouter une « couleur gaie »
au vert des pavois, cette gomme arabique, et ces mesures de vinaigre employées
à (( détremper » ledit vert, nous fournissent des données précieuses pour appré-
cier la facture de cette école.
1. A titre de curiosité nous rendons nos lecteurs attentifs à l’analogie que pré-
sente avec le nom de Bapteur celui de Battistagno ou de Battiloro (batteur d’étain
ou batteur d'or) que portent ci et là des artistes italiens de l’époque. Le père de
Jacopo Bellini s'appelait Niccolà Battistagno.