Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 7.1912

DOI issue:
Nr. 2
DOI article:
Rosenthal, Léon: La peinture romantique sous la monarchie de Juillet, [1]
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24884#0119
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
108

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

mesurer la hardiesse de la touche. 11 me semble que c’est vers 1840
que Delacroix est arrivé à, la pleine possession de ces moyens. Il y
associe la science des reflets et des complémentaires. La Justice de
Trajan, qui par tant d’autres côtés est un chef-d’œuvre incompa-
rable, est aussi le morceau technique le plus complet, le plus neuf
de l’œuvre du maître; la rareté des tons, la sensation d’atmosphère,
l’impression de vie palpitante et exubérante, sont obtenues par des
méthodes où se trouvent en puissance l’art des impressionnistes,
les reflets d’Albert Besnard, toutes les acquisitions de l’art contem-
porain.

Comment Delacroix est-il arrivé à ces résultats splendides? Par
une volonté persévérante, des expériences continuelles, parla longue
patience et les intuitions du génie. Les recherches qu’il fut amené
à faire pour obtenir dans ses peintures murales, destinées à être
vues à distance, un maximum d’effet y ont particulièrement contri-
bué. Mais,— il convient de le remarquer, — au même moment, par
une voie toute différente, Chevreul déterminait les lois scientifiques
devinées par Delacroix, et il les divulguait dans un mémoire publié
en 1839 1 et dans des cours professés à l’amphithéâtre des Gobelins
en 1840, 1842 et 1844. Ces leçons eurent le plus grand succès; les
théories du savant furent résumées dans les revues artistiques2. Les
lecteurs de Y Artiste peuvent ainsi apprendre, par exemple, que
« mettre une couleur sur une toile, ce n’est pas seulement colorer de
cette couleur la partie de la toile sur laquelle le pinceau a été appli-
qué, mais encore colorer de la complémentaire l’espace contigu ».
Les conséquences de ces découvertes, l’application que leur donnait
par avance Delacroix, le devoir ou les libertés qui en découlaient
pour les artistes, personne ne paraît en avoir eu alors le sentiment,
si j’en excepte Baudelaire. Les pages admirables qu’il consacre à la
couleur dans son Salon de 18463 procèdent à la fois de l’étude de
Chevreul et de celle de Delacroix: «Le rouge», écrit-il, «chante la
gloire du vert... La nature ressemble à un toton qui, mû par une
vitesse accélérée, nous apparaît gris, bien qu'il résume en lui toutes
les couleurs...; les arbres, les rochers, les granits se mirent dans les
eaux et y déposent leurs reflets ; tous les objets transparents accro-

1. De la loi clu contraste simultané des couleurs et de Vassortiment des objets
coloriés, considérés d’après cette loi dans ses rapports avec la peinture, avec un atlas,
1839.

2. Bulletin de l’Ami des arts; — Dr E. Y., Cours sur le contraste des couleurs, par
M. Chevreul (L’Artiste, 1842, p. 142 et 162).

3. III : De la couleur (Curiosités esthétiques, p. 87).
 
Annotationen