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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Doin, Jeanne: Marguerite Gérard (1761-1837)
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

épousailles très heureuses pour les Gérard. La petite quêta, dc-ci
de-là, des renseignements alîn de contenter sa curiosité fraîche
éclose. Elle se lit ainsi une opinion. Le fiancé était nn Fragonard,
le fils de gantiers, ses voisins. On le tenait pour un peintre apprécié,
riche à souhait et fort bien en cour. Tout cela lui plut beaucoup,
et elle pensa avec intérêt à ce beau-frère qu’elle assimilait, en son
particulier, au prince charmant des contes dits à la veillée.

Après cet événement considérable, son existence s’apaisa et
devint laborieuse. Elle fit avec tout le monde la cueillette des roses
et des jasmins; elle s’occupa du tri et de l'effeuillement de ces
tleurs dont le parfum lui causait maintenant des émois. LTn beau
jour, sa sœur la manda à Paris, et elle partit, joyeuse et ravie. Elle
atteignait quatorze ans, et savait à peine lire, écrire et compter.

Au débarquer, Marie-Anne l’embrassait, et Fragonard lui tapo-
tait les joues. Des surprises l’attendaient. D’abord le logis, ces vastes
galeries du Louvre où le ménage demeurait; ensuite la société,
petit cénacle imposant pour une si jeune enfant; puis les longues
causeries sur des sujets qu’elle entendait mal; enfin l’atelier du
maître, dans le vieux Louvre, du côté de la colonnade, où ses
instincts de femme et d’artiste allaient s’éveiller, flattés par cette,
élégance conforme à de secrètes inclinations. Elle ouvrait sur ces
choses nouvelles des yeux étonnés qui amusaient le galant Frago.
Bientôt, son air emprunté s’atténuait, le hàle du visage disparaissait,
et la fillette noiraude se métamorphosait en une jolie brune sen-
sible et ardente. On remarqua qu’elle avait de l’esprit; mais son
savoir devait rester rudimentaire, et elle en souffrit plus tard, sans
toutefois le déplorer assez pour y remédier.

Elle éprouvait du plaisir à demeurer dans l’atelier de son beau-
frère. On l’y tolérait parce qu’elle s’était mise à crayonner. Frago-
nard corrigeait ses dessins et l’encourageait. Il se sentait troublé; la
petite l’attendrissait. Pour l’aguerrir au métier, il lui apprenait
l’eau-forte. En 1778, elle signait Le Chat emmailloté et La Première
leçon d équitation. La même année, le Journal de Paris1 annonçait
en termes élogieux l’estampe dédiée Au Génie de Franklin. D’autres
planches suivirent. La plus célèbre est Monsieur Fan fan jouant avec
Monsieur Polichinelle et compagnie, qu’on peut dater de 1782 2.

1. 1778, p. 1278-1279.

2. Alexandre-Évariste Fragonard, dit Fan fan, était né à Grasse en 1780. L’absence
du père est signalée sur l’acte de naissance. Fragonard était resté, sans doute, à
Paris avec Marguerite Gérard.
 
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