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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Syracuse, de Munich, de Palerme et d’Anvers (Crucifixion). Meme
un detail comme celui des faux plis du manteau se retrouve au-des-
sus du front de la Vierge de Palerme. Le paysage ne fournit aucune
indication positive.
Mais la Madone Benson peut-elle prétendre à une place dans la
série chronologique, aujourd’hui connue assez exactement, des pein-
tures d’Antonello? Il est toujours périlleux d’attribuer une œuvre
nouvelle à un artiste sans se préoccuper de la dater. Le type, nous
l’avons vu, est intermédiaire entre celui de XAnnonciation de Syra-
cuse, datant, d’après les textes, de la fin de 1474, et la femme portant
un enfant du Saint Sébastien de Dresde, qui n’est pas daté, mais que
je placerais volontiers en 1475, alors que l’auteur était à Venise ou
que les impressions de Venise étaient encore vives dans son esprit.
Les figures au second plan du Saint Sébastien ressemblent à des
figures des prédelles d’Ercole Roberti à Dresde; quelque conclusion
qu’on puisse tirer de cette ressemblance, déjà plusieurs fois remar-
quée, pour la question des relations possibles entre les deux artistes,
il n’est pas probable qu’ils se soient rencontrés avant le premier
séjour d’Antonello à Venise en 1475. Mais, si j’ai raison de croire
qu’Ercole a imité Antoncllo, alors ce dernier doit avoir peint son
Sébastien dans l'Italie du Nord, la seule région où Ercole ait pu le
voir. Enfin, les soldats du Saint Sébastien ressemblent à ceux de la
Crucifixion d’Anvers, qui est précisément datée de 1475.
Nous avons encore allégué, au cours des comparaisons qui pré-
cèdent, la Pie.là Correr, les Vierges de Palerme et de Munich. Quelles
dates assigner à ces peintures?
La Pietà Correr, une ruine s’il en fut, mais d’un dessin si sublime
qu’elle paraît souffrir à peine de sa ruine, est si évidemment belli-
nesque qu’elle a dû être peinte vers 1475 à Venise, d’oii elle ne
semble jamais être sortie.
La Vierge de Palerme, par le type, la technique, la couleur, les
trèfles sculptés dans le pupitre et surtout les longs plis de ses dra-
peries, est très voisine de VAnnonciation de Syracuse, datée de 1474.
La Vierge de Munich est drapée plus sobrement, avec une simplicité
élégante, une continuité de contours enveloppants, une économie de
masse, qui impliquent une conception artistique plus mûre que le
tableau de Palerme. En outre, la technique ressemble à celle d’une
œuvre datant de la fin de la carrière trop brève d’Antonello, le
Saint Sébastien de Bergame.
La Madone Benson, qui peut être considérée, à certains égards.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Syracuse, de Munich, de Palerme et d’Anvers (Crucifixion). Meme
un detail comme celui des faux plis du manteau se retrouve au-des-
sus du front de la Vierge de Palerme. Le paysage ne fournit aucune
indication positive.
Mais la Madone Benson peut-elle prétendre à une place dans la
série chronologique, aujourd’hui connue assez exactement, des pein-
tures d’Antonello? Il est toujours périlleux d’attribuer une œuvre
nouvelle à un artiste sans se préoccuper de la dater. Le type, nous
l’avons vu, est intermédiaire entre celui de XAnnonciation de Syra-
cuse, datant, d’après les textes, de la fin de 1474, et la femme portant
un enfant du Saint Sébastien de Dresde, qui n’est pas daté, mais que
je placerais volontiers en 1475, alors que l’auteur était à Venise ou
que les impressions de Venise étaient encore vives dans son esprit.
Les figures au second plan du Saint Sébastien ressemblent à des
figures des prédelles d’Ercole Roberti à Dresde; quelque conclusion
qu’on puisse tirer de cette ressemblance, déjà plusieurs fois remar-
quée, pour la question des relations possibles entre les deux artistes,
il n’est pas probable qu’ils se soient rencontrés avant le premier
séjour d’Antonello à Venise en 1475. Mais, si j’ai raison de croire
qu’Ercole a imité Antoncllo, alors ce dernier doit avoir peint son
Sébastien dans l'Italie du Nord, la seule région où Ercole ait pu le
voir. Enfin, les soldats du Saint Sébastien ressemblent à ceux de la
Crucifixion d’Anvers, qui est précisément datée de 1475.
Nous avons encore allégué, au cours des comparaisons qui pré-
cèdent, la Pie.là Correr, les Vierges de Palerme et de Munich. Quelles
dates assigner à ces peintures?
La Pietà Correr, une ruine s’il en fut, mais d’un dessin si sublime
qu’elle paraît souffrir à peine de sa ruine, est si évidemment belli-
nesque qu’elle a dû être peinte vers 1475 à Venise, d’oii elle ne
semble jamais être sortie.
La Vierge de Palerme, par le type, la technique, la couleur, les
trèfles sculptés dans le pupitre et surtout les longs plis de ses dra-
peries, est très voisine de VAnnonciation de Syracuse, datée de 1474.
La Vierge de Munich est drapée plus sobrement, avec une simplicité
élégante, une continuité de contours enveloppants, une économie de
masse, qui impliquent une conception artistique plus mûre que le
tableau de Palerme. En outre, la technique ressemble à celle d’une
œuvre datant de la fin de la carrière trop brève d’Antonello, le
Saint Sébastien de Bergame.
La Madone Benson, qui peut être considérée, à certains égards.