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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
je lésai décrits et j’en ai reproduit plusieurs dans mon Lorenzo Lolto.
Une fois convaincu que la Sainte Justine n’était pas de lui, j’ai
repris l’examen des portraits, croyant d’abord que je devais lui en
retirer ; à ma surprise, je fus amené à les lui laisser. Ces têtes sont
assez inégales et il est regrettable que le seul portrait signé, celui
de la collection Salting, soit l’un des derniers en date et des moins
intéressants. Le portrait d’homme de Padoue, comme celui que le
legs Cohen a fait entrer à la National Gallery, sont très inférieurs
au frais et élégant portrait d’un
jeune Vénitien qu’on voit parmi
les tableaux de la collection Sal-
ting au même musée. Pourtant,
ces œuvres sont de la même
main. Dans celles de ces tètes
qui sont les plus voisines d’An-
tonello, Alvise semble s’être
identifié à son modèle comme
Sebastiano del Piombo à Michel-
Ange ; peut-être cet effort a-t-il
été stérilisant pour l’un comme
il le fut certainement pour
l’autre; on n’abdique pas impu-
nément sa personnalité.
Depuis la publication de la
seconde édition de mon Lorenzo
Lotto, j’ai eu connaissance de
certains portraits d’Alvise qui
n’avaient pas encore été signa-
lés. Quatre d’entre eux sont de la fin de sa carrière et, par suite,
moins intéressants pour moi, qui désire ici confirmer l’attribution à
cet artiste des têtes plus voisines d’Antonello. Le plus vigoureux est
le portrait de Colleoni appartenant à lord Brownlow à Ashridge
Park, publié par M. Fry1 comme une œuvre probable de Gentile
Bellini. Pour moi, je pense que l’auteur du buste de Sainte Claire à
Venise et du Saint Georges du tableau d’autel de Berlin, l’un et
l’autre indiscutablement d’Alvise, doit être aussi l’auteur du Colleoni.
Le grand condottiere mourut en 1475, l’année de l’arrivée d’Anto-
nello à Venise; comme aucun Vénitien n’a pu s’assimiler aussi
PORTRAIT D’HOMME
PAR ALVISE VIVARINI
(Collection du baron Schickler, Paris.)
t. Fry, Burlington Magazine, XXI, planche à la p. 48.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
je lésai décrits et j’en ai reproduit plusieurs dans mon Lorenzo Lolto.
Une fois convaincu que la Sainte Justine n’était pas de lui, j’ai
repris l’examen des portraits, croyant d’abord que je devais lui en
retirer ; à ma surprise, je fus amené à les lui laisser. Ces têtes sont
assez inégales et il est regrettable que le seul portrait signé, celui
de la collection Salting, soit l’un des derniers en date et des moins
intéressants. Le portrait d’homme de Padoue, comme celui que le
legs Cohen a fait entrer à la National Gallery, sont très inférieurs
au frais et élégant portrait d’un
jeune Vénitien qu’on voit parmi
les tableaux de la collection Sal-
ting au même musée. Pourtant,
ces œuvres sont de la même
main. Dans celles de ces tètes
qui sont les plus voisines d’An-
tonello, Alvise semble s’être
identifié à son modèle comme
Sebastiano del Piombo à Michel-
Ange ; peut-être cet effort a-t-il
été stérilisant pour l’un comme
il le fut certainement pour
l’autre; on n’abdique pas impu-
nément sa personnalité.
Depuis la publication de la
seconde édition de mon Lorenzo
Lotto, j’ai eu connaissance de
certains portraits d’Alvise qui
n’avaient pas encore été signa-
lés. Quatre d’entre eux sont de la fin de sa carrière et, par suite,
moins intéressants pour moi, qui désire ici confirmer l’attribution à
cet artiste des têtes plus voisines d’Antonello. Le plus vigoureux est
le portrait de Colleoni appartenant à lord Brownlow à Ashridge
Park, publié par M. Fry1 comme une œuvre probable de Gentile
Bellini. Pour moi, je pense que l’auteur du buste de Sainte Claire à
Venise et du Saint Georges du tableau d’autel de Berlin, l’un et
l’autre indiscutablement d’Alvise, doit être aussi l’auteur du Colleoni.
Le grand condottiere mourut en 1475, l’année de l’arrivée d’Anto-
nello à Venise; comme aucun Vénitien n’a pu s’assimiler aussi
PORTRAIT D’HOMME
PAR ALVISE VIVARINI
(Collection du baron Schickler, Paris.)
t. Fry, Burlington Magazine, XXI, planche à la p. 48.