LES FRESQUES DE LA GARDE-ROBE A AVIGNON 313
avoir rendu sensibles aux yeux les beautés du monde spirituel, ils
s’attacheront davantage à reproduire les apparences du monde exté-
rieur. Et, de la sorte, naturalisme et réalisme pénètrent de plus en
plus dans l’art.
On s’est étonné de cette apparition; on s’est demandé quel pays
l’avait vu naître, et l’on en a fait, avec Courajod, honneur à la
France1. Mais il est bien évident qu’une évolution de cette ampleur
ne s’est pas faite exclusivement en une contrée, pas plus qu’elle ne
s’est produite à une date déterminée. Pour vivre, l’art profane a
besoin de mécènes. Il grandit là où il trouve les conditions sociales
et économiques indispensables à son développement.
Aussi bien le trouvons-nous à la cour des grands de ce monde,
princes, papes ou rois, seigneurs ecclésiastiques ou laïques. C’est là
qu’il réalise ses premiers progrès. En Italie, les petites seigneuries
lui offrirent de bonne heure un terrain favorable.
Mais c’est dans notre pays que la vie de cour était le plus opu-
lente, que le luxe était le plus répandu et le plus magnifique, et c’est
en France que le nouvel art profane s’épanouit vraiment. Dans la
seconde moitié du xive siècle, la cour du roi Charles V et de ses fils
est justement célèbre. Mais la cour des papes l’a devancé dans le
temps. Dès le premier quart du siècle, elle domine le monde catho-
lique par son prestige et son éclat.
Clément VI, en montant sur le trône pontifical, trouvait en Avi-
gnon un trésor que ses prédécesseurs avaient su sagement accroître,
une capitale où depuis un quart de siècle princes et rois se succé-
daient sans interruption, où accouraient marchands, pèlerins et
bourgeois de tout pays, où d’importantes constructions, élevées sans
relâche, avaient attiré de France, d’Italie, d’Angleterre, d’Allemagne
tout un peuple d’artisans et d’artistes.
Et avec le descendant des seigneurs de Rosières parvenait au
pontificat le membre d’une grande famille, pénétré des traditions
et de l’orgueil de son milieu, à l’esprit généreux, aimant le faste,
qui prétendait donner à la papauté, à sa nouvelle capitale, à sa
demeure un éclat durable. Il jugeait qu’aucun de ses prédécesseurs
1. Il faut citer, à ce sujet, avec les travaux de Courajod, bien connus en
France, les travaux considérables, plus récents, de Dvoimk, Das Ratsel der Kunst
der Brüder van Eyck, dans Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen des allerh.
Kaiserhauses, t. XXIV ; de Kurt Zoege von Manteuffel, Die Gemalde und Zeichnun-
gen des Antonio Pisano aus Verona, Halle a. S., 1909, enfin l’article souvent cité
ici de Mme Betty Kurth, p. 83 et 84 notamment. — Dans un sens contraire,
P. Toesca : voir notamment L'Arte, 1913, p. 140, note 1.
avoir rendu sensibles aux yeux les beautés du monde spirituel, ils
s’attacheront davantage à reproduire les apparences du monde exté-
rieur. Et, de la sorte, naturalisme et réalisme pénètrent de plus en
plus dans l’art.
On s’est étonné de cette apparition; on s’est demandé quel pays
l’avait vu naître, et l’on en a fait, avec Courajod, honneur à la
France1. Mais il est bien évident qu’une évolution de cette ampleur
ne s’est pas faite exclusivement en une contrée, pas plus qu’elle ne
s’est produite à une date déterminée. Pour vivre, l’art profane a
besoin de mécènes. Il grandit là où il trouve les conditions sociales
et économiques indispensables à son développement.
Aussi bien le trouvons-nous à la cour des grands de ce monde,
princes, papes ou rois, seigneurs ecclésiastiques ou laïques. C’est là
qu’il réalise ses premiers progrès. En Italie, les petites seigneuries
lui offrirent de bonne heure un terrain favorable.
Mais c’est dans notre pays que la vie de cour était le plus opu-
lente, que le luxe était le plus répandu et le plus magnifique, et c’est
en France que le nouvel art profane s’épanouit vraiment. Dans la
seconde moitié du xive siècle, la cour du roi Charles V et de ses fils
est justement célèbre. Mais la cour des papes l’a devancé dans le
temps. Dès le premier quart du siècle, elle domine le monde catho-
lique par son prestige et son éclat.
Clément VI, en montant sur le trône pontifical, trouvait en Avi-
gnon un trésor que ses prédécesseurs avaient su sagement accroître,
une capitale où depuis un quart de siècle princes et rois se succé-
daient sans interruption, où accouraient marchands, pèlerins et
bourgeois de tout pays, où d’importantes constructions, élevées sans
relâche, avaient attiré de France, d’Italie, d’Angleterre, d’Allemagne
tout un peuple d’artisans et d’artistes.
Et avec le descendant des seigneurs de Rosières parvenait au
pontificat le membre d’une grande famille, pénétré des traditions
et de l’orgueil de son milieu, à l’esprit généreux, aimant le faste,
qui prétendait donner à la papauté, à sa nouvelle capitale, à sa
demeure un éclat durable. Il jugeait qu’aucun de ses prédécesseurs
1. Il faut citer, à ce sujet, avec les travaux de Courajod, bien connus en
France, les travaux considérables, plus récents, de Dvoimk, Das Ratsel der Kunst
der Brüder van Eyck, dans Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen des allerh.
Kaiserhauses, t. XXIV ; de Kurt Zoege von Manteuffel, Die Gemalde und Zeichnun-
gen des Antonio Pisano aus Verona, Halle a. S., 1909, enfin l’article souvent cité
ici de Mme Betty Kurth, p. 83 et 84 notamment. — Dans un sens contraire,
P. Toesca : voir notamment L'Arte, 1913, p. 140, note 1.