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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 13.1917

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Nr. 1
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Ojetti, Ugo: Les monuments d'Italie et la guerre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24915#0047

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

drale, ses vengeances viennent systématiquement au lendemain de
ses défaites.

Mais comme ces bombardements aériens sont moins précis que
le tir de batteries de campagne, ils produisent plus de dévastation
autour de ces églises. 11 faut penser que Venise n’a que trois kilo-
mètres de longueur et deux de largo, et que, par conséquent, il suffit
de quelques secondes pour traverser son ciel en hydravion. Aucune
ville d’Europe n’a des rues aussi étroites et des maisons aussi res-
serrées. Pendant que les bombes éclataient près du palais Pesaro,
près du palais Vendramin-Calergi, près des maisons byzantines du
Rialto, pendant qu’elles détruisaient le palais Marcello, pendant
qu’elles tombaient sur le palais Albrizzi, célèbre par les stucs de Vit-
toria, les hôpitaux et les asiles d’enfants et de vieillards étaient
arrosés de cette pluie de feu ; et quelquefois, par le seul déplacement
de l’air, on voyait s’effondrer tout autour, en un amas de poussière
et de gravats, les vieilles et fragiles petites maisons vénitiennes
dont les briques ronges restent maintenues par une maigre chaux
de sable, par des clefs de fer rouillé et des poutres en bois pourri.

Venise n’a pas seulement ses monuments glorieux, ses joyaux
précieux : elle est tout un trésor d’art, d’histoire, de couleurs. Il
n’y a pas, comme à Rome, à Naples, à Milan et à Florence, des
quartiers neufs et des rues nouvelles autour des anciens monuments ;
elle est tout entière un monument. Essayez de désigner quelques
édifices qui puissent être démolis sur le Grand Canal, sur le Canar-
regio, sur le quai des Esclavons, sans nuire à l’ensemble? Impossible.
L’un vit de l’autre, le petit comme le grand, le riche comme le
pauvre, le palais de pierre auquel la mer, le soleil et le temps ont
donné la patine du fer, et la masure voisine au crépi rouge et aux
petites fenêtres fermées de volets verts.

Mais ce sont des vérités seulement comprises par les peuples vrai-
ment civilisés; nos ennemis les ont balbutiées sans conviction,
pendant des années, feignant de comprendre ce qu’avant tout il
faut pouvoir sentir. Il est inutile de répéter cette vérité mainte-
nant. Il ne faut penser qu’à défendre Venise et ses monuments,
aussi bien que possible. Et il faut vaincre.

*

* *

La défense du ciel de Venise est difficile.

Four parvenir à survoler les autres villes, les aéroplanes enne-
 
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