LES TAPISSERIES DES « CHASSES DE MAXIMILIEN
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duc de Guise, fils du Balafré, qui les possédait déjà en 16311. Quand et comment
étaient-elles entrées dans la famille? Achat, apport au moment d’un mariage,
don de la Maison d’Espagne à l’occasion d’une des nombreuses négociations
que les Guise menèrent avec elle ? On ne sait. Elles étaient bien faites, en tout
cas, pour plaire au duc Claude ou au duc François, qui occupèrent l’un et
l’autre la charge de grand-veneur de France. .
Le fils de Charles de Lorraine, le duc Henri, fut contraint de les céder.
Très gêné d’argent au moment de sa deuxième expédition contre Naples en
i654, il vendit plusieurs des belles tentures.que renfermait son hôtel au
cardinal Mazarin. Celui-ci, rentré d’exil depuis un an, s’occupait de recons-
tituer ses collections dispersées et de les accroître. Mais, faute sans doute
d’avoir pu se mettre d’accord sur le prix, Mazarin dut recourir, pour entrer
en possession des Chasses qu’il convoitait, à un de ces moyens détournés qui
ne lui déplaisaient pas : en 1655, il fit prêter par un homme à lui, un financier
du nom de Girardin, une somme de 834oo livres au duc de Guise, contre
remise en nantissement des Chasses et d’une autre tenture bruxelloise connue
sous le nom des « Crotesques » ou des Douze mois arabesques. Les tapisseries
entrèrent aussitôt dans le garde-meuble du cardinal, mais l’affaire n’était pas
réglée au moment de sa mort en 1661. Louis XIV, ayant acheté à ses héri-
tiers les plus belles pièces de sa collection, leur remboursa l’avance faite au
duc de Guise, et se substitua ainsi à eux dans la créance. Ce ne fut cependant
qu’en 1665, après le décès du duc Henri, survenu l’année précédente, que
l’achat devint définitif ; le roi fit payer aux héritiers du duc 3/ji6oo livres,
sans préjudice d’une gratification de 125 000 livres, pour parfaire le prix
convenu pour les Chasses, les « Crotesques » et le célèbre diamant de Guise,
soit une dépense totale de 55o 000 livres. Le diamant intervenant pour 3oo 000
livres, il restait 25oooo pour les deux tentures de tapisserie, somme consi-
dérable à l’époque 2.
1. Elles figurent à l’inventaire après décès du duc Charles dressé en 1644 ; il y est
spécifié qu’avec d’autres meubles, elles avaient été emportées par lui en Italie, en 1631.
lorsqu’il fut contraint de quitter la France, à cause du parti qu’il avait pris pour Marie de
Médicis. Cet inventaire a été publié par Jules Guilîrey, dans les Archives de l'histoire de
l’art français en 1896. Les Chasses étaient évaluées 5oooo livres.
2. La date et les conditions de l’achat par le roi notaient pas connues jusqu’ici exac-
tement. J’ai pu reconstituer l’histoire de cette négociation grâce à des documents provenant
de Gédéon Du Metz, garde du mobilier de la couronne sous Louis XI Y, et conservés aux
archives de l’Oise, qui m’ont été très obligeamment signalés par M. J -J. Marquet de Vasselot.
Les documents et les détails assez curieux de l'histoire ont fait l’objet d’une communication
à la Société de l’Iustoire de l’art français qui paraîtra dans le Bulletin de la Société pour 1919.
Seul, le texte du paiement de 1665, qui figure au T. 270 des Mélanges de Colbert à la
Bibliothèque nationale, avait été publié ; M. G. Bapst l’a donné dans son Histoire des
joyaux de la Couronne, 1889, p. 359, à propos du diamant deGuise; M. Théodore Reinach
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duc de Guise, fils du Balafré, qui les possédait déjà en 16311. Quand et comment
étaient-elles entrées dans la famille? Achat, apport au moment d’un mariage,
don de la Maison d’Espagne à l’occasion d’une des nombreuses négociations
que les Guise menèrent avec elle ? On ne sait. Elles étaient bien faites, en tout
cas, pour plaire au duc Claude ou au duc François, qui occupèrent l’un et
l’autre la charge de grand-veneur de France. .
Le fils de Charles de Lorraine, le duc Henri, fut contraint de les céder.
Très gêné d’argent au moment de sa deuxième expédition contre Naples en
i654, il vendit plusieurs des belles tentures.que renfermait son hôtel au
cardinal Mazarin. Celui-ci, rentré d’exil depuis un an, s’occupait de recons-
tituer ses collections dispersées et de les accroître. Mais, faute sans doute
d’avoir pu se mettre d’accord sur le prix, Mazarin dut recourir, pour entrer
en possession des Chasses qu’il convoitait, à un de ces moyens détournés qui
ne lui déplaisaient pas : en 1655, il fit prêter par un homme à lui, un financier
du nom de Girardin, une somme de 834oo livres au duc de Guise, contre
remise en nantissement des Chasses et d’une autre tenture bruxelloise connue
sous le nom des « Crotesques » ou des Douze mois arabesques. Les tapisseries
entrèrent aussitôt dans le garde-meuble du cardinal, mais l’affaire n’était pas
réglée au moment de sa mort en 1661. Louis XIV, ayant acheté à ses héri-
tiers les plus belles pièces de sa collection, leur remboursa l’avance faite au
duc de Guise, et se substitua ainsi à eux dans la créance. Ce ne fut cependant
qu’en 1665, après le décès du duc Henri, survenu l’année précédente, que
l’achat devint définitif ; le roi fit payer aux héritiers du duc 3/ji6oo livres,
sans préjudice d’une gratification de 125 000 livres, pour parfaire le prix
convenu pour les Chasses, les « Crotesques » et le célèbre diamant de Guise,
soit une dépense totale de 55o 000 livres. Le diamant intervenant pour 3oo 000
livres, il restait 25oooo pour les deux tentures de tapisserie, somme consi-
dérable à l’époque 2.
1. Elles figurent à l’inventaire après décès du duc Charles dressé en 1644 ; il y est
spécifié qu’avec d’autres meubles, elles avaient été emportées par lui en Italie, en 1631.
lorsqu’il fut contraint de quitter la France, à cause du parti qu’il avait pris pour Marie de
Médicis. Cet inventaire a été publié par Jules Guilîrey, dans les Archives de l'histoire de
l’art français en 1896. Les Chasses étaient évaluées 5oooo livres.
2. La date et les conditions de l’achat par le roi notaient pas connues jusqu’ici exac-
tement. J’ai pu reconstituer l’histoire de cette négociation grâce à des documents provenant
de Gédéon Du Metz, garde du mobilier de la couronne sous Louis XI Y, et conservés aux
archives de l’Oise, qui m’ont été très obligeamment signalés par M. J -J. Marquet de Vasselot.
Les documents et les détails assez curieux de l'histoire ont fait l’objet d’une communication
à la Société de l’Iustoire de l’art français qui paraîtra dans le Bulletin de la Société pour 1919.
Seul, le texte du paiement de 1665, qui figure au T. 270 des Mélanges de Colbert à la
Bibliothèque nationale, avait été publié ; M. G. Bapst l’a donné dans son Histoire des
joyaux de la Couronne, 1889, p. 359, à propos du diamant deGuise; M. Théodore Reinach