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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vis pour la première fois, intacte, éblouissante, parée de ses mille statues.
Aucune œuvre humaine ne m’émut jamais autant que les trois gigantesques
porches, tels qu’ils m’apparurent ce jour-là. Sans doute, la cathédrale muti-
lée sera tout aussi émouvante, son douloureux sourire touchera aussi pro-
fondément les cœurs, mais celte magnificence d’autrefois ne sera-t-elle plus
qu’un souvenir qui s’efface? Les nouvelles générations devront-elles l’ignorer
à jamais? — Voilà ce que je me demandais devant ces voussures arrachées,
ces statues mutilées qui
laissent voir le cœur de la
pierre.
Or, ce que je souhaitais
était en train de naître ;
un album se préparait,
aujourd'hui terminé, qui
nous rend la cathédrale
dans toute sa splendeur1.
Par un bonheur providen-
tiel, toutes ces magnifiques
photographies avaient été
prises un peu avant la
guerre2. Quelques-unes
d’entre elles conservent
seules aujourd’hui l’image
de ce qui n’est plus. Elles
sont devenues pour nous
de véritables originaux ; la
postérité verra éternelle-
ment telle figure de Ileims
lJhot. L. Doucet.
figure de l’église (détail)
(aujourd’hui détruite)
(Cathédrale de Reims.)
sous l’aspect qu’elle a ici.
Ces deux cent vingt-cinq
planches, qui sont toutes
intéressantes et dont beaucoup sont admirables, forment un monument digne
i. La Cathédrale de Reims, v vol. in-fol. de ioo et 125 planches, avec une introduction et
des notices de M. Paul Vitry, conservateur au Musée du Louvre. Le livre est publié par la
Librairie centrale des Beaux-Arts. L’éditeur, Emile Lévy, qui l’entreprit en pleine guerre
avec une véritable passion, est mort avant d’avoir eu la joie de le voir terminé. — Il n’y a, à
propos de cet admirable recueil, qu’un regret à exprimer : c’est qu’il ne soit pas tout à fait com-
plet. Il y manque quelques planches qui nous eussent donné toute la décoration intérieure
du revers de la façade; les portails du Nord et du Sud font presque complètement défaut.
a. Elles sont de MM. Trompette, Rothier, L. Doucet. Quelques-unes sont empruntées
à la collection des Monuments historiques.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
vis pour la première fois, intacte, éblouissante, parée de ses mille statues.
Aucune œuvre humaine ne m’émut jamais autant que les trois gigantesques
porches, tels qu’ils m’apparurent ce jour-là. Sans doute, la cathédrale muti-
lée sera tout aussi émouvante, son douloureux sourire touchera aussi pro-
fondément les cœurs, mais celte magnificence d’autrefois ne sera-t-elle plus
qu’un souvenir qui s’efface? Les nouvelles générations devront-elles l’ignorer
à jamais? — Voilà ce que je me demandais devant ces voussures arrachées,
ces statues mutilées qui
laissent voir le cœur de la
pierre.
Or, ce que je souhaitais
était en train de naître ;
un album se préparait,
aujourd'hui terminé, qui
nous rend la cathédrale
dans toute sa splendeur1.
Par un bonheur providen-
tiel, toutes ces magnifiques
photographies avaient été
prises un peu avant la
guerre2. Quelques-unes
d’entre elles conservent
seules aujourd’hui l’image
de ce qui n’est plus. Elles
sont devenues pour nous
de véritables originaux ; la
postérité verra éternelle-
ment telle figure de Ileims
lJhot. L. Doucet.
figure de l’église (détail)
(aujourd’hui détruite)
(Cathédrale de Reims.)
sous l’aspect qu’elle a ici.
Ces deux cent vingt-cinq
planches, qui sont toutes
intéressantes et dont beaucoup sont admirables, forment un monument digne
i. La Cathédrale de Reims, v vol. in-fol. de ioo et 125 planches, avec une introduction et
des notices de M. Paul Vitry, conservateur au Musée du Louvre. Le livre est publié par la
Librairie centrale des Beaux-Arts. L’éditeur, Emile Lévy, qui l’entreprit en pleine guerre
avec une véritable passion, est mort avant d’avoir eu la joie de le voir terminé. — Il n’y a, à
propos de cet admirable recueil, qu’un regret à exprimer : c’est qu’il ne soit pas tout à fait com-
plet. Il y manque quelques planches qui nous eussent donné toute la décoration intérieure
du revers de la façade; les portails du Nord et du Sud font presque complètement défaut.
a. Elles sont de MM. Trompette, Rothier, L. Doucet. Quelques-unes sont empruntées
à la collection des Monuments historiques.