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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
qu’on ne sait comment désigner et dont nous ne connaîtrons probablement
jamais le vrai nom. Mais il en est qu’on peut nommer, et il est surprenant
qu’on se soit mépris si longtemps sur leur véritable signification. Telles
sont les statues des contreforts de la façade à
l’étage de la rose. M. Yitry a fort bien com-
pris qu’elles commémoraient la Résurrection
du Christ. Il a vu la vérité ; toutefois il me per-
mettra de compléter et même de corriger son
explication. Les deux personnages debout près
de la rose sont, on ne saurait en douter, les
deux pèlerins d’Emmaüs ; le Christ, vêtu lui-
même en pèlerin, les accompagne. Mais la
figure de femme, placée de trois quarts sous
un pinacle, ne saurait représenter la Vierge ;
c’est Marie Madeleine au matin de la Résurrec-
tion, annonçant la grande nouvelle à saint
Pierre qui, de l’autre pinacle, semble l’écou-
ter. Pourquoi saint Jean fait-il pendant à saint
Pierre, du côté opposé de la façade? Parce
qu’il entendit, lui aussi, la parole de Madeleine
et qu’il accompagna saint Pierre au tombeau.
Mais les preuves de la Résurrection se conti-
nuent sur l’autre face de chacune des tours. Du
côté du Nord, le Christ montre son côté à saint
Thomas qui tend la main vers la plaie. Du côté
du Midi, deux Apôtres sont debout : l'un est
saint Paul, à qui le Christ apparat sur le che-
min de Damas; l’autre est saint Jacques, non
pas saint Jacques le Majeur, mais saint Jacques
le Mineur, qui eut, lui aussi, au témoignage de
saint Paul, son apparition particulière. Il avait
fait vœu, ajoute la Légende dorée, de ne pas
manger jusqu’à ce qu’il eût vu son maître res-
suscité ; et le jour de Pâques, comme il n’avait
pris encore aucune nourriture, le Seigneur lui
apparut et lui dit : « Lève-toi, mon frère, et mange, car le Fils de l’Homme
est ressuscité d’entre les morts. » Saint Jacques, comme une sorte de grand-
prêtre qu’il fut, a le manteau relevé sur la tête, et il porte à la main le
bâton de foulon, instrument de son supplice. Les dix statues que nous venons
d’énumérer forment le cycle de la Résurrection. Elles planent au-dessus de la
Phot. Rothier.
STATUE DE JOB
DÉNOMMÉE A TORT « CLOVIS »
(Ébrasement de droite du portail de Saint-Sixte
à la cathédrale de Reims.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
qu’on ne sait comment désigner et dont nous ne connaîtrons probablement
jamais le vrai nom. Mais il en est qu’on peut nommer, et il est surprenant
qu’on se soit mépris si longtemps sur leur véritable signification. Telles
sont les statues des contreforts de la façade à
l’étage de la rose. M. Yitry a fort bien com-
pris qu’elles commémoraient la Résurrection
du Christ. Il a vu la vérité ; toutefois il me per-
mettra de compléter et même de corriger son
explication. Les deux personnages debout près
de la rose sont, on ne saurait en douter, les
deux pèlerins d’Emmaüs ; le Christ, vêtu lui-
même en pèlerin, les accompagne. Mais la
figure de femme, placée de trois quarts sous
un pinacle, ne saurait représenter la Vierge ;
c’est Marie Madeleine au matin de la Résurrec-
tion, annonçant la grande nouvelle à saint
Pierre qui, de l’autre pinacle, semble l’écou-
ter. Pourquoi saint Jean fait-il pendant à saint
Pierre, du côté opposé de la façade? Parce
qu’il entendit, lui aussi, la parole de Madeleine
et qu’il accompagna saint Pierre au tombeau.
Mais les preuves de la Résurrection se conti-
nuent sur l’autre face de chacune des tours. Du
côté du Nord, le Christ montre son côté à saint
Thomas qui tend la main vers la plaie. Du côté
du Midi, deux Apôtres sont debout : l'un est
saint Paul, à qui le Christ apparat sur le che-
min de Damas; l’autre est saint Jacques, non
pas saint Jacques le Majeur, mais saint Jacques
le Mineur, qui eut, lui aussi, au témoignage de
saint Paul, son apparition particulière. Il avait
fait vœu, ajoute la Légende dorée, de ne pas
manger jusqu’à ce qu’il eût vu son maître res-
suscité ; et le jour de Pâques, comme il n’avait
pris encore aucune nourriture, le Seigneur lui
apparut et lui dit : « Lève-toi, mon frère, et mange, car le Fils de l’Homme
est ressuscité d’entre les morts. » Saint Jacques, comme une sorte de grand-
prêtre qu’il fut, a le manteau relevé sur la tête, et il porte à la main le
bâton de foulon, instrument de son supplice. Les dix statues que nous venons
d’énumérer forment le cycle de la Résurrection. Elles planent au-dessus de la
Phot. Rothier.
STATUE DE JOB
DÉNOMMÉE A TORT « CLOVIS »
(Ébrasement de droite du portail de Saint-Sixte
à la cathédrale de Reims.)