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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
troduire dans la copie leur marque et d’ajouter ainsi à l’œuvre d’école une
dose plus ou moins prononcée de saveur personnelle.
En dépit de sa tête hiératisée, notre chien respire la vie. Onia sent circuler
dans ce corps musclé, où le connaisseur se plaira à retrouver toutes les carac-
téristiques de l’espèce et de la race. Nous n’entreprendrons pas de les décrire :
elles sont trop apparentes. Il est préférable d’appeler, une fois déplus, l’atten-
tion sur l’extrême simplicité du procédé. Se représente-t-on ce qu’en aurait
fait un sculpteur moderne? Il se serait laissé aller à faire un portrait de
chien en l’attaquant dans tous les détails ; il y aurait vu surtout un thème
proposé à sa virtuosité. L’Egyptien, synthétiste sans le savoir, s’arrêtait,
dans l’exécution, aux traits essentiels. Déposer son ciseau au point voulu où
le corps a pris sa forme, ne pas se laisser entraîner dans les enfantillages du
détail inutile, inexpressif, voilà le vrai signe de la virilité dans l’art, et voilà
ce que la sculpture égyptienne a su mettre en œuvre d’une façon encore plus
saisissante que la peinture, parce qu’elle avait à son service les trois dimen-
sions. Mais, les Egyptiens n’ayant pas dissocié la peinture de la sculpture, il
faut restituer mentalement leurs couleurs aux statues comme aux bas-reliefs,
que la matière ait été le blanc calcaire, le grès de Nubie jaunâtre, ou le granit
rose, avec cette restriction que les roches primitives, syénite, diorite, basalte,
peuvent n’avoir été que rehaussées partiellement de couleurs dans les détails.
Le Chien du Louvre a perdu la sienne, qui était vraisemblablement 1 ocre
jaune, la plus pulvérulente et la moins tenace des couleurs égyptiennes. Ne
le regrettons pas. Des traces de bleu subsistent dans les plis de 1 intérieur
des oreilles; mais il faut écarter résolument l’hypothèse que ce bleu s’éten-
dait au reste du corps: il avait été réservé conventionnellement pour traduire
ainsi l’épiderme violacé de cette partie de l’animal.
L’ancienne Lycopolis (Saoût des inscriptions hiéroglyphiques) est aujour-
d’hui recouverte par la moderne Sioût, et les monticules de décombres dans
le voisinage de la nécropole n'ont révélé aucun reste d’édifice. En fait, le
temple du dieu Oup-ouaïtou a disparu sans laisser de traces et, avec le
temple, la statue de l’animal divin. Ce dernier serait donc la principale
inconnue du problème, si les textes et tableaux religieux n’étaient prodigues
de son image. Par contre, Anubis, avec lequel il s’est confondu, nous est
parvenu, en dehors des inscriptions et des peintures murales, sous la forme
de nombreuses figurines en toutes les matières employées par les anciens
Egyptiens et de statues de bois peintes en noir. De toute façon, nous ne
pouvons envisager le dieu-loup de Lycopolis autrement que dans ses images
murales, qui ne le représentent jamais accroupi.
foutes les probabilités sont donc en faveur d’une statue non divine, pro-
venant de la nécropole. Celle-ci se décompose, au pied de la croupe lormée
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troduire dans la copie leur marque et d’ajouter ainsi à l’œuvre d’école une
dose plus ou moins prononcée de saveur personnelle.
En dépit de sa tête hiératisée, notre chien respire la vie. Onia sent circuler
dans ce corps musclé, où le connaisseur se plaira à retrouver toutes les carac-
téristiques de l’espèce et de la race. Nous n’entreprendrons pas de les décrire :
elles sont trop apparentes. Il est préférable d’appeler, une fois déplus, l’atten-
tion sur l’extrême simplicité du procédé. Se représente-t-on ce qu’en aurait
fait un sculpteur moderne? Il se serait laissé aller à faire un portrait de
chien en l’attaquant dans tous les détails ; il y aurait vu surtout un thème
proposé à sa virtuosité. L’Egyptien, synthétiste sans le savoir, s’arrêtait,
dans l’exécution, aux traits essentiels. Déposer son ciseau au point voulu où
le corps a pris sa forme, ne pas se laisser entraîner dans les enfantillages du
détail inutile, inexpressif, voilà le vrai signe de la virilité dans l’art, et voilà
ce que la sculpture égyptienne a su mettre en œuvre d’une façon encore plus
saisissante que la peinture, parce qu’elle avait à son service les trois dimen-
sions. Mais, les Egyptiens n’ayant pas dissocié la peinture de la sculpture, il
faut restituer mentalement leurs couleurs aux statues comme aux bas-reliefs,
que la matière ait été le blanc calcaire, le grès de Nubie jaunâtre, ou le granit
rose, avec cette restriction que les roches primitives, syénite, diorite, basalte,
peuvent n’avoir été que rehaussées partiellement de couleurs dans les détails.
Le Chien du Louvre a perdu la sienne, qui était vraisemblablement 1 ocre
jaune, la plus pulvérulente et la moins tenace des couleurs égyptiennes. Ne
le regrettons pas. Des traces de bleu subsistent dans les plis de 1 intérieur
des oreilles; mais il faut écarter résolument l’hypothèse que ce bleu s’éten-
dait au reste du corps: il avait été réservé conventionnellement pour traduire
ainsi l’épiderme violacé de cette partie de l’animal.
L’ancienne Lycopolis (Saoût des inscriptions hiéroglyphiques) est aujour-
d’hui recouverte par la moderne Sioût, et les monticules de décombres dans
le voisinage de la nécropole n'ont révélé aucun reste d’édifice. En fait, le
temple du dieu Oup-ouaïtou a disparu sans laisser de traces et, avec le
temple, la statue de l’animal divin. Ce dernier serait donc la principale
inconnue du problème, si les textes et tableaux religieux n’étaient prodigues
de son image. Par contre, Anubis, avec lequel il s’est confondu, nous est
parvenu, en dehors des inscriptions et des peintures murales, sous la forme
de nombreuses figurines en toutes les matières employées par les anciens
Egyptiens et de statues de bois peintes en noir. De toute façon, nous ne
pouvons envisager le dieu-loup de Lycopolis autrement que dans ses images
murales, qui ne le représentent jamais accroupi.
foutes les probabilités sont donc en faveur d’une statue non divine, pro-
venant de la nécropole. Celle-ci se décompose, au pied de la croupe lormée