LES DERNIÈRES DÉCADES DU XV® SIÈCLE ioi
l’exécution parfaite qui prime tout. Les maîtres de la Haute Allemange sont des sculp-
teurs, tandis que ceux de la Basse Allemagne sont des peintres.
Les maîtres colonais ont une particularité commune, c’est qu’on peut déterminer
leurs œuvres par la noble magnificence de leur pittoresque facture. On chercherait
vainement à Cologne soit la forme volumineuse de Zeitblom, soit la hardiesse de pers-
pective de l’art d’un Pacher, soit la composition condensée de Schongauer, soit enfin
la rudesse expressive de Wolgemut. Une assemblée de la Sainte-Parenté (pl. 69) ne se
compose pas de scènes de genre comme celles d’un Strigel, mais représente un
simple rapprochement d’individus. Les personnages ne sont que des supports de
brillantes couleurs et l’espace qu’ils occupent n’a pas la dimension de la profondeur.
Des personnages en miniature figurent dans les espaces laissés fibres par la scène
principale, car toute la surface doit être également et symétriquement animée.
Le Maître de la Sainte-Parenté n’était pas un grand inventeur. Lorsqu’il doit
représenter des événements mouvementés, on le sent défaillant, il manque d’envergure.
Quoique sa formation trahisse la manière colonaise, il se rapproche tellement de l’art
néerlandais, qu’à maints endroits les limites de son œuvre personnelle restent impré-
cises. A tout prendre il reste Colonais, surtout si on le compare à l’un de ses contem-
porains un peu plus jeune qui revenait probablement lui-même de Hollande et que
l’on nomme le Maître de Saint-Séverin, d’après l’église à laquelle fut destiné son chef-
d’œuvre. C’est au style de « Geertgen tôt sint Jans » que sa manière se rattache le
mieux. Il introduisit à Cologne une façon de sentir toute nouvelle. On ne gesticule
pas beaucoup dans ses tableaux et cependant on ne saurait dire que l’action y fasse
défaut. Elle est reportée à l’intérieur. Ces personnages aux visages allongés et laids, aux
yeux étonnés, révèlent plus de vie intérieure que les figures d’aspect statuaire de Zeit-
blom et que les compères furieusement agités des tableaux franconiens. Le Maître de
Saint-Séverin, pas plus que celui de la Sainte-Parenté, ne fait preuve d’inventions tout
à fait originales, bien qu'il nous ait donné quelques peintures de légendes très réus-
sies et qui témoignent d’une grande richesse de sentiment.
Il est à remarquer que l’Adoration des Mages (pl. 70), le Jugement dernier et
l’Ascension de la Vierge du Maître de Saint-Séverin, se bornent à reproduire l’essen-
tiel des anciens schèmes. C’est d’ailleurs la contrainte même de la forme qui en fait tout
le charme. La manière dont il fait retomber verticalement un manteau et dont il dispose
un groupe tout à fait au centre, avec une symétrie telle que l’un des côtés coïncide
presque exactement à l’autre, tout cela témoigne d’un effort conscient vers la pure
forme classique. Par contre, des traces évidentes d’une propension au fantastique se
retrouvent dans les formes des détails. Il est permis de sourire devant les visages si
invraisemblablement allongés et mortellement solennels, qui semblent s’harmoniser
avec les plis étrangement étirés de leurs vêtements. L’artiste paraît avoir conscience
de travailler pour des connaisseurs. Il déploie sur ses tableaux un tissu diapré encore plus
l’exécution parfaite qui prime tout. Les maîtres de la Haute Allemange sont des sculp-
teurs, tandis que ceux de la Basse Allemagne sont des peintres.
Les maîtres colonais ont une particularité commune, c’est qu’on peut déterminer
leurs œuvres par la noble magnificence de leur pittoresque facture. On chercherait
vainement à Cologne soit la forme volumineuse de Zeitblom, soit la hardiesse de pers-
pective de l’art d’un Pacher, soit la composition condensée de Schongauer, soit enfin
la rudesse expressive de Wolgemut. Une assemblée de la Sainte-Parenté (pl. 69) ne se
compose pas de scènes de genre comme celles d’un Strigel, mais représente un
simple rapprochement d’individus. Les personnages ne sont que des supports de
brillantes couleurs et l’espace qu’ils occupent n’a pas la dimension de la profondeur.
Des personnages en miniature figurent dans les espaces laissés fibres par la scène
principale, car toute la surface doit être également et symétriquement animée.
Le Maître de la Sainte-Parenté n’était pas un grand inventeur. Lorsqu’il doit
représenter des événements mouvementés, on le sent défaillant, il manque d’envergure.
Quoique sa formation trahisse la manière colonaise, il se rapproche tellement de l’art
néerlandais, qu’à maints endroits les limites de son œuvre personnelle restent impré-
cises. A tout prendre il reste Colonais, surtout si on le compare à l’un de ses contem-
porains un peu plus jeune qui revenait probablement lui-même de Hollande et que
l’on nomme le Maître de Saint-Séverin, d’après l’église à laquelle fut destiné son chef-
d’œuvre. C’est au style de « Geertgen tôt sint Jans » que sa manière se rattache le
mieux. Il introduisit à Cologne une façon de sentir toute nouvelle. On ne gesticule
pas beaucoup dans ses tableaux et cependant on ne saurait dire que l’action y fasse
défaut. Elle est reportée à l’intérieur. Ces personnages aux visages allongés et laids, aux
yeux étonnés, révèlent plus de vie intérieure que les figures d’aspect statuaire de Zeit-
blom et que les compères furieusement agités des tableaux franconiens. Le Maître de
Saint-Séverin, pas plus que celui de la Sainte-Parenté, ne fait preuve d’inventions tout
à fait originales, bien qu'il nous ait donné quelques peintures de légendes très réus-
sies et qui témoignent d’une grande richesse de sentiment.
Il est à remarquer que l’Adoration des Mages (pl. 70), le Jugement dernier et
l’Ascension de la Vierge du Maître de Saint-Séverin, se bornent à reproduire l’essen-
tiel des anciens schèmes. C’est d’ailleurs la contrainte même de la forme qui en fait tout
le charme. La manière dont il fait retomber verticalement un manteau et dont il dispose
un groupe tout à fait au centre, avec une symétrie telle que l’un des côtés coïncide
presque exactement à l’autre, tout cela témoigne d’un effort conscient vers la pure
forme classique. Par contre, des traces évidentes d’une propension au fantastique se
retrouvent dans les formes des détails. Il est permis de sourire devant les visages si
invraisemblablement allongés et mortellement solennels, qui semblent s’harmoniser
avec les plis étrangement étirés de leurs vêtements. L’artiste paraît avoir conscience
de travailler pour des connaisseurs. Il déploie sur ses tableaux un tissu diapré encore plus