LE GRELOT
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LA SOUSCRIPTION
A M. Arnold Mortier, rédacteur en chef du Geeldi.
Mon cher confrère,
fous m'avez prié de vous dire unswt de la souscription.
J'allais me mettre à mon bureau,iet déjà je .tournais mon
porte-plumes entre mes doigts, chetrcSant par: où commencer,
quand un joueur d'orgue est entré Stas -la cour Je la maison,
s'est planté sous mes fenêtres et s'est rais à moudre l'air du
Bacùio. L'air du Baccio, à cette heure I
< Je ne sais si vous êtes comme moi. Le bruit d'un orgue
m'est insupportable. J'ai pourtant pris ^'habitude de travailler
un peu partout, dans un bureau de rédaction, au milieu de dix
personnes qui causent, dans un café, sur un bout de table, et
même parfois au théâtre , où je m'abstrais assez aisément de
l'acteur qui récite son rôle.
Dites-moi pourquoi un bout de mélodie envolé de la mani-
velle d'un Savoyard me déconcerte et interrompt chez moi
-toute pensée. J'ai beau fermer mes oreilles et tendre mon at-
tention sur ce que j'écris, les notes pénètrent bon gré mal gré
jusqu'à mon cerveau, et"la distraction est si forte que je'n'y
puis résister. J'achève au dedans de moi-même les parties de
l'air que le vent .emporte et qui n'arrivent pas jusqu'à moi,
Et par un contre-temps bizarre, c'est toujours au moment
où l'on est le plus pressé de besogne que ces écorcheurs de
musique viennent ainsi tous trpubler. Et ils semblent prendre
un malin plaisir à prolonger votre supplice.; ils passent en re-
vue tout leur 'répertoire, ne ^'interrompant que pour vous
crier d'unejvok nasillarde et dolente :
__ N'oubliez pas, mesdames et messieurs, un pauvre
homme, etc., etc.
Le mienine s'en allait pas, et je trépignais en place. Enfin,
je n'y lins plus, et prenant une poignée de sous qui flânaient
sur la cheminée :
__Tenez! lui dis-je, ramassez; mais au nom du ciel, allez
vous-en.
Il n'y avait pas autre chose-à faire, n'est-ce pas?
Et je m'en revins, tout songeur, à ma table de travail, et je
me dis :
__C'est bien peu de chose ce qui vient de m'arriver; et c'est
pourtant l'histoire de la France à cette heure.
Elle aussi, elle a beaucoup à travailler; elle aussi, elle a be-
soin de se recueillir et de vaquer paisiblement à ses occupa-
tions. Mais il y a là, tout près, un maudit joueur d'orgue qui
dérange sans cesse son attention, et dont le désagréable bruit
ne lui laisse pas un moment de rjlf.che.
Elle se-constituerait bien un gouvernement définitif; mais
que voulez-vous? le joueur d'orgue ! 1 lie accomplirait bien les
réformes que la campagne de 1871 a montrées nécessaires;
mais le joueur d'orgue ! Elle en finirait bien avec lesdo ctrines
ténébreuses qui menacent le repos de la société ; mais le joueur
d'orgue !
Tant que le joueur d'orgue sera là, il n'y aura pour elle ni
repos ni trêve, ni travail, ni sécurité.
Il faut donc le chasser, et comment? car il a tout droit de
demeurer *ous nos fenêtres, tournant so» instrument qui
grince. '
Prenons une grosse poignée de sous, et jetons-les-lui au
visage.
— Prends, gredin! prends, gueuxl presds, misérable!
prends vite, et va-l'en !
Mais diantre! il faut que la poignée soit grosse, très-
grosse !
Francisque Sarget.
X-.A. NUE
A l'horizon monte la nue,
Sculptant sa forme dans l'azur.
On diiait une vierge nue
Émergeant d'un lac au Ilot pur.
Debout dans sa conque nacrée,
Elle vogue sur le bleu clair
Comme une Aphrodite élhérée
Faite de l'écume de l'air.
Ses blancheurs de marbre et de nei;
Se fondent amoureusement
Dans ce clair-obscur du Corrêge
Argenté comme un jour dormant.
Elle assoupit en molles poses
Son torse au contour incertain,
Et l'aurore répand des roses
Sur son épaule de satin.
Elle plane dans la lumière
Plus haut que l'Alpe et l'Apennin,
Reflet de la,beauté première,
Sceùr de VÉternel féminin I
A son corps en vain retenue,
Sur l'aile de la passion,
Mon âme vole à cette nue
Et l'embrasse comme Ixion.
La raison dit : creuse Tumée
Où l'on croit voir ce qu'on rêva,
Ombre au gré du vent déformée,
Bulle qui crève et qui s'en'va.
Le sentiment répond : Qu'importe!'
Qu'est-ce., après tout, que la beauté?
Spectre cluirrnant qu'un souffle emporte
Et qui n'est rien, ayant été !
A l'idéalouvre ton âme,
Mets dans ton cœur beaucoup de ciel,
Aime une nue, aime une femme ;
Mais aime, — c'est l'essentiel I
Théophile Gautier.
de fièvre et de gloire reparaissaient sur les actes publics r
minai, floréal, prairial, les noms charmants des mois n ' .
mers! Germinal, où le grain s'entr'ouvre ; Floréal où I-, n
embaume; Prairial, où l'herbe s'étend, saine et fraîche |Ur
les prés reverdis, où les pieds marchent gaiement' an m.?0*"
égrenant sous leurspas les pleurs de Ja rosée. ' lu,lun>
C'était le prinlempsvle printemps de l'an 79 le nrinfom
de cette triste année 1871. La pauvre France désolée en™
.vait, après tant de souffrances, le désir âpre du repos et ™
gme, le sang de ses veines coulant par ses blessures encore
ouvertes, elle se demandait si l'heure était enfin venue de f/r
mer ses plaies et de guérir ses maux. .
C'élait-le printemps, iaprès l'hiver farouche, après les Ion
gués nuits au rempart, les dures étapes dans la neige les lnn
gués stations glacées à la porte des boucheries vides 'le orin
temps qui consolait, éveillait l'espoir, mettait aux branches de.
arbres labourés par les balles des bourgeons et des feuilles -
Quelle joie après tant de peines ! Un peu d'air réchauffait nV
ileurs, des rayons et de l'herbe! On s'était dit durant l4
heures de bombardement et de bataille : Nous ne reverrnn.
plus celai
1er MARS
SONNET
Ces bijoux qu'aujourd'hui notre sœur, notre mère,
Pour arracher la France au stigmate Germain,
Dépouillent à l'envi, sans soupir, sans colère,
Gretchen, avec notre or, se les paiera demain.
Puis, voyez-la courir à sa glace, légère,
Pour admirer l'effet que produit sur sa main
Aux tons rougeauds et sur son cou de ménagère
Ton azur, ô saphir, 6 rubis, ton carmin.
Fille aux larges pieds plats, vierge aux cheveux filasse,
Regarde. Ton miroir le fait une grimace
, Horrible et de dégoût se brise en cent morceaux.
Quand le livre est grotesque, à quoi bon la reliurs?
Le hanap d'or sied mal au vin bleu. La nature
N'a pas pour les faux-cols engendré les poureeaux.
Gastoit Jollivït.
-"-'Ot^S^S^â^Z^&^Z^gsx^
L'AN DERNIER
DE GERMINAL A PRAIRIAL
1871
Ils appelaient cette année 1871 l'an 79 de la République. Ils
reprenaient, dans leurs vieux souvenirs républicains, l'alma-
nach «U l'intègre Romme, et les noms des mois, des années
. ■
Il y a aujourd'hui un an, Paris subissait le supplice de la
vue des casques prussiens. Il y a aujourd'hui un an, nous fai-
sions faction, avec un ridicule fusil sur l'épaule, à l'angle paci-
fique du boulevard Haussmann et de la rue Caumartin, eu face
d'une boutique d'épicier. Les passants allaient et venaient, et
les ménagères faisaient leurs emplettes du matin. Notre fusil
était ridicule, parce qu'il n'avait jamais servi; notre uniforme
valait tout juste une défroque de carnaval, puisqu'il n'était
jamais allé au-devant des balles. Notre cœur était vide comme
un nid abandonné. Tous nos espoirs s'étaient envolés un à un.
Un Russe de nos amis vint à passer. J'essayai de tourner la
tête pour n'être pas reconnu. Vaine manœuvre! — Une ma-
nœuvre tentée par un garde national devait échouer, naturel-
lement. — Je ne l'avais pas yu depuis le printemps 137.0. Il me
débita quelques paroles d'amicale consolation, avec cet accent
chantonnant qui lés dénonce quand ils parlent notre langue.
Une rage infinie me monta au cœur, et je .dis bêtement à ce
beau garçon : « 11 nous est défendu de causer en faction. » Je
ne sais s'il comprit ma sottise, mais enfin il s'éloigna ; .c'était
tout ce que je lui demandais. .
Aujourd'hui, 1" mars 1872, s'il y a dès Prussiens dans Paris,
du moins ils sont vêtus comme vous et moi, et nous ne sommes
plus fagottés en soldats pour rire. Pourtant, quand un des
étrangers que j'ai rencontrés par le monde en des temps plus
heureux vient à moi, je cherche encore à l'éviter, honteux pour
ma patrie et honteux pour moi-même d'être devenu ce que
nous sommes. A quoi boa avoir tant souffert pour sortir pires
de nos épreuves?Un instant,j'ai cru de bonne foi qu'une nou-
velle France allait sortir des cendres de notre fortune passée.
Cette illusion a vécu ce que durait l'ivresse, si vite dissipée
par la réalité qu'apportaient pendant le siège les pigeons men-
teurs de M. Gambetta. Nous allons ad angusta per angusta. Voilà
le refrain de mon grelot. Ce qu'il sonne est gai comme un glas.
H. BE PÊNE.
Germinal, c'est, — sous un ciel d'un bleu laiteux et doux où de
légers flocons blancs flottent comme le duvet envolé d'un coude
c/gne; — c'est la sève éveillée, qui court sous l'écorce des jeunes
chênes ; c'est le jaune bourgeon, à reflets verdâlres, qui appa-
raît et s'entr'ouvre au bout des branches. Aux jours de germi-
nal, une teinte verte s^élend, comme une poussière vivante sur
les haies; dans les bois, les primevères blanches, les perven-
ches violettes, soucieuses, apparaissent au-dessus des amas de
feuilles flétries du dernier automne. Des papillons jaunes
blancs ou tachetés de pourpre, rayent gaiement l'horizon. Il y
• a des chansuns.dans les taillis et des rouges-gorges sur les ar-
bres. C'est, tandis que les dernières feuilles tombent avec un
bruit sec, c'est l'éveil, le sourd enfantement, l'éclosion, la vie,
— gsrminal l
Floréal, le mois d'épanouissement et de beauté, mois cou-
ronné de fleurs, mois charmant, où l'air embaume; temps de
floraison, de reverddiement et de renouveau ; mois où les bois
ont des abris pour le rêveur qui passe et pour l'oiseau qui
chante; mois où la glycine tombe en grappes, où les lilas sou-
rient, où, dans le bois profond la fleur d'or des genêts appa-
raît, comme en un écrin, où, dans un immense embrassement,
les choses ont comme des soupirs et des amours; où l'immen-
sité n'est qu'un lieu de rendez-vous ; ,pù, depuis le brin d'herbe
jusqu'au, chêne, lout frémit d'une allégresse ardente.
Prairial, le mois des prairies, le mois de vie intense et de
vigueur superbe; le mois où le soleil chauffe, où la fleur des
banquets entr'ouvre, comme une lèvre," ises roses et odorants
pétales; — prairial, où passe, en jetant au vent son refrain, le
faucheur des prés, sa faux aiguisée sur l'épaule.
Mois de printemps et de rajeunissement,, qu'ont fait de vous
les hommes,en cette année 1871?
Printemps de .l'an 79, où l'herbe fut tachée de sang, où les
primevères virent des agonies; où, dans les bois reverdis, sif-
flait l'obus; où les balles, déchirant l'écoroe des arbres et la
chair des hommes, la sève coulait avec le sang. Mois de car-
nage sous un ciel adouci ; mois de tueries, où les flocons blancs
des boîtes à mitraille montaient, comme des rondeurs d'étou-
pe, au-dessus des grands bois immobiles.;
Partout était la vie cependant.
Dans les gramens couraient ces mille insectes rouges qui
naissent chaque année du printemps et chaque année meurent
avec lui. Les buissons étaient pleins de nids; les bataillons
d'insectes volaient autour des épines-vierges, et battaient l'air de
leurs petites ailes, au bourdonnement vague; bataillons qui,
loin de s'entre-tuer, s'entr'aimaient. Il y .-avait partout, dans ces
bois aux noms charmants, Viroflay, Meudon, Cliaville, comme
des sourires invisibles. Et, à cette uiême heure, après l'hiver
terrible, après la rude .guerre, après-la souffrance, et la ruine,
les hommes, autour des forts, combattaient et mouraient!
Printemps de 71, où les fleurs des lilas, où les branches
d'aubépine étaient triomphalement plantées dans les canons
des fusils chauds encore de la bataille; printemps où ces bois
amoureux furent pleins des sifflements du fer, des éclairs du
feu, des hurlements de la haine. Germinal, floréal, prairial,
que de douleurs et que de morts vous avez vus !
Je n'oublierai jamais l'impression qui me saisit, un matin de
mai, lorsque, montant par la cote de Sèvres, à travers les sen-
tiers déserts el labourés d'obus, j'arrivai sur ce plateau de Bel-
levue, d'où, à l'horizon, baigné dans un lumineux brouillard,
on apercevait le géant Paris. Quelle immensité de pierres et
quel monde! Les monuments découpaient sur le fond du ta-
tableau leurs clochers ou leurs coupoles; l'arc de l'Étoile ap-
paraissait, colossal et défiant les bombes; la Seine roulait ses
circuits tourmentés à travers ce vaste .paysage. Paris! Celait là
Paris! Paris, que les Prussiens n'avaient osé attaquer de front,
et où ils n'étaient entrés qu'en posant le pied, piteux, hésitants,
comme si ce terrain volcanique brûlait; — c'était Paris où, de
septembre 1870 à janvier 1871, une communauté de souttran-
ces et d'espoirs avait fait de tant de cœurs un seul cœur, et des
classes diverses de la cité une ville unie, fraternelle el résolue;
— c'était le Paris qui, après avoir subi un premier siège, en
supportait un second, plus terrible que le premier; car si la
famine n'était plus au logis, la terreur élait au foyer.
Paris ! — je me sentais le cœur serré en le regardant, et
lorsqu» je tournais les yeux vers la droite, vers les coteaux re-
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vers les plantes et les êtres,pu l'effluve créatrice court comme"
à travers les ye.ui.es. du grand toul, où le grain se déchire et
s'ouvre pour laisser poindre l'embryon de la plante de jour en
jour gran,dis^alll pour s'épanouir; germinal, où l'on seni dar
les profondeurs, le mouvement de l'être enfanlé, le promit
vagissement des choses créées par la -nature immense; où le
vent ride, joyeux, l'eau du ruisseau déjà moins froide ; où tout
sourit au souffle d'avril, caressant comme un baiser de '
vierge 1
SON?
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A PROPOS 1
j :Jevous avouerai, oheia lefitei
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