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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 4.1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.6813#0010
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2

LB GRELOT

MHS NOUS RÉGÉNÉRONS

Chers lecteurs,

Permettez-moi de vous la souhaiter d'abord
bonne et heureuse !

Ce souhait étant à peu près la seule chose
que je compte distribuer cette année, je n'hé-
site pas un instant à le répandre avec profu-
sion.

Jh veux cependant vous faire un petit ca-
deRu.

Nous ne parlerons pas politique aujour-
d'hui.

Ce seront mes étrennes et les vôtres.

Je veux causer un peu littérature et, pour
voir où nous en sommes de cette fametrse té-
génératian tant prônée, je prendrai la dite Itt-
térature dans sa forme la plus populaire :

Le Théâtre,

Ah! sous ce. rapport, il faut avouer que
nous nous s.immc- Furieusement régénérés.

Sapristi î Uien que de penser à l'effort que
nous avons fait, j en ai froid dans le dos.

1° Nous avons eu l'Oncle Sam, au Vaude- i
ville.

Le régénérateur Sardou» après avoir pen- ]
dant un an, battu la cais-e autour de sa bara- j
que, nous a permis d'admirer les ébouriffan- |
tes toilettes de mesdames Massin, Bartet, etc. |
Là où on était en droit d'attendre une comé-
die fine et spirituelle, l'Àuriol de la littérature
dramatique s'est contenté d'habiller des pou-
pées.

Il est vrai qu'il en a déshabillé d'autres aux
Variétés.

2° Les Merveilleuses, du dit régénérateur
Sardou.

Ah 1 là, par exemple, en fait de talent, de
pièce ou d'esprit, il n'y a absolument rien du
tout.

C'est un progrès.

Le châtelain de Marly s'est dit: Nos contem-
porains sont si bêles qu'ils se contenteraient
d'admirer une boutique de bric-à-brac, dans
laquelle un nombre raisonnable de citoyennes,
à peu près nues diraient simplement aux pas-
sants : Citoyens, voulez-vous monter chez
nous? nous serons bien aimables.

Ce qui est ceitainement le dernier mot du
fin et itu délicat.

Pouah!

Si de ces théâtres nous passons au Gym-
nase, nous y voyons un homme, d'une incon-
testable valeur, dépenser le plus clair de son
talent à nous décrire complaisamment h type
d'un monsieur qu'on mangerait certainement
à la maître d'hôtel, s'il venait à passer de vie
à trépas:

Monsieur Alphonse!

A moins qu'on ne le préférât sur le gril.

Ce qui dépend des goûts.

Mais vous vous dites, cher lecteur, que ces
trois théâtres ne sont pas précisément des
théâtres de famille, — à présent, du moins.

Il y a une scène, la gloire et l'honneur de la
Frani e, où du moins je suis bien sûr qu'il se
sera tenté quelque effort en faveur de cette
fameuse régénération.

— Le Théâtre-Français, n'est-ce pas?

— Précisément. *»n y a joué lundi une co-
médie de deux académiciens, MM. Emile Au-
gier et Jules Sandeau, et je suis à peu près
certain de rencontrer là mon affaire.

— J'y suis allé, cher monsieur.

— Ehjbien ?

— Ebjbirn... ,

— Vois semblez hésiter?

— C'ést qu'en effet, j'ai quelque pudeur à
dire leuit fait tout cru à des hommes de ce
mérite. |

— Cojnment, ce Jean de Thommeray...

— Pourrait tout aussi bien s'intituler : le
Triomphe de l'aquarium.

— 0 dael !... encore 1...

— Plus que jamais.

— Ma;s cependant ce Jean, si j'en crois les
on-dit... ;

— Est un pur polisson doublé d'un imbé-
cile.

— Ce] ii ne sufffirait pas à la rigueur pour
lui dom er ce parfum maritime...

— Ou ... mais il y a un certain Roblot...
auquel i ne manque qu'une casquette grais-
seuse et des accroche-cœurs pour...

— Oh!...

— Allez-y voir, mais gardez-vous d'y mener
votre fille et même voire femme.

— Cependant...

— A moins qu'elles ne veuillent assister au
troisième acle à une petite scène de cocotte
qui ne serait pas déplacée au boulevard Mont-
martre.

— Mais c'est renversant. Cette scène est
donc...

— Si le rideau ne baissait pas, je crois que.

— Ah! monsieur Flammèche!...

— C'est comme j'ai l'honneur de vous l'af-
firmer.

— Voilà qui coûfond mon esprit!

— Je dois cependant, pour être juste, con-
stater que notre ami Alphonse... pardon... je
voulais dire Jean .. se régénère au cinquième
acte. 1

— Ah ! voyez-vous !...

— Il n'est jamais irop tard pour bien faire.
Il entre dans la mobile bretonne.

— Bravo !

— Mais calmez-vous... il recommencera...
Quand on a débuté dans la vie avec ce brio,
on n'oublie pas ses premières leçons.

— Et la pièce?

— Pitoyable. Un vieux mélodrame de Victor
Dueange... mal fait !

— Au moins \\ y a de l'esprit.

— Assez pour le faire regretter.

— Diable!... et les dé-ors?

— Superbes. Le dernier surteut... Paris au
clair de lune... une mereille.

— Les costumes?

— Inouis !

— Les accessoires ?

— D'un réalisme effrayant. On prétend
qu'Augier a fait venir de là houe de Bretagne
pour en mettre sur les bottes de ses mobiles.
-..— Mais alors ce Thummeray, quelque en-
nuyeux et malpropre qu'il soit, est capable de
faire des recettes énormes?

— On ira voir le dé or du cinquième acte.

— Mais alors M. Perrin pourrait se contenter
de jouer cet acte-là, en (e faisant précéder du
Misan'hr'ipe ?

— C'est une idée, ma foi.

— Avec tout cela, nous ne sommes pas ré-
générés, à re qu'il me semble?

— Les Menus-Plaisirs comptaient pour cela
sur la Liqueur 'l'or, mais on a inlenlit la pièce.

— Je le déplore cruellement.

— El moi, donc!...

— Qu'est-ce que nous allons devenir, mon
Dieu!

— Je vous dirai ça dans un an. Maispovr cette
année, cher monsieur, croyez-moi... il faut en
faire notre deuil.

— Tant pis !

— Hélas !

— Monsieur, je vous la souhaite bonne et
heureuse.

— Monsieur, moi pareillement.

NICOLAS FLAMM&CHE.

FAITES-VOUS DONC TIEI1!

Je sais qu'il a un certain nombre de bibelots
qui, vendus à un bon prix, pourront me faire
rentrer dans mes fond*; je le fais exécuter,

Et le lendemain de la vente, un huissier se
présente chez moi en me disant :

« Monsieur, vous avez fait vendre monsieur
un tel parce qu'il vous devait 500 fr ;

« La veste a produit les 500 l'r. que vous
demandiez :

| « C'est par conséquent 11 fr. 74 cent, que
i vous nous devez.

i « Quant aux 500 fr., inutile de vous dire
; que nous les gardons pour nous! »

Le bonhomme avalant l'huître et distribuant

les éca lies aux plaideurs n'était que de la

Saint-Jean.

| Aujourd'hui, non-seulement la procédure
avale l'huître,

Mais encore elle s'en fait payer le prix par
les deux plaideurs,

Pauce qu'ils ne l'ont pas gobée !

C'était bien la peine assurément, n'est-ce pas,
comme on dit dans la Fille de madame Angot.

ZUT.

Un des motifs qui ont eu le plus d'influence
sur l'esprit du peuple au Dix'-huitième siècle,
et qui l'ont le plus poussé à faire la révolution
en 1789,

C'était la façon dont la justice était admi-
nistrée.

On connaissait bien le mot de ce vieux juge
qui disait à son fils :

« Mon enfant, la justice est une chose si
précieuse qu'on ne saurait la faire payer trop
cher. »

Aussi, n'avait-on jamais assez de haine pour
les robins, les chicaneaux, les hommes noirs
avec leurs perruques, leurs sacs à procès et
leurs griffes interminables.

La procédure de ce temps-là était comme
un engrenage où le corps devait passer si l'on
avait l'imprudence d'y risquer le doigt.

La fable de \'Huître et des deux Plaideurs
était un fidèle emblème de tous les démêlés
portés devant les tribunaux,

Et l'on ne sortait de devant ses juges que
lorsqu'on n'avait plus ni grai-se, ni souffle.

Ce régime dura pendant bien des siècles,

A la fin pourtant on s'en lassa :

Un beau jour, on se battit, et il y eut pas
mal de gens de tués, parce qu'on voulait la
réforme d'un grand nombre de sottises et de
coquineries,—parmi lesquelles se trouvait jus-
tement l'administration de la justice.

Lorsqu'il y eut suffisamment de monde par
terre,

On dit, comme d'habitude :

« Maintenant expliquons-nous I »

' )n s'expliqua,

Et on reconnut de part et d'autre qu'il n'é-
tait pas dans l'ordre que des gens, chargés de
dire simplement s'ils croyaient qu'un sac d'ar-
gent appartenait à Pierre ou appartenait à
Paul, se contentassent pour toute raison de
mettre ledit sac d'argent dans leur poche;

On trouva ce procédé par trop sans gêne,

Et on se dit :

« Voilà des gaillards grassement payés pour
donner leur avis, — qu'ils le donnent!... mais
qu'ils ne se Croient plus à l'avenir l'obligatic^
de nous ruiner parce que nous voulons bien
nous en rappoiter à eux ! »

Et qui fut dit fut fait.

On remit la procédure au pas,

Et l'on espéra que tout irait mieux.

Or aujourd'hui qu'est-ce que nous lisons
dans YOlfkwl?...

Un rapport de M. Ernoul, qui nous apprend
que dans les ventes faites par autorité de jus-
tice :

« Les frais excèdent de II fr. 74 cent, en
moyenne le produit des ventss dans lesquelles
le prix d'adjudication ne dépasse pas 500 fr. ! »

C'est adorable !

Un monsieur m'a acheté pour 500 fr. de
moutarde;

la droite

C'est vrai!

Désintéressement patriotique

UN P'TIT SOU, S. V. P.!

PERSONNAGES.

populot, caissier, personnage muet.
makqi'is de BKÉiuiGNE, légitimiste,
piquavoihk, orléaniste.
LAtoSRLti) bonapartiste,
i . Clireur de contribuables.

j Représentants du peuple, ouvriers, huissiers, mili-
taires et bonnes d'enfants.

l'action se passe en l'an 1971.

SCENE I".

Une assemblée, parlementaire quelconque. — Les
tribunes résovêes au publie sont pleines de
monde. — La dette, publique ne s'élève qu'à
117 milliard», et le beurre coûte quarante-sept
francs la demi-livre.

piqtuvoine, à la tribune.

Oui, messieurs et chers collègues, nous ne
saurions trop le répéter, la France est dans un
tel état de prospérité que nous ne devons pas
craindre de présenter à sa justice de» requêtes
du genre «le celle qui fait l'objet de la discus-
sion actuelle...

un député, à gauche.

Allons donc, mais on meurt de faim cette
année à Paris...

piquavoine.

Je ne relèverai pas l'insolente interruption ;
de ce paltoquet, et je continuerai mon exposé
avec le calme qui est l'apanage d'un conscience
pure... Ah! messieurs, c'estun bien douxspec- \
tacle pour un homme vraiment dévoué à la
patrie que celui que nous offre en ce moment
notre belle France!.. Elle nage dans l'or jus-
qu'au cou, cette excellente France!.. Et quelle
autte preuve en pourrait-on vouloir, que cette
élévation merveilleuse de la dette publique
qui vient d'atteindre cette année le chiffre de
117 milliards !.. N'est-ce pas une chose connue
même des enfants à la mamelle, que la richesse
des nations est proportionnelle à leur dette?..
Que demande-t-on de plus, puisque nous
sommes le pays le plus endetté de l'univers?..

la droite.

Bravo, bravo!.. Endettons-nous, endettons-
nous !

piquavoine

Je sais bien qu'il y a des gens qui viendront
me dire que le pain est à vingt-deux sous la
livre, que le vin de Suresnes vaut cinq francs
la bouteille, et que la viande se vend au poids
de l'or!... Mais, qu'est-ce que cela prouve?...
Tout simplement que le commerce est dans
un état plus florissant qu'il ne l'a jamais été,
et que le peuple, est ri; he comme un nabab,
puisqu'il peut mettre un prix semblable aux
objets de première nécessité...

LA GAUCHE

Comment! C'est vrai !... Mais vous savez bien
que l'on ne consomme plus le dixième de ce
que l'on consommait!

PIQUAVOINE

Pas de blague!... Je poursuis : Est-il donc
indiscret lorsqu'on voit la richesse publique

! prendre des proportions aussi colossales,_

est-il indiscret, dis-je, de demander pour l'il-

\ lustre héritier de la maison d'Orléans, le vi-
dame de Nanterre, une somme de deux cent
quatre-vingt-dix-huit millions, qu'il est pro-
bable que la nation lui doit?... En conscience,

\ messieurs, nous ne le croyons pas...

LA droite

Nous non plus...

piquavoine

Donc, vous ferez droit au petit placet que
nous avons eu l'honneur de vous remettre de
la part du vidame de Nanterre?...

la droite

Comment donc!... Mais certainement/..
Plutôt deux fois qu'une...

piquavoine.

A charge de revanche, du reste...

LA droite.

C'est bien comme ça que nous l'entendons...
(Grognements prolongés et significatifs dans les
tribunes publiques.)

lanturlu.

Oui, oui, nous aussi, nous l'entendons
comme ça...

la gauche.

Ah ! ah!... II nous semblait aussi...

lanturlu.

Vous pensez bien que si nous accordons
comme ça, comme pour rire, 298 millions au
vidame de Nanterre, c'est parce que nous pen-
sons bien que vous écouterez favorablement
la demande de Napoléon VIL

" LA DROITE.

Pourquoi pas?...

- lanturlu.

A la bonne heure !...

PIQUAVOINE.

Vous savez-bien que sur ce terrain-là, il y a
toujours moyen de s'entendre.

LANTURLU.

C'est ce que je me disais... Ainsi donc, les
17 millions que nous avons demandés pour le
célèbre musée de pipes culottées, déposé dans
le château d'Osteball, nous seront votés!...

PIQUAVOINE.

Ce n'est que trop juste!...

lanturlu.

Et comme ça, personne n'a rien à dire!

piquavoine.

Vous parlez comme un ange... Et je tombe
parfaitement dans vos idées... Aussi,' afin que
tout le monde soit content et s'associe à cette
petite fête de famille, je crois répondre au
vœu de l'Assemblée en priant M. le marquis
de Rréhaigne, chargé d'affaires de l'arrière-
petit-neveu de Mgr le comte de Chambord,de
nous exposer les prétentions de son illustre
client.

lanturlu.

Oui, oui, qu'il s'explique, et pendant que
nous y sommes...

m. le marquis de bréhatgne.

Croyez, messieurs, que je ne suis pas insen-
sible à votre délicate attention... Vous devez
bien penser d'ailleurs qu'il était bien dans mes
intentions de vous présenter ma note, et, si
ce n'est pas déjà fait, c'est parce que les cal-
culs sont un peu longs; mais cela viendra, ne
daignez rien, et, dès que j'aurai terminé mes
additions, soyez sûrs que je ne tarderai pas à
vous présenter mon mémoire.,.

PIQUAVOINE.

Vive la joie !

LANTURLU.

Et les pommes de terre !

piquavoine.

Comme ça, chacun a sa part, et personne
n'a le droit d'accuser son voisin de gourman-
dise.

une voix, dans les tribunes.
Oui, mais nous...

PIQUAVOINE, BRÊHÀtGNE ET LANTURLU, ensemble.

A la porte, à la porte!... Huissiers, faites
évacuer les tribunes !

SCÈNE II.

Une place publique où le chœur des contribuables

pousse des cris de paon.

On se moque de nous!... Il y a trente sous
d'impôt sur les fils à couper le beurre; il n'y
a plus de chiens en France, il fallait payer
mille francs pour avoir un roquet... Chaque
grain de sel qu'on met dans la soupe revient
à cinquante centimes... Autrefois, les contri-
butions étaient énormes, mais il y avait encore
moyen de vivre; aujourd'hui, ceux qui ont du
pain sec à tous leurs repas sont bien heureux...
Nous avons des rentes, c'est vrai ; mais nous
ne les avons pas touchées qu'il faut les reverser
dans la caisse du percepteur!... Ça ne peut pas
durer comme ça...

( En ce moment, Piquavoine, Bréhaigne et
Lanturlu arrivent sur la place en gambadant
d'une façon au moins folâtre.)

lanturlu.

Ce sont eux !.,. Ce sont les contribuables...

piquavoinè.

Ç i tombe bien !

marquis de bréhaigne.

Voulez-vous que je porte la parole ?...

(La suite page 7.)
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