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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 4.1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.6813#0026
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lb GRELOT

LE PRÉPONDÉMNTÎSME

Notre correspondant de Berlin, — qui ne
s'amuse que médiocrement là-bas, par paren-
thèse, — nous envoie le texte d'un discours
prononcé à l'ouverture du Parlement prussien
par M. de Bibinark.

Ce discours n'a été reproduit encore par
aucun journal, fût-il du soir, du matin ou de
l'après-midi.

On en comprendra facilement le motif après
en avoir pris lecture.

Mais le Grelot a tous les toupets.

Et voilà pourquoi nous nous risquons à pu-
blier cette pièce, d'une importance capi-
tale.

Discours du prince de Bismark
au Reichstag.

« Messieurs les Députés,

« C'est avec un nouveau plaisir que je vous
apprendrai que nos bons voisins les Français
viennent d'être attaqués d'une maladie bi-
zarre qui met sérieusement en danger les
jours de leur existence politique. (Ah/ah/
bravo / écoulez ! )

Cette maladie, c'est le prépondérautisme...

(Tiens! tiens/)

Ou le besoin d'être prépondérant constam-
ment et partout.

Cette maladie étant éminemment conta-
gieuse, il importe à la sûreté de nos conci-
toyens de conjurer au plus vite le péril.

(Très-bien ! )

une voix.

Le prince pourrait-il nous définir quelques
cas du prépondérantisme français?

le prince.

Parfaitement.

Les Français, toujours incorrigibles, au lieu
de rester tranquillement, après leurs défaites,
à ruminer sur leurs ruines, se sont imaginés
de les relever et de réorganiser leur armée, en
vue d'événements faciles à comprendre.

Ils se sont mis à l'ouvrage,

Bs ont fondu des canons,

Fabriqué des fusils,

Confectionné des cartouches;

Bs ont aboli la conscription et déclaré le
service obligatoire;

Leurs officiers, leurs soldats, leurs volon-
taires travaillent comme des nègres pour ap-
prendre ce qu'ils ignoraient, et ils ignoraient
terriblement île chose- !

Enfin, ces farceurs-là se figurent qu'ils en
sortirontl

Qu'est-ce donc que cela, je vous prie, mes-
sieurs les députés?

Un accès de prépondérantisme a>gu.
■ Bs veulent être, à un moment donné, pré-
pondérants quand môme.

(C'est évident!)

Autre exemple.

Dans quel but croyez-vous que cette nation
produise les meilleurs vins du monde, tandis
que les nôtres ne sont que des dissolutions de
balles et de pierres à fusil?

Mon Dieu, tout simplement pour humilier
l'Allemagne dans ses appétits et établir sur
elle une prépondérance vinicole.

Pourquoi sont-ils spirituels quand nous
sommes lourds?

Humains, quand nous sommes cruels?

Gais, quand nous sommes lugubres?

Prépondérance spirituelle.

Et les femmes, messieurs les députés, les
femmes !

Voyez un peu si les bâtoi s de cire à ca-
cheter et les porte-manteaux que nous déco-
rons ici de ce nom, ressemblent à ces petites
françaises, si fraîches, si pimpantes, si
accortes, mises avec tant de goût et de pro-
voquante élégance.

Prépondérance, messieurs, prépondérance
partout! prépondérance toujours!

Et les accès s'accusent de plus en plus.

Maintenant, si nous passons au côté sérieux
de la question, c'est bien autre chose !

Connaissez-vous un peuple qui ait été en
mesure de payer en un an cinq milliards ,
sans qu'il y paraisse en quoi que ce soit? Bien
n'est arrêté, les affaires marchent, on danse,
on va au spectacle, on s'amuse comme si de
rien n'était.

(C'est vrai / c'est vrai/)

Il n'y a pas une nation au monde capable
de ce tour de force.

Je n'en excepte pas môme l'Italie, dont les
finances sont pourtant, comme vous le savez,
dans l'état le plus florissant.

Prépondérantisme financier à l'état aigu !

Or, je vous le demande, messieurs, si, par
hasard, cette terrible maladie franchissait
nos frontières, qu'adviendrait-il de nous?
(Mouvement prolongé. )

B faut donc, le plus vile possible, porter
remède à celte situation et agir énergique-
ment.

(Oui/oui/)-
J'ai donc l'honneur, messieurs les députés,
de vouloir bittu vous prier de m'autoriser à

faire paraître, dans quelques journaux offi-
cieux ou officiels, une série de petites notes
comminatoires, destinées à arrêter le mal
dans son germe; après lesquelles notes, si nos
aimables voisins n'entrent pas dans une voie
meilleure, eh bien...

plusieurs voix.
Parlez ! pariez !

le prince, souriant finement.

Vous m'avez compris, messieurs, n'est-ce
pas ?...

(Longs et bruyants applaudissements.)
Et je crois que cette fois, par exemple, c'en
sera fait du prépondérantisme français pour
tout de bon.

voix nombreuses.

Espérons-le 1 mein Gottl espérons-le 1

(£« séance est levée au milieu d'un enthousiasme
indescriptible.)

Vous avez entendu, chers lecteurs?

Dame, il n'y a pas à dire... c'est comme
cela...

Ah! c'est dur, j'en conviens... mais il faut
obéir... et se taire... pour le moment du
moins...

Quand on n'a pas été le plus fort, il faut
être le plus malin.
Et faire comme ils ont fait, eux :
Attendre.

NICOLAS FLAMMÈCHE.

RÉUNION DES GAUCHES

Parmi toutes les drôleries politiques de ce
temps qui n'en chôme pourtant pas,

L'une des meilleures est assurément celle
dont nous lisons presque toutes les semaines
le compte rendu dans les journaux sous ce
titre :

« Réunion des gauches. »

P, h, a, pha, m, e, u, meu, — fameux!
comme disent les farceurs de la rue Gre-
netatl

On n'a pas idée de ça !...

Deux cents messieurs s'assemblent, discu-
tent, pérorent pendant des heures entières,
établissent le pour, le contre et le juste mi-
lieu des questions, font du bruit comme le
diable et sa mère, attrapent des extinctions de
voix à se prouver qu'ils ont raison, se donnent
des tours de reins pour le bonheur du
Pa.ys,

Et quand le moment est venu de con-
clure,

Qu'arrive-t-il?...

Mon Dieu, c'est bien simple:

Prenez tous les journaux,

Et vous verrez que le compte rendu de ces
séances se termine invariablement par :

« L'assemblée s'est séparée sans avoir rien dé-
cidé/ »

Si c'était une fois, en passant, il n'y aurait
rien à dire;

Mais, toutes les fois, — je la trouve raide !

Si, après s'être égosillés trois ou quatre
heures, nos honorables ne peuvent jamais
trouver autre chose que ça,

Et s'ils finissent toujours parrésoudre qu'ils
ne résoudront rien,

Ou se demande pourquoi ils se réunis-
sent :

Si c'est pour tenir rie la place dans les jour-
naux,

Et se payer à l'ail une petite réclame électo-
rale afin qu'on ne les oublie pas,
Il faut le dire;

Car alors un ami pourrait donner un bon
conseil à ces messieurs;

Celui de ne pas trop tirer sur cette ficelle.

On ne leur demande rien.

Qu'ils se tiennent en repos,

Et mangent leur traitement en famille, —
sans bruit, comme il convient !

Ou le public finira bien à la fin par se
dire :

« A la vérité, on n'est pas si..... gauche

que ça 1 »

ZUT.

SCENES DE LÀ VIE POLITIQUE

LES DEUX MORALES

PALINODIE en DEUX GOUVERNEMENTS

scène 1".

(Nous sommes dans la salle des séances d'une As-
semblée législative, sous un gouvernement par-
lementaire. Les député* fidèles et, les députés de
l'opposition (cfir il y a une opposition, sans cela
où serait le gouvernement parlementaire ?) sont

à leurs bancs, et les tribunes sont pleines, car
aujourd'hui est un jour comme on en voit peu.
M. Sotriquet, président du pays des Coquesi-
grues, doit donner des explications sur la façon
dont il fait mijoter le bonheur des peuples con-
fiés à ses soins, et on se prépare à lui en faire
voir de grises : entre nous, il ne l'a pas volé. —
Tout à coup un tumulte se produit dans la salle :
les curieux se penchent sur le bord des tribunes
en tendant le cou; quelques députés se lèvent et
poussent de petits éclats de rire ironiques : c'est
M. Sotriquet qui vient de faire son entrée.)

les députés de l'opposition.

L'ouverture !... L'ouverture !

M. POmardin, président de l'Assemblée.
Messieurs, faites silence, fa séance est ou-
verte... (Il salue l'opposition).

un membre.

Allons, l'ordre du jour, et vivement! Que ça
ne traîne pas !

m. pomardin.

Certainement!... L'ordre du jour porte sur
l'interpellation de M. de Frotloisy, relative à
la politique intérieure... (Bravos prolongés sur
les bancs de l'opposition.) M. de Frottoisy, vous
avez la parole...

m. de frottoisy, à la tribune.

Messieurs, le g luvernement prévaricateur
que vous avez nommé dans un temps de cala-
mité publique, semble vouloir combler la me-
sure,.. Ce n'est pas sans un certain effroi que
nous avions remarqué d'abord qu'il n'envoyait
pas ses fonctionnaires à la grand'messe le di-
manche, et qu'il permettait aux marchands de
moutarde de se dire citoyens de l'Etat au même
titre que les princes issus de sang royal... Il y
avait là que'que chose d'insolite dans les pro-
cédés connus et traditionnels des divers gou-
vernements qui se sont succédé dans le pays
des Coquesigrues, — et nous sentions instinc-
tivement que les bases de l'ordre social n'al-
laient pas larder à être ébranlées... Hélas!
messieurs, nos prévisions devaient se réaliser
plus tôt encore que nous ne pensions...

(Sensation prolongée. Les députés fidèles essaient
en vain de protester : les huissiers les font ras-
seoir en les prenant par les épaules.— Les lunettes
de M. Sotriquet palpitent visiblement sur sonnez.)

Oui, messieurs, le gouvernement déraille)
je ne crains pas de le dire... Et quoi d'éton-
nant à cela?... D'où est-il issu?,.. Du coup
d'Etat le plus effroyable et le plus sinistre dont
aient jamais parlé les histoires!... D'un coup
d'Etat qui viola ce que nous respectons le plus
au monde : le système parlementaire!... Oui,
voilà son origine!... Origine fatale, dont il d£-
vait garder la marque indélébile 1... Comment
aurait-il pu rompre les chaînes qui le reliaient
aux hommes de la révolution!... Il leur doit
tout... ( L'*pposiiion applaudit par trois fois, tan-
dis que les hommes vendus au pouvoir font en-
tendre des grognements qui n'ont plus rien d'hu-
main).

m. SOTRIQUET.

Je demande la parole.

m. joe frottoisy.

Après moil... je n'ai pas fini!... Or, mes-
sieurs, je vous le demande, qu'est-ce que ces
hommes de la Bévolution? Qu'ont-ils fait? où
plutôt que n'ont-ils pas fait?... Ah I les temps
sont trop rapprochés encore de nous, hélas!
pour que nous ayons pu oublier la curée ef-
froyable dont nous avons été témoins!... Bap-
pelez-vous l'avidité avec laquelle ces croche-
teurs du pouvoir se sont jetés sur les places...
Rappelez-vous avec quel soin ils ont distri-
bués les emplois à leurs copains!... Bap-
pelez-vous qu'ils voulaient supprimer toutes
les garanties qui assurent les libertés néces-
saires des individus!... Cela n'est que trop
connu, malheureusement...

plusieurs membres.

Oui, oui, il a raison !

m. de frottoisy.

Aussi pensons-nous que, puisque le gouver-
nement n'a pas pu se dégager de ses relations
avec ces hommes tarés jusqu'à la moelle, nous
n'avons qu'un seul moyen d'en avoir raison,
c'est de le flanquer par la fenêtre.w Vous ap-
précierez certainement le désintéressement
qui inspire cette proposition, et vous nous en
récompenserez en donnant le plumet présiden-
tiel à l'honorable M. Bécansucre, qui est par-
faitement disposé à faire tout ce que nous vou-
lons.

m. sotriquet.

Permettez, permettez... (Vives réclamations

sur les bancs de l'opposition).

m. pomardin.

Vous avez le toupet de vouloir répondre?...

m. sotriquet;

Je l'ai!

m. pomardin.

Allez-y, vieillard !... Parlez, puisque le cœur
vous en dit... Du reste, ça nous fait toujours
plaisir de vous voir vous couvrir de confusion !
m. sotriquet, avec indignation.

Comment! messieurs!... C'est nous qu'on
ose accuser de pactiser avec les factieux, nous
qui les a>vons hachés, je ne sais combien de

fois, plus menu que chair à pâté !... C'est nous
à qui on reproche de donner toutes les places
a nos créatures, alors que ce sont les vôtres
qui ont les trois quarts des emplois!... Mais
vous rêvez!... Quelle folie vous égare!...

un membre.

Tu veux nous le mettre, vieux roublard!...
Mais ça ne prend pas!

m. sotriquet.

Voyons, messieurs!... Ouvrez les yeux!...
Pouvez-vous croire en conscience que nous
cherchions à gêner votre liberté d'action, nous
qui vous avons laissés faire tout ce que vous
avez voulu, — au risque de nous faire huer par
les Coquesigrues, — dans ie temps où vous
vouliez donner leur pays à Rothomago LXXBI !

un MEMBttE.

Se cramponne-t-il à son fauteuil, le vieux
malin !... Allons, allons, ôte-toi de là, mon
bonhomme!... Est-ce que tu ne vois pas que
tout le temps que tu emploies à te justifier est
du temps perdu pour nous...

m. sotriquet.

Cependant, messieurs...

m. pomardin.

M. Sotriquet, sans vous commander, voulez-
vous évacuer la tribune?... Vous voyez bien
que la Chambre en a plein le dos, de vos dis-
cours, et que l'honorable M. Bécansucre est
là qui attend...

m. sotriquet.

Comment!... je laisserai dire...

tous les membres de l'opposition.

Veux-tu t'taire !... Veux-tu t'taire...

(Devant cette injonction, modulée sur l'air célèbre :
Des lampions I M. Sotriquet est obligé de des-
cendre de la tribune. M. Bécansucre profite de
son liouble pour lui arracher le plumet prést-
dsntiel qu'il campe immédiatement sur son chef
avec une coquetterie toute... parlementaire.)

m. DE frottoisy.

Enfin, voilà la conscience publique satis-
faite !

scène a.

Trois mois après. — Même décor; seulement, les
députés fidèles d'il y a douze semaines sont de-
venus les députés de l'opposition (car sans oppo-
sition, n'est-ce pas?... Je vous ai déjà dit ça
tantôt, mais c'est encore vrai maintenant), et
réciproquement. Lnulil» de dire que M. Sotri-
quet est à la tête des ex-fidèles, et que, quand il
fume;à ses côtés tout le monde crache.

m. pomardin, toujours président.
Diable !... Voilà une chose qui m'ennuie
joliment !... L'ordre du jour porte en tête l'in-
terpellation du jeune Croquepuce sur la poli-
tique intérieure... C'est désagréable, parole
d'honneur!... mais je ne puis pas faire autre-
ment que de lui donner la parole... (A M. de
Frottoisy et à ses amis.) Vous m'excuserez ,
n'est-ce pas !

m. de frottoisy.

Comment donc !... Nous savons bien qu'il
n'y a pas de votre faute?

m. pomardin.

Pour ce qui est de ça !... (Faisant un geste de
résignation.) Enfin !... Allez-y, Croquepuce!...
Dégoisez votre cas !

CROQUEPUCE.

Citoyens, il y a trois mois, vous avez dit à
M.Sotriquet :Ote-toide làquejem'ymette!...
Nous l'avons trouvé mauvaise. ..Mais enfin vous
avez eu la majorité de deux voix; notre cama-
rade n'a pas cru devoirgarder rie force le pluaiet.

m. de frottoisy.

Je pense bien !... Ventre-saint-gris !

croquepuce.

Écoutez que je vous dise!... Il s'en est allé,
et vous avez été vous asseoir avec tranquillité
sur son rond de cuir, vous avez mis ses pan-
toufles st son bonnet de coton, et puis vous
| vous êtes essayés à gouverner!... Eh bien!...
je vous le demande : qu'est-ce que vous avez
fait en fait de gouvernement? Vous avez placé
vos frères, parents, amis et cousins à la mode
de Bretagne; — vous leur avez mis du foin
dans leuis bottes, — vous avez renvoyé nos
camarades... Mais après?...

m. de frottoisy.

Comment ! après?... Est-ce que ça ne suf-
fit pas ?

m. bécansucre, avec un sourire de pitié.
Laisseï-le donc blaguer, si ça l'amuse !...

croquepuce.

Après?... Mais ce que vous avez fait, c'est
justement ce que vous nous reprochez d'avoir
fait!... Après?... après, vous avez mis toutes
nos libertés en quarantaine; nous voyons le
moment où nous ne pourrons plus nous mou-
cher sans permission !. ..Vous vous êtes plaints
de nous, mais vous laites dix fois pis!... Vous
parlez tout le temps de famille, de religion,
de propriété, d'ordre, de parlementarisme;
mais il n'y en a que pour vous!... Est-ce que
vous vous imaginez à la fin que nous ne valons
| pas autant que vous, et que si vous veniez à
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