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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 4.1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.6813#0106
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LE GRELOT

LE REPOS DE DIMANGP

La chambre à coucher de M. de Belcastel.

L'honorable député est étendu sur son ht, dans
une position qui n'a rien de disgracieux... au
contraire. Mais son sommeil ne paraît pas tran-
quille. Le sire de Belcastel s'agite fiévreuse-
ment, comme si les remords le décoraient.

{Il est à remarquer que si l'on est décoré par les
remords ou si quelque plaisantin vous a mis de
la poudre à gratter dans vos draps, on s'agite
exactement de la même manière.) i
C'est vraiment particulier I

Enfin, M. de Belcastel pousse un soupir, étend
les bras et ouvre un œil.

[Il est bon, je crois, de prévenir le lecteur que
nous sommes au dimanche matin.)

m. de belcastel.

Sapristi I... mais il me semble que j'ai dor-
nii, moi... Après cela, vous me direz que
quand on se met au lit ce n'est généralement
pas pour y jouer au loto... C'est égal , j'ai
cassé une jolie canne... Et c'est aujourd'hui
dimanche... dimanche!... jour du repos !...
En ai-je fait un discours là-dessus !... J'ai vu
des gens qui en pleuraient... Ce que c'est que
d'avoir du talent ! Mais quelle heure est-il à
propos?... Neuf heures !... et Jasmin ne m'a
pas encore apporté mon chocolat]... A quoi
diable pensedonc cet animal-là?... Jasroiul...
; (Il sonne avec fureur.) Jasmin !!!...

jasmin, se décidant,à paraître.
11 me semble que monsieur a murmuré mon
nom?

BELCASTEL.

Murmuré!.■• il appelle cela murmurer !... A
quoi songez-Vous donc ce matin, Jasmin, que
je n'ai pas encore mon chocolat?...

jasmin, naïf..

Le chocolat do monsieur?

belcastel.

Parbleu !

jasmin.

Monsieur oublie que c'est dimanche,

belcastel.

Eh bien?

JASMIN.

Eh bien, monsieur ayant dit tout haut à Ver»
sailles, devant sept cent cinquante-neuf mes-
sieurs assez médiocrement habillés, qu'on ne
devait rien faire le dimanche... Je n'ai rien
fait ., et je ne ferai plus jamais rien ce jour-
là, tant cette doctrine me paraît belle.
belcastel, un peu confus.

Ah! vous... c'est bien , Jasmin... Je ferai
mon chocolat tout seul.
(Jasmin salue et sort.)

belcastel, s'habillant.
Comme c'est agréable!... Enfin !... ce bélî-
tre a raison au fond... c'est flH)\ qui suis un...
Heureusement, j'ai là une cafetière à esprit de
vin... ça va être fait tout de suite.
■ {L'honorable prépare sa petite cuisine. Après
V avoir recommencé sept fois son opération, il
ingurgite au bout de deux heures et demie une
tasse d'un liquide noirâtre qui lui donne im-
médiatement de violentes nausées et des coli-
ques non moins violentes.)
C'est drôle, je ne me sens pas bien... Si
j'allais prendre l'air... oui, c'est une idée
cela... Ah! c'est beau d'être éloquent et de
convaincre les masses... mais, c'est égal,
j'eusse assez aimé avoir moins convaincu Jas-
min .. Quelle fichue drogue je me suis faite
là !...

(// prend son chapeau, sa canne et sort. )

M. de Belcastel, se promenant non sans mé-
lancolie, sur le boulevard Montmartre.

Pas un chat dans les cafés!... c'est édifiant,
mais ça manque un peu de gaîlé... enfin il
feut.ça pour refaire une France qui... (ilpâlit)
oh!... une France que... {il porte ses mains à
sonventre.) Diable!... mais... ce maudit cho-
colat... ca va peut-être se passer... aïe!...
quelle tranchée!... c'est que ça ne se passe
pas du tout... Ah! je suis sauvé! .. Le passage
Jouffroy recèle dans ses flancs un petit établis-
sement mystérieux qui... je crois que je n'ai
que le temps d'y aller... et encore bien juste

(// se précipite comme un fou à travers les
gaUrîes désertes et cogne à la porte du petit
établissement dont les volets sont soigneusement
mis.)

Ah! ça pourquoi diable ces imbéciles-la
ont-ils fermé leur porte?... (H frapp') H là
bas!... hé là bas,.!... (apparaît unetête de femme
à la fenêtre de l'entresol.)

la tète.

Que désire monsieur?

belcastel.

Ce que je désire?... parbleu, je désire...
ah 1 elle est bien bonne, celle-là!... je désire...
vous m'entendez bien?

la tête.

Parfaitement.

belcastel, vert pomme.
Eh bien alors... aïe!... oh!... ouvrez donc
sacrebleu?... ça devient intolérable !

la tête.

Monsieur oublie que c'est aujourd'hui di*
manche.

belcastel.

Eh bien?... est-ce que le dimanche comme
les autres jours on ne...

la tête.

Evidemment si... mais depuis le discours
de M. de Belcastel, — ah! sapristi quel beau
discours, monsieur!

belcastel.

Trop bonne mille fois... mais...

la tète. <

Depuis ce discours là, nous ne iravailjons
plus le dimanche.

(Belcastel, à ce mot, tombe évanoui. Il reste

deux heures dans cet état. Quand il retient à lui,
on sent qu'il va mieux. — Mais à quel prix,
grand Dieu! — Après avoir inutilement cherché
à déjeuner chez Riche et à diner chez. Brébant,
qu'il trouve exactemen t fermés comme leur envers
du passage Jouffroy, l'infortuné député se décide
à entrer dans les terrains vagues de la butte
Montmartre et à en arracher quelques cham-
pignons qu'il dévore. Tout éinerillonné par ce
repas frugal, il se met à arpenter le boulevard,
plein de pensées extrêmement légères. Passe une
jeune fille dont la robe agréablement rçtfowsée
laisse entrevoir une jambe fine et bien prise.)

m. belcastel.

Mademoiselle...

'la jeune fille.

Monsieur?

belcastel.

Ne trouvez-vous pas qu'il fait bien gJiaud?

la jeune f.iljle.

En effet, monsieur.

belcastel.

Si un bock chez Péters pouvait vous sé-
duire?..

la jeune fille.

Monsieur, depuis le discoursde M. Belcastel,
nous ne travaillons plus le dimanche.

belcastel, rêveur.
Sapristi, que je suis donc fâché d'avoir été
si éloquent ! (Il se dirige désespéré vers les bords
de la Seine.)

belcastel, considérant les eaux qui roulent si-
lencieuses.

Décidément, avec mon discours, la vie est
devenue insupportable... J'aime mieux en
finir par un bon plongeon... Le moyen est vif
nwis raffraîchissant... Allons-y !...
(// se précipite dans le fleuve et est reçu dans les
bras d'un monsieur orné d'une jaquette de ro-
seaux et d'une longue barbe verte. C'est le
flenve lui-même.)

la seine.

Qu'y a-t-ïl pour votre service, cher mon-
sieur?

belcastel.

Monsieur, je désirerais me noyer.

la seine.

Vous noyer? aujourd'hui?

belcastel.

Comme vous le diles.

la seine.

Désolé, monsieur, de ne pouvoir vous satis-
faire. Mais, depuis votre remarquable dis-
cours, je ne travaille plus le dimanche.

belcastel.

Vous aussi?

la seine.

El je vais avoir l'honneur de vous rappor-
ter spf la berge.

(BHcastel pousse un hurlement de rage gui n'a
d'autre effet que de lui [aire boire une effroya-
ble goutte. A ce moment, il ressent une farte
douleur à la tête et, en ouvrant les yem, s'a-
perçoit qu'il s'est cogné à sa table de nuit.)

belcastel, réveillé tout de bon cette fois.
Un rêve!... c'était un rêve!... Ah! sapristi,
je l'ai échappé belle!... heureusement l'As-
semblée a repoussé ma motion... braves col-
lègues, va I... mais c'est égal, si jamais on me
reprend à déployer tant d'éloquence !... quelle
leçon, juste ciel! quelle leçon 1

NICOLAS FLAMMÈCHE.

Charmant Batbie!

Ma petite vieille,

Je ne te l'envoie pas dire,
Mais, vrai, là, je te gobe!
Ton petit projet de la loi électorale m'en a
fait faire une belle, je ne te dis que ça !'
Quand j'en ai parlé à Godichonnette,

Elle s'est lancée avec cette voix suave qui a
rnyé les glaces dans tous les cabinets (Je Péters :
« C'est épatant!..

« Tiens, je l'aimerais, cet homme-là!
Jqge un peu !

Car tu sais, Godichopnette, mon vieux, ce
n'est pas de la petite bjère !..
C'est égal,

Tu as eu là une crâne idée tout .de piême I

Car enfin, n'est-ce pas, je pense bien que ça.
ne s'arrêtera pas là,

Et que puisque tu ne veux pas qu'on vole
avant vingt-cinq ans parce qu'à cet âge-|à on
est encore à charge à ses parents,

Tu achèveras ton œuvre, en demandant
qu'on ne puisse pas être électeur tant qu'on ne
gagnera pas ses croûtes.

De cette façon-là, j'espère bien ne l'être
jamais.

Et n'avoir pas cette corvée à faire, — que
fies gêneurs voulaient nous imposer sous peine
d'amende.

En voilà un bon petit projet de loi,

Et bien défendu surtout,

Je le hume!

Entre nous,

Nous te devons une fière chandelle, nous
autres, de la haute gomme!

Ne pas voter par ordre, — c'est gentil, çà !

Ça me botte, — comme un gant,

Et je suis sûre que c'est pour nous seuls que
tu as donné à (on discours un zinc ayssi gal-
vanisé!

Car enfin, quel autre que nous a encore be-
soin de ses parents pour vivre à vingt-cina
ans! ■ ., , .

Ainsi le frère de Godichonnette qui n'a que
dix-sept ans gagne déjà sa vie depuis deux
ans dans la construction.

p. est vrai que c'est un mauvais sujet,—
et qu'il ne peut pas voir sa sœur en peinture.

Dans le péuple, il n'y a pas un homme à
vingt ans qui ait besoin de ses parents pour
bouTotter.

Et il y en a. beaucoup qui à seize prennent
un beau matin leurs cliques, et leurs claques,
et qui s'en vont vivre seuls, —. une des meil-
leurs preuves qu'ils n'ont besoin de personne
pour leur chercher la becquée.

Qu'est-ce que je dis?

11 y en a même qui à cet âge font vivre un
père infirme, une mère veuve, de jeunes
frères et sœurs 1

Ainsi donc, c'est certain.

Ce n'est pas pour les gens du peuple que tu
as fabriqué la petite machine.

C'est pour nous.

Là, tout le monde est indépendant de ses
parents bien avant vingt-cinq ans;

[ci, on ne l'est jamais.

Regarde, moi, par exemple;

Mais si papa n'avait pas gagné tant d'argent
dans la bâtisse.

Je te deaiande un peu ce que je ferais pour
bâfrer!

Je pourrais me brosser le ventre avec une
brique rouge, à l'heure de l'absinthe ;

Et Godichinette elle même rie me regarde-
rait pas plus qu'un actionnaire de la Banque
territoriale d'Espagne.

Ça ne serait pas à faire!

Heureusement, que le vieux a fait son sac,

Et que Bibi — c'est moi I — n'a ni frère, ni
sœur!

Aussi, ça va, ça val

Ci va même tellement, que tu comprends
bien que je nte bats l'œil de la politique,
comme de la vertu de ma mère I

En voilà uu amusement que ç'aurait été s'il
avait fallu aller porter son bulletin de vote au
jour marqué, sous peine d'amende,

Plus que ça de plaisir !

Oh! là là! ousqu'esl mon sénateur, comme
dit Godichonnette en se tapant sur la cons-
cience avec un geste plein de chic !

Bon pour la voyoucratie, ces trucs-là!

Oh! EUe, elle couperait là-dedans, comme
dans de la brioche,

Mais il ne faut pas, hein?.. Il ne faut pas 1

boulu-de-gomme.

Pour copie conforme,
HOMO.

—-1 » ■

(lixlrait d'an Nouveau Traité de Civilité puérile et hon-
nête, actuellement sous presse. — L'auteur a eu
recours à la mise en scène de ses différents interlo-
cuteurs, afm de faire juieiHf. saisir sa pensée au
moyen d'une mimique vive et animée.)

(La scène se passe au théâtre de Versailles.—// y
a foule dans les tribunes et sur les banquettes.
— La chaleur est étouffante. — Ledru-ftollin,
beau comme un dieu, mais un peu plus gras,
s'éponge le front avec son foulard qu'il tord
de temps en temps, de sorte qu'une petite ri-
vière commence à descendre des hauteurs delà
Montagne vers la tribune du président, et que
les huissiers de la Chambre lèvent de temps en
temps des yeux suppliants vers M. Baze, car

ils ont déjà de l'eau jusqu'à la chevilla- *
y. de Gavardie fait par moment des mouhne

terribles au-dessus de sa tête avec un énor>
gourdin qu'il a fait venir des montagnes 1
l'Auvergne. — M. Laurier montre à ses t**
sins m superbe casse-tête dont il vient de filt[
l'acquisition. — L.e vieux M. Dalùrel tient *
main me hallebarde, — et M. Xaquet
pique.)

lè président

Messieurs, l'ordre du jour appelle la deUX'è'
me lecture du projet de loi sur l'établis8"'
ment d'une école d'escargots sympathi<î',e'
dans les sous-sols de l'Observatoire de Pafl"
pivoinabd.

Je demande la parole pour une rectifié'
lion au procès-verbal...

Parlez.

le président.

pivoinard.

Quand , hier, mon illustre ami Coli^f.
marde a qualifié, comme il le méritait.1
gouvernement de ce vulgaire Trompe-la-M°f
auquel nous devons le 2 décembre...

danzdu1ec

Comment, misérable ! scélérat ! voleur ! ^
osez...

le président.

Messieurs, je vous en supplie, soyons par
jenientaires!...

danzdubec.

Je ne demande pas mieux...

pivoinard.

Et moi, donc !

danzdubec.

Mais quand j'entends des roulures comI,,,
ce Pivojnard...

HVQ1NARD.

Mais quand je vojs des pignoufs comme ^'
Danzdubee...

DANZDUBEC.

J'ai toutes les peines du monde à me 6°9'
tenir...

p1v0isard.

Je ne puis pas {Maîtriser ma juste ino$
tion )...

LE PHÉSIDKNT.

Voyons, messieurs, nous ne sommes pasj-
à la halle aux poissons, — et je vous supP
de considérer que le pays a les yeux fixés511
nous.

danzdubec.

Je le pense bien !...

pivoinabd.

C'est ma plus douce consolation !...

le président.

Alors, messieurs, un peu de culme, ** t
songez que vos mandataires ne vous ont p*(
envoyés ici pour vous crêper le chignon,-"L
qu'il faut laisser ces façons à maaem°'s
Lange et à mademoiselle Angot...

danzdubec

Soit, j'y consens!

PiyQINARD.

J'y tâcherai !

le président.

A la bonne heure !... J'espère que dans que',
que dix ans vous serez raisonnable, car no^
ne nous quitterons pas de sitôt, hein, les Pc'(
tits agneaux?... (Vive approbation sur tous 11
bancs.)

. , PIVOINABD.

Ah! çà! est-ce que j'ai la parole, oui °"
non?

LE président.

Excusez, vous l'avez!... seulement, pas $
gros mots!

pivoinabd.

C'est entendu!... (lise mouche) Le p)w*r* *
gueux de Sedan...

danzdubec.

Allons, est-ce que ça va recommencer!---

pivoinard.

C'est lui qui...

danzdubec.

i Pas du tout, C'est lui !

le président.

Exprimez-vous avec plus de calme, — e, .
pui», vous d'abord,M. Danzdubee, vous nVJr
pas la parole... quant à vous, M. Pivoinaf^
soyez plus modéré... mon Dieu, je sais b'v
ce que vous allez me dire : que depuis que '
que temps dans cette chambre, on seco"
pas mal son tapis sur la tête des autres, ff3',
moi, je suis président, n'est-ce pas, il fajjj
que je vous fasse respecter les uns par If

autres... Ainsi donc M. Pivoinard,

. je vous c

seille, si vous avez une rectification à faire a
procès-verbal, à vous exprimer en termes <ll1
l'officiel puisse supporter sans feuille de vigne"'

PIVOINARD.

Voilà ce dont il s'agit : Hier...

danzdubec.

Pas d'insolences!
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