Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 4.1874

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.6813#0182
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
LE GRELOT

PAS SI BÊTE!

Le citoyen Moutonnet, honnête et. digne
électeur de Fouilly-les-Cruches, est enfermé
dans son salon. Mélancolique et rêveur, il
tient sa tête dans ses mains et semble singu-
lièrement embarrassé

Autour de lui sont rangés YOrdre, la Répu-
• blique française, le François et ['Union,

Moutonnet doit dans une heure aller voter
pour un conseiller général, ce qui le rend fort
perplexe.

Perplexité que n'a fait qu'accroître la lec-
ture des différentes feuilles précitées.

De temps en temps, on entend ces mots
sortir de sa bouche :

— Sapristi de sapristi 1... que je suis donc
embarrassé!... que je le suis donc... Ces ani-
maux-là disent tout le contraire... Le temps
passe... il faut j'aille déposer mon vote dans
l'urne et faire ma partie de boules, ainsi qu'il
est d'usage chaque dimanche. Et j'ai beau me
creuser la tête, je ne parviens pas à y mettre
un peu d'ordre.

Qui est-ce qui me tirerade là, mon Dieu?

A ce moment, comme si la fée du Suffrage
universel l'avait entendu, on frappe vigoureu-
sement à la porte de Moutonnet.

moutonnet, d'une voix abattue.

Entrez !. ..

(Entre Brisacier , ancien garde champêtre dé-
gommé par la République, et, en raison de ce
dégommage, bonapartiste furieux.)

brisacier, tortillant sa'moustache.

Bonjour, Moutonnet.

moutonnet.

Tiens, c'est vous, Brisacier?... Asseyez-
vous donc.

brisacier, d'une voix terrible.
Je m'asseoirai si je veux, d'abord.

moutonnet, très-doux.
Naturellement. Ce que j'en dis n'est que
par politesse.

brisacier.

Je le prends bien ainsi... Autrement, vous
pourriez numéroter vos os.

moutonnet.

Qu'est-ce que vous avez donc, ce matin?

brisacier.

J'ai... j'ai... que je suis furieux!

MOUTONNET.

Ça se voit.

BRISACIER.

Néanmoins, comme j'ai à vous parler sé-
rieusement, je vais m'asseoir... bien que vous
me l'ayez offert d'une drôle de façon!...

moutonnet, à part.

11 aurait peut-être voulu que je lui fisse ses
bottes.

(Brisacier tombe sur une chaise avec une. telle fu-
reur qu'elle se brise et l'envoie rouler sur le
tapis.)

brisacier, écumant.

Vous avez encore un joli mobilier ,"vous !...
En voilà des chaises!...

moutonnet.

Si vous vous y étiez pris plus doucement..

brisacier.

Ce n'est pas tout ça!..: Je viens vous voir à
propos'des élections... éclairer un peu votre
conscience... car je vous connais si tenace!...
pour ne pas dire pins...

moutonnet.

Monsieur !...

brisacier.

|

Passons. L'intérêt du pays avant tout. Et,
tout d'abord, êtes-vous conservateur?

moutonnet.

Naturellement. J'aurais surtout voulu con-
server cette chaise que...

BRISACIER.

1! ne s'agit pas de cela. Savez-vous seule-
ment ce que c'est qu'un conservateur?

moutonnet.

Mais il me semble, dans mon gros bon sens,
que c'est un homme qui tient à conserver tout
ce qu'il a... Ainsi, par exemple, ma chaise...

brisacier.

Vous ne savez pas ce que vous dites, mon
bon ami. Supposons que vous ayez une loupe...
Est-ce que vous tiendriez à la conserver?

MOUTONNET.

Évidemment, non.

brisacier.

Donc, le conservateur, le vrai, ne tient pas à
conserver tout; mais seulement le petit pé-
cule que ses ancêtres lui ont légué ou qu'il a
su gagner lui-même. Sa terre, son champ, sa
cabane. Est-ce juste cela?

moutonnet.

Très-juste.

brisacier.

Mais il ne peut conserver cela tout seul. Il
lui faut pour l'aider dans cette sainte mission
des gendarmes, des sergents de ville, des ju-
ges, des tribunaux, des soldats, tout le diable
et son train.

moutonnet.

Je m'en étais toujours un peu douté, je vous
l'avoue.

brisacier.

Eh bien, savez-vous ce que représente Ga-
luchet, candidat républicain de Fouilly-les-
Cruches?

moutonnet,

Il représente assez bien... c'est un bel
homme.

brisacier.

Tonnerre !... je ne dis pas cela...

moutonnet.

Prenez garde!... vous allez crever votre
fauteuil.

brisacier.

11 représente la République... Or vous êtes-
vous jamais demandé ce que c'était que la Ré-
publique?... Non, n'est-ce pas?... eh bien, je
vais vous le dire, moi. La République est un
geuvernement qui n'a ni gendarmes, ni ser-
gents de ville, ni juges, ni tribunaux, ni sol-
dats !

moutonnet.

Ça doit être joliment économique alors, ce
gouvernement-là!

brisacier.

Ame naïve et tendre !... mais s'il n'y a rien
de ce que je viens d'énumérer, la République
double la production des voleurs, des filous,
des escarpes et autres particuliers qui dans
cinq minutes vous auront mis aussi nu que
ce petit Saint-Jean que je vois sur votre com-
mode.

moutonnet.

Ah! bah!

■ brisacier.

Votez^pour^Galuchet [et Gaiuchet n'aura rien
de plus pressé que de faire proclamer sa Ré-
publique de guillotineurs et de bandits.

moutonnet.

11 a i'air bien doux, pourtant.

brisacier.

C'est pour mieux vous croquer, Moutonnet.

moutonnet.

Alors pour qui me conseillez-vous de voter,
vous qui êtes un homme d'ordre?

brisacier.

Connaissez-vous Pitauchard?

moutonnet.

J'en ai enLendu parler comme d'un assez
mauvais garnement. Une tête brûlée qui...

brisacier.

Pitauchard, sachez-le, est le rempart du
bonapartisme dans le canton. Il est un peu
vif... mais quel creur!... quelle âme!... quelle
poigne!... et puis son premier soin, si jamais
il arrive à la députation, sera de demander le
rétablissement de l'Empire... de ce régime si
paternel, auquel nous devons tant de gloires,
de victoires, de lauriers et de guerriers. Vous
n'avez pas un piano, ici?

MOUTONNET.

J'en avais un... mais il me servait à mettre
des copeaux pour l'hiver. Çà, y séchait très-
vite.

BRISACIER.

C'est dommage... je vousaurais chanté cette
dernière phrase, sur un air entraînant qui...
mais revenons à Pitauchard, Pitauchard, c'est
l'empire. Me suivez-vous?

moutonnet.

Je vous suis.

brisacier.

L'empire, d'abord, c'est la paix.

moutonnet, à part.
Je la connais, celle-là!

brisacier.

C'est la tranquillité, c'est la reprise des
affaires, c'est le bonheur sous toutes ses for-
mes, c'est l'abolition du droit de réunion,
c'est la réglementation de cette presse abomi-
nable, c'est le pain à bon marché, c'est...

MOUTONNET.

C'est votre réintégration dans votre baudrier
de garde-champêtre.

brisacier.

Parbleu!... oh! ce n'est pas l'intérêt per-
sonnel qui me guide, allez... au contraire.

moutonnet.

J'en suis persuadé.

BRISACIER.

Mais le désir de rendre à mon beau pays
dix-huit nouvelles années de prospérité...

moutonnet.

Après lesquelles nous perdrons la Chao^

JÊ ■

pagne et la Franche-Comté, comme nous avons
perdu l'Alsace et la Lorraine.

brisacier.

Bah!... une province de plus ou de inoins...
pourvu que nous fassions notre beurre pendant
ce temps-là, n'est-ce pas?

moutonnet.

C'est assez canaille ce que vous dites-là,mon
excellent ami.

BRISACIER.

Je suis franc comme l'or, moi, voyez-vous...
je ne sais pas déguiser ma pensée. Donc, vous
voilà édifié. Avec Galuchet, la république;
c'est-à-dire le pillage, le vol et l'incendie.
Avec Pitauchard la paix, la fortune et la tran-
quillité.

moutonnet.

Alors vous m'assurez que tous les républi-
cains sont des buveurs de sang et des rien du
tout?

brisacier.

Tous!... tous!... sans exception!... des va-
nu-pieds, quoi!

moutonnet.

Y compris Galuchet, qui a deux cent mille
livres de rente de bon bien au soleil?

brisacier.

Lui plusque les autres. Je leconnais,allez!...

moutonnet.

Eh bien, c'est convenu...je vote pour Pitau-
chard.

brisacier.

Ah!... Dans mes bras, Moutonnet!... dans
mes bras!... A la bonne heure!... Vous êtes
un homme, vous!... Qui est-ce qui me disait
donc ce matin que vous n'étiez qu'un imbé-
cile?

moutonnet.

Hein?...

brisacier.

Mais je lui casserai les reins, à celui-là!...
je vous le promets... à tout à l'heure, n'est-ce
pas?... et allons-y carrément!...£u nerf, mor-
bleu!... du nerll...

moutonnet.

Comptez sur moi... votre éloquence m'a
convaincu.

brisacier.

Ah! si la France comptait beaucoup de con-
servateurs comme vous!...

{Il sort. Moutonnet prend un morceau de pa-
pier, une plume et écrit très-ltsiblement :
Ga-lu-chet.)

moutonnet.

Là... voilà qui est fait... si tu crois que j'ai
coupé dans le pont !... Pas si bête !... et il y
en a rudement comme moi... heureusement !

NICOLAS FLAMMÈCHE.

LES BONAPARTISTES RIGOLENT

Les bonapartistes auxquels-le gouvernement
prodigue son sucre, — et dont il bassine le lit
avec un soin maternel,

Les- bonapartistes, — dis-je, — sont en train
de rigoler.

Ce n'est pas tant.parce qu'ils ont obtenu
quelques succès dans les conseils généraux,
que parce qu'ils ont le loisir d'enregistrer pres-
que toutes les semaines une ou deux grosses
bévues du parti républicain.

Et il est de fait qu'ils n'ont pas tout à fait
tort!

Un des journaux de ces messieurs s'en est
donc donné à gorge déployée, il y a quelques
jours, à propos de l'élection de Seine-et-Oise
où M. Senard se présente comme candidat ré-
publicain contre M. de Padoue.

En effet, un des orateurs qui soutiennent
M. Senard ne s'est-il pas avisé de reprocher à
M. de Padoue d'avoir fait partie des commis-
sions mixtes après le 2 décembre!...

On n'est pas plus maladroit, dit le journal
en question, — et on ne saurait lancer un plus
gros pavé dans le jardin de M. Senard.

N'est-ce pas M. Senard, continue ledit jour-
nal, qui signa, comme ministre de l'intérieur,
le décret qui ordonnait, après les journées de
juin, les transportions en massé des hom-
mes qui avaient pris, ou étaient censés avoir
pris part à l'insurrection?

En ce cas, qu'est-ce que M. Senard vient re-
procher à M. de Padoue?

Et le 2 décembre n'est-il pas un enfantillage
à côté de la grande tuerie de juin?...

N'y avait-il pas des milliers d'innocents
parmi ceux que M. Senard fit déporter sans
jugement?

Et le 2 décembre qui avait pour objet avoué
de sauver la société, n'est-il pas bien plus ex-
cusable que les journées de juin qui ne sau-
vèrent rien du tout, et qui étaientle résultat
forcé de votre incurie, pour ne pas dire de

votre imbécillité criminelle, à vous, répu-
blicains de carton!...

D faut bien l'avouer :

Le journal bonapartiste a raison,
. Et il faut que les hommes en France soient
!^xrants comrae ils ,e sont> Pour avoir eu
pf \ 'j'aUer chercher pour représenter la
République, celui qui n'a rien eu de plus
pressé que de lui porter le coup mortel lors-
qu'il en était le ministre.

Vraiment, ce sont là de ces folies qui mé-
ritent d'être punies!

Vous apprenez qu'une garde-malade a subi
autrefois une condamnation à dix ans de
travaux forcés powr avoir versé de l'arsénié
dans la tisane d'une vieille femme, afin de
lui voler, en toute tranquillité, un vieux bas
dans lequel elle avait 42 fr. 35 ;

Or, comme votre mère vient de tomber
malade,

Vous prenez une remise à la course afin de
voler plus vite chez la garde en question, à
laquelle vous tenez le petit boniment qui suit :

k Chère et vénérable madame,
« Je n'ignore pas que vous avez travaillé
pour le gouvernement pendant une dizaine
d'années, dans un endroit où le soleil ne vous
incommodait nullement.

« Il paraît que vous avez mérité cette gra-
cieuseté des pouvoirs établis par l'élégance
avec laquelle vous jetiez de la mert-aux-rats
dans la camomille des malades confiés à votre
sollicitude, - lorsqu'ils possédaient une
somme de 42 fr. 35 c. dans le foBd d'une
chaussette.

« C'est pourquoi, chère et vénérable ma-
dame,

« Nous vous prions de vouloir bien donner
vos soins à notre mère, autour de laquelle
vous consacrerez sans doute une vigilance;bien
plus grande encore quand vous saurez que sa
paillasse est littéralement bourrée de billets
de banque.

« Venez donc, nous vous en conjurons, au
domicile occupé par cette excellente mère, —
et surtout n'oubliez pas vos petits pots! »

Il est évident, n'est-ce pas que si vous vous
laissiez aller à faire de la voltige aussi haute
sur la corde raide de l'empoisonnement,

Vous ne pouriez, probablement pas vous
vanter, devant le tribunal où l'on ne manque-
rait pas de vous traîner, de votre affection
filiale et de votre profond discernement.

Eh bien!

A tout prendre,

L'élection de M. Senard ressemble parfai-
tement à ce choix de notre garde-malade,

Avec cette différence toutefois,

Que la garde-malade n'avait envoyé ad pa-
tres qu'une seule personne,

Tandis que les hauts faits de M. Senard por-
tent sur des milliers d'individus, —

Et cette autre différence non moins consé'
quente,

Que la première avait pu réfléchir pendant
ses dix années de prison, et peut-être se cor-
riger,

Tandis que M. Senard, ayant tranquillemen
gobelotté chez lui depuis juin 48, ne doit pas
valoir un crachat de moins qu'il y a vingt-
six ans !

R.

VENTS D'ANGES

Évohé! évohé!

Le vin pleut dans les pressoirs...

Depuis longues années, la récolte n'avait été
aussi abondante.

On dit que l'eau va enchérir, et que cet
hiver les fontaines Wallace pleureront du vin.

En dépit du phylloxéra, le sang des treilles
coule à torrents.

Et quant à l'oïdium , s'il s'avisait de re-
venir, je vous assure qu'il n'aurait pas la ma-
jorité, grâce au soufrage universel.

X

Vive le vin,
Vive ce jus divin?

Chantent les buveurs qui ont tous l'œil cave
et le regard à tonne, en contemplant le pres-
soir. — Le vin est sous presse pour paraître
prochainement.

Malheureusement l'abondance des vins ne
nous empêchera point d'avoir :

La taxe sur les chiens,

La taxe sur les allumettes,

La taxe sur les boissons,

La taxe sur les cartes,

La taxe sur les chevaux et voitures.

Quand les grammairiens nous débarras-
seront-ils de ces cinq taxes?

X

Mademoiselle Blanche de Ghaillotville con-
tinue à faire les beaux jours de Monsieur
Alphonse, les belles nuits de Monsieur Tout-
Image description
There is no information available here for this page.

Temporarily hide column
 
Annotationen