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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 5.1875

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https://doi.org/10.11588/diglit.6809#0038
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LE GRELOT

LA SEMAINE

Politique et carnaval panachés.

Bal de l'Opéra et élections.

Voilà la devi?e de ces derniers huit jcurs.

Une des choses les plus cocasses qu'il soit
donné aux étrangers et même aux Fra: çais
d'admirer en ce moment, c'est la tête des
journaux bonapartistes.

Après le fameux vote d'UNE voix, ces mes-
sieurs, se laissant aller à une douce gaieté, se
berçaient du fol espoir que ladite voix ferait
le plongeon dans le vote suivant.

Le vote suivant a lieu avec une majorité de
près de deux cents voix en faveur de la Répu-
blique.

Ring!...

Quelle tête, mes enfants 1 quelle tète!

Le lendemain, les organes enchanteurs de
cette opinion essaient de se remettre un peu
et de donner le change à leurs partisans.

R fallait attendre les élections du 7!

Et cela changerait bien des choses!

Et l'on saurait ce que pense le pays!

Et patati ! et patata!

Les élections du 7 arrivent.

Patatras I

C'est M. Valentin, le candidat républicain
qui passe avec une majortté de quinze nulle
voix.

Paul est atterré.

Edmond est conspué.

Le Pays se couvre la tète de cendres.

Le Gaulois déchire le reste.

Abomination de la désolation 1

Où allons-nous, mon Dieu? où allons-nous?

.le vous assure, chers lecteurs, que j'ai .bien
ri!

Reaucouo plus qu'au bal masqué de l'Opéra,
je vous en donne ma parole.

Quel enterrement que ce bal, juste ciel!

Ah 1 la vieille gaieté française !

Jamais je n'ai vu plus belle réunion de cro-
que-morts.

Les seuls gens véritablement joyeux ont été
les restaurateurs... et le père Strauss qui,
ressuscité pour cette occasion, conduisait son
formidable orchestre avec sa verve endiablée.

Mais que je me suis donc ennuyé I

*

* *

Je reçois la lettre suivante à laquelle je
m'empresse d'offrir l'hospitalité.

Paris, 9 février.

Monsieur,

Je suis un bon et naïf bourgeois de Paris
et je m'en viens vous conter mes doléances.

Parmi les institutions qui ont disparu, il en
est une que je regrette par-dessus toutes les
autres.

C'est la promenade du Bœuf-gras.

Vous allez me trouver bien bête, pourquoi
donc cela, cher monsieur? Mais j'y tenais, moi,
à mon Bœuf-gras, et je vais vous expliquer
pourquoi.

Ce n'était pas le vain plaisir de voir des
mousquetaires en bottes molles ou des vénus
en maillot.

Non.

Mes regrets ont une source plus délicate.

Je me disais : un peuple a besoin, pour être
quelque chose, de se bien persuader qu'il y a
eu quelque chose avant lui.

Eh bien, ce cortège du Bœuf-gras, si mo-
deste et si ridicule qu'il pût être, rappelait à
nos concitoyens que ces mousquetaires, par
exemple, qui n'étaient pas, je l'avoue, d'une
tenue rigoureusement exacte, avaient de leurs
vivant agrandi par leur épée.cette France dont
l'inertie et l'incapacité de l'Empire a si dou-
loureusement diminué les frontières.

L'Allemagne garde encore sur son échine
les coups de plat de sabre qu'ils lui ont admi-
nistrés sous M. de ïurenne.

Eh bien, j'avoue que je sentais un légitime
orgueil à contempler ces uniformes fanés et
dépareillés portés par des gens vivants.

Il me semblait que Condé allait paraître
et que l'on entendait le bruit du canon de
Rocroy.

C'était l'histoire de France mise à la portée
de toutes les bourses.

Tout ce bruit, ces clairons, ces tintamarres
me réjouissaient; et il paraît que je n'étais pas
le seul, puisque, malgré les réflexions des
imbéciles, chacun se pressait pour aller voir
passer ce cortège de fantoches.

Et Vénus, monsieur!...

Ah ! permettez-moi de verser un pleur sur
la dispariliou de cette déesse, qui était la
femme, de cette femme qui était une déesse.

J'aimais à la voir dominer le char antique,
grave et fière, entourée de ses sujets.

C'était comme un dernier hommage île la
galanterie française, de cette galanterie qui
est partie avec le reste.

I) n'y a guère plus de nos jours qu'une

Vénus qu'on honore.

La Vénus du ruisseau.

Eh bien, cette glorification de la femme ne
me déplaisait pas.

Cette allégorie me faisait battre le cœur.

Il n'était pas jusqu'à l'Hercule enchaîné à
ses pieds qui ne signifiait quelque chose.

Et les Druides, avec leurs robes blanches et
leurs faucilles d'or !

ils nous disaient : rappelez-vous, fils des
Gaulois, que nous avons lutté contre les Prus-
siens de notre temps et que nous avons bien
su nous en débarrasser.

Et pourtant ces diables de Romains avaient
la dent dure !

Enfin tous ces symboles qui défilaient un
jour par an ne me semblaient pas si ridicules
que cela.

Qu'en pensez-vous?

Pourquoi alors les avoir relégués au musée
du souvenir?

Est-ee qu'ils faisaient du mal à quelqu'un ?

Excusez, cher monsieur, la liberté que je
prends de vous écrire, mais c'est que je ne
trouve pas que nous soyons devenus plus
braves, plus jolis, plus "spirituels que nos
pères, et que j'éprouve une immense besoin
de le crier par dessus les toits.

Rien à vous,

Un abonné qui s'embête.

Abonné... vous avez raison !

assez élevées, se démènent deux orateurs qui ges-
ticulent avec une animation extraordinaire, à
droite et à gauche d'un homme coiffé d'un cha-
peau phénoménal qui paraît destiné à les empê-
cher de s'entre dévorer. — De temps en temps,
quelques-uns des assistants sortent par l'un des
nombreux couloirs qui aboutissent dans la salle,
tandis qu'apparaissent de nouveaux-venus qui dé-
bouchent de ces mêmes couloirs et vont prendre
des places qui leurs semblent réservées. — En ci'
moment, un paysan, le feutre gris à la main, et
de. longues guêtres aux jambes, se montre avec
un huissier à l'un des couloirs de gauche.
le paysan, bas à l'huissier.
C'est ici !

NICOLAS FLAMMÈCHE.

CES FARCEURS D'ANGLAIS!

Un incident assez comique a suivi la visite
du Lord-M'-rire de Londres à Paris.

L'idée était venue à M. Decazes de le déco-
rer, — lui et ses shériffs.

Cela se conçoit,

Et entre grands seigneurs, la chose ne
Boufire habituellement pas de difficultés.
Parbleu !

On a dîné ensemble.

On a bu à une foule de clroses plus ou moins
intéressante,
On a trinqué,
On a été au théâtre,

On a entendu la Krauss,et on n'a pas entendu
la Nilsson,

Cela mérite bien une croix,

Et il faut bien sceller d'un souvenir pal-
pable des relations aussi importantes, — cela
n'est que juste !

Malheureusement, M. Decazes a fait ce qu'en
appelle un four première.

Le Foreign-Office (lisez le ministère des af-
faires élrangères) lui a lait savoir qu'il était
inutile de songer à donner suite à ce beau
projet, attendu que les règlements interdisent
aux sujets de sa Majesté de recevoir et de por-
ter aucun ordre étranger, s'il n'est pas la ré-
compense de services éminents devant l'en-
nemi ou sur le champ de bataille.

Voilà qui est étrange,

Et qui renverse toutes idées reçues en
France sur les décorations!

Comment! en Angleterre, il faut avoir fait
autre chose qu'avoir sucé des écrevisses ou
gobé des huîtres d'Ostende en tête à tête avec
un ministre, pour avoir ie droit de fleurir sa
boutonnière d'une rosette!

11 faut vraiment avoir été utile,

Avoir rendu de vrais services,

Avoir un peu risqué sa peau,

Avoir un peu offert sa vie i

Diable!

Voilà qui devient grave !
Quoi.

On ne peut pas être décoré dans ce pays-là
pour avoir donné au grand duc de Gérolstein
l'adresse de telle soubrette ou de telle in-
génue,

Ou pour l'avoir promené dans les cabarets
à la mode !

C'est trop fort !...

Ah! messieurs les Anglais, c'est bien mal !...
Il n'y a plus d'amour, alors !

l'huissier.

C'est ici!

LE TRIBUNAL

L'intérieur d'un édifice public. — One salle
énorme dans laquelle sont rassemblés un grand
nombre d'hommes, la plupart d'âge mûr, pour
ne pas dire plus,— Ils sont assis méthodiquement
sur des bancs, les uns à côté des autres, et, semblent
examiner avec attention ce qui se passe devant
eux. — En effet, devant eux, dans des tribunes '

le paysan.

Que de monde !... Je n'oserai jamais m'as-
seoiràcôtéde tousces messieurs...

l'huissier.

Eh! bonhomme, il ne faut pas vous épou-
vanter pour cela... Si vous avez peur d'eux en
ce moment, il y a bien d'autres instants où
ils ont peur de vous...

le paysan.

De moi ?... Et quand cela !

l'huissirr.

Le jour du vote... Mais... assez sur ce
point... Mettez vous là et faites bien atten-
tion... C'est sans doute aujourd'hui que la
chose va se juger définitivement.

le paysan.

Aujourd'hui même?... Il était temps d'ar-
r'.ver, alors?

l'huissier.

Dame! vous compienez, depuis quatre ans
que l'affaire est pendante !... Il faut bien, ce-
pendant, que ça ait une fin

le paysan.

C'est ce que nous nous disions chez nous...
même que nos femmes ne sont guère con-
tentes... On se demandait depuis bien long-
temps : « Eh bien ! et ce grand procès ! qu'est-
ce qu'il devient I... » Et puis, il faut vous dire
que nous ne savons pas bien au juste de quoi
il s'agit !... Qu'est-ce que c'est que cette Char-
lotte, et qu'est-ce qu'on vent lui faire, voilà ce
que nous ignorons... C'est pourquoi, à la fin,
fatigués, ennuyés d'entendre toujours parler
d'elle sans la connaître, les gars de chez nous
m'ont dit : « Voyons, Pierre, toi qui sais lire
et écrire, met tes s.ibots un de ces matins,
pars pour la ville, et tâche d'aller au tribunal
voir ce procès-là, afin que tu puisses noqs en
bailler quelque petite signifiance. » Alors, je
je suis parti, et me voilà.

l'huissier.

Eh bien, asseyez-vous là, et vous allez tout
entendre...

le paysan, désignant l'assistance.

Mais qu'est-ce que c'est donc que tous ces
gens-là?

l'huissier.

Ce sont les jurés... Ce sont eux qui vont
décider si Charlotte est coupable ou non...

le paysan.

Il faut croire que l'affaire est difficile... car
ils en sont du monde !... (// s'assied sur le banc
le plus proche de lui.)

le président, aux deux orateurs.

Voyons, messieurs, tâchez de vous respec-
ter...

1er orateur.
Je ne demande pas mieux ; c'est ce palto-
quet...

2e orateur.
J'y suis tout disposé, mais ce malotru...

le président.

Allons, du calme, et surtout ne parlez pas
tous les deux à la fois...

les deux, orateurs, ensemble.

Certainement, car sans cela il n'y a pas
moyen de s'entendre...

le président, à l'orateur placé à sa droite.
Eh bien I commencez, vous, maître Rlancul.
Vous aurez la parole après, maître Grattinet...

blancul.

L'affaire sur laquelle vous avez à vous pro-
noncer, Messieurs...

gratinet.

Un moment !

le président.

' Vous n'avez pas la parole ! ...

blancul.

...... Est d'une importance extraordinaire.

Au nom de la justice, nous ne saurions trop
féliciter MM. les jurés de la sage lenteur qu'ils
ont mise à prendre une décision... La con-
damnation qu'ils vont prononcer n'en aura
que plus d'autorité et de retentissement... La
question, en effet, Messieurs, est fort délicate :
il s'agit de savoir si la Charlotte, dont il s'agit
dans cette cause, est réellement une créature
scélérate qui, toute chargée de forfait anciens

et récents, ose encore se présenter en public
et demander que nous lui octroyions le droit
de cité... Or, pour nous, cela ne fait pas de
doute... C'est bien la même!

gratinet.

Vous en avez menti !

rlancul.

Je me moque de ces injures, — et je dis :
Oui, la Charlotte en question n'est qu'une mi-
sérable, dont les moyens d'existence les plus
honnêtes sont le vol, le pillage, l'incendie et
l'assassinat... C'est elle, Messieurs, qui a vidé
les coffres de l'Etat remplis par Sa Majesté
Napoléon III, — c'est elle qui a livré nos
provinces à l'ennemi, — c'est elle qui s'est
fait donner des pots-de-vin pour 100,000 fr.
dans les adjudications de travaux de la Ville
de Paris... C'est elle qui, par sa négligence,
a fait tuer des milliers de nos soldats, — c'est
elle qui...

gratinet.

Dites donc, est-ce que c'est elle aussi qui
est cause que les grenouilles n'ont pas de
aueue?...

blancul.

Je ne relève pas, je dédaigne... Lors donc,
Messieurs, que des hommes comme vous se
trouvent en pré.-ence d'une femrme comme
cela, aussi manifestement atteinte et convain-
cue, de. par mon argumentation, des crimes
dont je viens de vous donner un aperçu suc-
cinct, ils ne peuvent manquer de l'envoyer au
supplice, en regrettant que de stupides ré-
formes aient fait abandonner l'usage de la
roue et de l'écartelement... j'ai dit!... (Nom'
breux murmures d'approbation.)

gratinet, au président.

Dites donc, président, c'est à mon tour.

le président.

Allez-y, jeune homme, et surtout, en dou-
ceur, hein !

gratinet.

N'ayez pas peur, mon président. Ça va être
comme un velours.

EE paysan, à un de ses voisins.
C'est l'avocat de l'accusée, hein I

le voisin.

Oui...

le paysan.

Il ne va pas gagner, n'est-ce pas?... car on
a rudement applaudi l'autre !

le voisin.

Oh ! ça ne fait rien, il ne sera pas moins
applaudi à son tour.

gratinet.

Je n'ai pas besoin, messieurs, de vous dire
que dans le discours de l'honorable Blancul
que vous venez d'entendre, il n'y a pas un
mot de vrai, — et que ma cliente est pure
comme un lys et blanche comme un agneau...
et que les calomnies ont plu comme grêle
sur son compte, — mais vous en ferez le cas
qu'elles méritent, — et vous rendrez à César
ce qui appartient à César, c'est-à-dire les in-
vasions, les vols du denier public, les assas-
sinats prémédités ou involontaires, à ceux qui
ont fusillé les Parisiens sur le boulevard
Montmartre, — à ceux qui suspendent leurs
cousins à l'espagnolette de leur fenêtre
comme une bécassine qui a besoin de se
faire, — à ceux qui sont revenus de Russie,
de Prusse et d'Autriche, accroupis dans les
fourgons de l'étranger, et qui n'en sont sortis
que pour nous demander un milliard pour
leur tabac...

blancul.

Assez, bandit, assez !

gratinet.

Quant à vos vociférations à vous, je m'en
moque comme de ça!... (// lance, à ces mots,
un long jet de salive à la Vautrain, qui va juste-
ment tomber dans l'œil d'un des sténographes).
Non, messieurs, non, vous ne condamnerez
pas Charlotle, — vous lui accorderez, au con-
traire, les droits et prérogatives que lui ont
mérité ses longs services... Vous reconnaîtrez
qu'à plusieurs reprises elle a sauvé la patrie
des mains des ennemis, et vous couvrirez
d'une-iu4e confusion l'indigne adversaire qui
ose vous demander sa tête. (Marques nom-
breuses d'approbation.)

le paysan, à son voisin.

C'est pourtant vrai!... on l'applaudit autant
que l'autre.

le voisin.

Je vous l'avais bien dit...

le président.

Messieurs, il me semble que voici assez
longtemps que durent ces débats... si on pro-
cédait à la délibération!...

voix nombreuses.

Oui, oui !

autres voix.

Non, non, non !

lé président.

Coiiiine il faut pourtant qu'on en'tinisse, je
prends sur moi de faire délibérer et voter.
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