LE fRKLOT
AVIS A NOS LECTEURS
L'Administration du Grelot a l'honneur de
prévenir ses lecteurs qu'elle se charge d'en-
voyer à tous ceux qui en feront la demande :
Tous les ouvrages de librairie, publications
périodiques, musique, et, en général, tous les
articles se rattachant à la librairie, la papete-
rie et l'imprimerie.
A dater de ce jour, les bureaux du Grelot
sont transférés, 77, rue Neuves-des-Petits-
Champs.
LA SEMAINE
TrouviUe, 25 juillet.
Il m'a pris, chers lecteurs, comme vous le
voyez par la date de ce courrier, fantaisie de
faire aussi un petit sultan de Zanzibar et de
me livrera quelques heures de villégiature.
Excellente idée, comme vous allez en juger.
Je quittais Paris heureux d'un rayon de so-
leil et après avoir pris chez un des plus ha-
biles opticiens une consultation sérieuse.
— Le baromètre?... comment est-il?
— Il monte.
— Bon. Alors je puis me mettre en route?
— Dame... jusqu'à présent... je crois le
temps remis,
— Oui mais.voyons, entre nous... est-ce
sérieux?
— Vous savez... il y a tout lieu de croire...
cependant...
— Merci... votre confiance me gagne... et
je pars.
— Bon voyage.
— Merci.
Je n'étais pas à Lisieux que la pluie, l'hor-
rible pluie, l'abominable pluie tombait à tor-
rents. Ce n'était plus une averse, c'était un
déluge!
Et depuis que je'suis arrivé, ça ne cesse
pas.
11 est vrai que, pour me consoler, l'auber-
giste m'a affirmé que depuis deux mois c'était
toujours la môme chose.
Aussi il faut voir avec quels égards ces esti-
mables commerçants reçoivent le moindre
voyageur.
Il y en a un qui m'a offert la table, le loge-
ment et quarante sous par jour si je voulais
loger chez lui.
J'ai refusé pour ne pas abuser de sa folie.
Mais je vous réponds que le pauvre diable
s'en est allé le cœur gros.
Il m'aurait montré à ses confrères.
Affaire d'amour-propre chez un commer-
çant qui n'a pas encore étrenné... de la sai-
son.
*
Ne pouvant mettre le nez dehors, je résolus
de prendre quelques bonnes heures de dis-
traction et je me fis apporter les journaux.
Quand on s'ennuie, mais là, carrément, je
vous recommande la lecture d'une ou de plu-
sieurs séances de l'Assemblée nationale.
Il est bien rare que vous n'y trouviez pas
matière à quelque pinte de bon sang.
Ma benne étoile me fit justement tomber
sur celle où M. Madier de Montjau, ne pouvant
se consoler de prendre des vacances, s'est
avisé de demander à nouveau la dissolution.
11 en a rencontré 80 de son avis!
En tout et pour tout.
Les autres se trouvent bien là-bas et y res-
tent.
Je vous laisse à penser le succès qu'a eu le
pauvre député!
Ce qu'il a été reconduit!
Droite, extrême droite, centre droit, gau-
che et centre gauche se sont mis à pousser de
tels hurlements et de si violents éctats de rire
qu'on aurait cru assister à une représentation
de la ménagerie Bidel donnée à Charenton.
Et le le lendemaid quelles gourmades dans
les journaux!
A entendre les républicains comme les bo-
napartistes, il serait bon de préparer dans la
salle des gâteux du susnommé Charenton, un
tout petit baquet pour le pauvre orateur.
Eh bien, moi, je dis ceci :
Le seul conséquent avec son mandat, le
seul logique avec la situation, le seul qui ait
hautement et courageusement eu le courage
de son opinion, c'est ce vieux bonze de Madier
de Montjau, comme l'appellent les plaisantins
du bonapartisme.
Il savait parfaitement qu'il remporterait sa
veste;
Il était sûr d'être blagué sur toute la ligne
et lâché par ses meilleurs amis, ça ne l'a pas
empêché de parler suivant sa conscience,
Eh, morbleu, c'est quelque chose celai...
Dans le temps de pasquins, de paillasses et
d'eunuques où nous sommes, ça fait du bien
de rencontrer un homme/
Et Madier de Monljau en a été un !
Il a pu se montrer politique médiocre et
diplomate maladroit, mais il a fait voir aux
braillards, aux satisfaits, aux ventrus et aux
repus, qu'il n'avait pas deux visages, et que,
devant comme derrière ses électeurs, il fai-
sait son devoir de vieux républicain.
On a ri de lui?
Tant pis pour qui a ri !
A propos de l'anecdote qui terminait ma
dernière semaine, et où je racontais l'histoire
de ce mari aussi cocu que maladroit, lequel
ne trouva d'autre moyen de se venger de sa
femme que de se brûler sa propre cervelle à
lui, j'ai reçu quelques lettres assez bouf-
fonnes.
Ces épîtres se divisent naturellement en
trois classes, comme les trains omnibus.
déclasse. — Maris... cornifiés.
Ceux-ci me traitent comme le dernier des
hommes pour avoir osé plaisanter l'infortuné
Toubeau au lieu de le plaindre.
Je répondrai à ces Sganarelles que, si j'a-
vais à plaindre l'infortuné Toubeau, ce serait
d'avoir été assez niais pour se faire sauter ce
qu'on nomme vulgairement le caisson avant
de s'être assuré que madame son épouse l'a-
vait précédé.
C'est sur ce côté que son malheur prête
surtout à rire.
2b classe. — Femmes... légères, mais évi-
demment agréables.
Toutes de mon avis pour trouver que ce
pauvre bonhomme a été bien ridicule.
11 y en a une qui me dit que ce n'est pas avec
de tels procédés qu'on se fait aimer.
Parbleu!... j'oserais presque l'affirmer.
Enfin, 3°.— Amants heureux.
Ceux-ci approuvent absolument la conduite
J du mari et se souhaitent à tous une pareille
veine.
Je les crois!
Il n'y en a qu'un qui me dit avec fran-
chise : Monsieur, si pareille aventure m'arri-
vait, ça me contrarierait énormément.
Je serais naturellement obligé de garder la
veuve... et dame!... la fidélité, vous savez?...
on a beau dire... c'est embêtant.
Votre dévoué,
Alfred.
Alfred!... Alfred!... vous finirez mal!...
c'est moi qui vous le dis.
NICOLAS FLAMMÈCHE.
CONSOLATIONS ET MENUS SUFFRAGES
Les consolations que le clergé français nous
a prodiguées dans la semaine qui vient de s'é-
couler sont vraiment admirables.
Voici d'abord M. Dupanloup qui nous ar-
rive avec une lettre pastorale dans laquelle il
dit que les calamités qui nous accablent sont
proportionnelles à nos impiétés :
D'où il résulte probablement que les habi-
tants des départements du Midi ne sont inon-
dés que parce qu'ils auront ri des dogmes de
lTmmaculée conception, ou dansé pendant
les clfices.
Cette façon de consoler les gens est pleine
de délicatesse;
On conçoit tout ce qu'il y a d'exquis dans
ces procédés.
M. Dupanloup, voyant deux cent millions
perdus et deux ou trois mille personnes
noyées, se borne à dire, en levant les mains
au ciel :
« C'est bien dommage,
« Mais Dieu est juste;
« Si tous ces méridionaux n'avaient pas été
manifestement des impies et des débauchés,
« Cela ne leur serait pas arrivé !
« Les voilà tous noyés,
« Bénissons les décrets de la Providence. »
Le philanthropique évêque d'Orléans a été
imité, — que dis-je, dépassé, — par un pré-
dicateur qui a osé dire en chaire, à Menton,
ce que M. Dupanloup n'avait dit qu'à mots voi-
lés dans sa brochure.
Pour un peu, celui-là se serait réjoui de la
crue de la Haute-Garonne et des départements
voisins.'{
C'est dommage qu'il ne soit pas évêque.
fi II ferait sans doute chanter dans son dio-
cèse des Te Deum, au lieu de De Profundis, —
afin de louer Dieu d'avoir fait éclater la puis-
sance de sa justice.
Il faut avouer que voilà des sentiments bien
charitables,
Et bien faits pour ramener le peuple à la
foi.
La pensée secrète du clergé français, du
reste, depuis quelques années se fait jour avec
une audace qu'il avait perdue depuis long-
temps.
Les mandements des évêques qui ont failli
nous amener de jolies petites complications
diplomatiques depuis un an, ont prêché
l'exemple, — et le bas clergé a suivi.
Aussi, on conçoit que les contribuables
soient enchantés de payer des impôts pour
faire une cinquantaine de millions de pension
annuelle à un clergé qui compte des prêtres
comme ce M. Trouillet de Nancy, qui refuse
d'arborer sur son église, dans les fêtes solen-
nelles, le drapeau de la France,
Et qui n'y veut que le drapeau jaune de
l'ancienne Lorraine!
Ce sont là des actes de patriotisme qu'il
faut, on le comprend, grassement rétribuer!
Qu'est-ce que vous voulez !
L'abbé Trouillet n'aime pas le drapeau tri-
colore.
C'est son idée à cet homme!... Il aime le
jaune!
Des étendards avec l'aigle noir brodé dans
leurs plis feraient sans doute bien mieux son
affaire !
C'est égal, faire des rentes à un gaillard de
ce mérite, c'est raidel...
Il ne manque plus que de voter une indem-
nité et une rente viagère à Bazaine.'
R.
FEUILLES AU VENT
| gurôs aujourd'hui par les légitimistes et les
' orléanistes.
Le dormeur par la gauche.
Les droites sont parvenues à si bien troffi'
per et si bien berner celui-ci qu'elles en
ont obtenu tout ce qu'elles voulaient;
Et maintenant, qu'à force de concession
les républicains de l'Assemblée se trouvent,
pour ainsi dire, complètement désarmés,
On se borne à répondre à leurs réclama
tions par des lazzis et des nasardes.
Un des plus gais conteurs italiens du siècle
passé, Gozzi, en raconte quelque part « une
bien bonne. »
Un soir, trois joyeux compères se rendi-
rent dans une auberge pour y faire ripaille.
Ils burent, mangèrent et bavardèrent le
mieux du monde pendant plusieurs heures.
Or, il arriva que l'un d'eux, —le moins en-
durci du trio, probablement, —se trouva
après boire un peu fatigué, — et s'alla cou-
cher.
Il dormait sur ses deux oreilles, avec sa
bougie allumée sur sa table de nuit, quand
ses deux compagnons entrèrent dans sa cham-
bre.
Ceux-ci commencèrent par souffler sa lu-
mière, — puis ils se mirent à faire grand
bruit.
L'autre se réveille, et dans l'obscurité où il
se trouve, il ne tarde pas à reconnaître la voix
de ses deux amis.
Or, voici à peu près le dialogue qu'il entend
à quelques pas de lui.
— Quarante-sept,—quatrième au roi, est-ce
bon?
— La quatrième est bonne, — mais j'ai qua-
rante-huit au point.
— Trois valets...
— Non, j'ai trois dames.
— Alors, je dis quatre, et je joue cinq.
*
Fort surpris de cette conversation échan-
gée dans les ténèbres, le dormeur ne peut
s'empêcher de dire :
— Ah ! ça I vous jouez donc aux cartes?...
— Certainement! disent les autres.
— Ce n'est pas possible,— vous n'avez pas
de chandelle !...
— Comment! nous n'avons pas de chan-
delle !
— Mais non 1
— Mais si !
*
— Diable 1 — fait alors l'autre... Voyons,
est-ce bien vrai au moins 1
— Tiens, pardine!... Comment verrions-
nous notre jeu !
— Alors, mes amis, je suis devenu aveu-
gle... Mon Dieu, mon Dieu! quel malheur!...
— Bast, il y a saint Christophe qui guérira
tout cela!
— C'est vrai, je n'y pensais pas!... Tenez,
voilà île l'argent, — allez vite faire pour moi
un pèlerinage à la chapelle de ce digne hom-
me de saint...
Ce disant, il fouille dans ses chausses qu'il
avait ji tés au pied de son lit, et donne aux
deux c mpères une poignée de monnaie.
*
* *
Ceux-ci redescendent, et se remettent à
boire jusqu'à l'aurore.
Le jour venu, mon dormeur se réveille na-
turellement, et s'aperçoit qu'on l'a dupé.
Il va trouver les ivrognes, — mais le plus
clair de son argent est déjà dans le tiroir du
cabaretier, et, au lieu de le lui rendre, on se
berne à lui rire au nez.
*
Ce conte est toute une allégorie à l'heure
qu'il est.
Les deux renards dont parle Gozzi sont fi-
3
*
* *
— Cédez sur ceci,— et sur ceci encore, —
et puis sur cela, leur disait-on, — après, pa-
role d'honneur, nous marcherons avec vous...
Oui, va-t-en voir s'ils viennent!
La droite a mis dans* le marché à peu près
autant de bonne foi que ce mari qui disait,
en parlant de sa femme et de lui :
— Voyez-vous, quand l'un de nous deux
sera mort, j'irai vivre à la campagne...
*
Lui en a-t-on arraché à cette gauche en lui
persuadant qu'en évitant les longues discus-
sions on arriverait plus vite à la dissolution.
La dissolution?... Jamais!
Des vacances, soit I
Pendant les vacances, on s'amuse, on rt-
gole, car on conspire;
On tente Badinguet à Chislehurst, Cham-
bordà Froshdorlf, —et le jeune de Broglie
parcourt les départements en jetant aux fonc-
tionnaires des regards de côté, « comme un
chien qui emporte un plumais, » pour parler
comme Rabelais.
Et on se priverait de ce plaisir, pourquoi ?
Pour se rendre aux vœux du pays?...
Allons donc 1
Seulement, je crois que ça lui apprendra
au pays à ne pas nommer une autre fois tant
de comtes, de barons, de ducs et marquis, et
autres hobereaux.
Tout ce monde-là, du reste, semble baisser
singulièrement dans l'estime publique.
Tenez, à l'Académie des sciences morales
et politiques, on vient de constater que le
concours ouvert sur l'Histoire de la noblesse en
France et en Angleterre, bien que prorogé à
deux reprises, n'avait donné aucun résultat
satisfaisant.
On ne s'intéresse plus guère à ces choses-
là.'
Les gens de lettres ont d'autre besogne à
mener à bien.
*
L'Angleterre vient de se décider enfin à
reconnaître officiellement la gloire de son
plus grand poète contemporain : M. Disraeli
a présidé récemment la séance solennelle de
la société qui a entrepris de faire traiter By-
ron, après sa mort, un peu mieux qu'il ne l'a
été pendant sa vie.
En France, on croit que les gens de lettres
se font comme les nèfles...
Sur la paille.
' En Angleterre, siByron n'avait pas été lord,
et riche, et d'une si mordante verlu, on l'eût
sans doute traité avec notre sans-gêne ordi-
naire.
L'auteur de Don Juan, heureusement pour
lui, n'était point obligé de chercher un asile
dans ces bouges que la charité anglaise ap-
pelle des work-houses.
Singulière destinée que celle de cet homme
de génie qui écrivait au début de sa carrière :
« Je suis un animal solitaire et si parfaite-
ment cosmopolite, qu'il m'est indifférent de
passer ma vie dans la Grande-Bretagne ou
dans le Kamtchatka! »
Et qui alla s'enfermer et mourir dans les
boues de Missolonghi pour l'amour de la
liberté!
Nous ne reverrons pas de sitôt des poètes
mourir pour une cause semblable I
Maigre succès, du reste, pour selui qui sa-
crifie ainsi sa vie !
Byron, longtemps exécré par la noblesse
anglaise, ne trouva point même grâce à ses
yeux après sa mort.
Nul homme, il est vrai, ne foula jamais aux
pieds avec plus de désinvolture le cant et les
cent mille préjugés anglais sur ce qui est
respectable et ce qui ne l'est pas.
11 paraît qu'on est un peu revenu aujour-
d'hui sur son compte : il aura sa statue, —
peut-être même l'admettra-t-on à Westmins-
ter dans le coin des poètes, (poèt's corner).
Mais, au fond des cœurs, il restera toujours,
en Angleterre, un peu de haine et d'aigreur
contre ce fier esprit!
*
* *
Quoi d'étonnant dans un pays où l'impôt de
la poudre pour les cheveux rapporte au bud-
AVIS A NOS LECTEURS
L'Administration du Grelot a l'honneur de
prévenir ses lecteurs qu'elle se charge d'en-
voyer à tous ceux qui en feront la demande :
Tous les ouvrages de librairie, publications
périodiques, musique, et, en général, tous les
articles se rattachant à la librairie, la papete-
rie et l'imprimerie.
A dater de ce jour, les bureaux du Grelot
sont transférés, 77, rue Neuves-des-Petits-
Champs.
LA SEMAINE
TrouviUe, 25 juillet.
Il m'a pris, chers lecteurs, comme vous le
voyez par la date de ce courrier, fantaisie de
faire aussi un petit sultan de Zanzibar et de
me livrera quelques heures de villégiature.
Excellente idée, comme vous allez en juger.
Je quittais Paris heureux d'un rayon de so-
leil et après avoir pris chez un des plus ha-
biles opticiens une consultation sérieuse.
— Le baromètre?... comment est-il?
— Il monte.
— Bon. Alors je puis me mettre en route?
— Dame... jusqu'à présent... je crois le
temps remis,
— Oui mais.voyons, entre nous... est-ce
sérieux?
— Vous savez... il y a tout lieu de croire...
cependant...
— Merci... votre confiance me gagne... et
je pars.
— Bon voyage.
— Merci.
Je n'étais pas à Lisieux que la pluie, l'hor-
rible pluie, l'abominable pluie tombait à tor-
rents. Ce n'était plus une averse, c'était un
déluge!
Et depuis que je'suis arrivé, ça ne cesse
pas.
11 est vrai que, pour me consoler, l'auber-
giste m'a affirmé que depuis deux mois c'était
toujours la môme chose.
Aussi il faut voir avec quels égards ces esti-
mables commerçants reçoivent le moindre
voyageur.
Il y en a un qui m'a offert la table, le loge-
ment et quarante sous par jour si je voulais
loger chez lui.
J'ai refusé pour ne pas abuser de sa folie.
Mais je vous réponds que le pauvre diable
s'en est allé le cœur gros.
Il m'aurait montré à ses confrères.
Affaire d'amour-propre chez un commer-
çant qui n'a pas encore étrenné... de la sai-
son.
*
Ne pouvant mettre le nez dehors, je résolus
de prendre quelques bonnes heures de dis-
traction et je me fis apporter les journaux.
Quand on s'ennuie, mais là, carrément, je
vous recommande la lecture d'une ou de plu-
sieurs séances de l'Assemblée nationale.
Il est bien rare que vous n'y trouviez pas
matière à quelque pinte de bon sang.
Ma benne étoile me fit justement tomber
sur celle où M. Madier de Montjau, ne pouvant
se consoler de prendre des vacances, s'est
avisé de demander à nouveau la dissolution.
11 en a rencontré 80 de son avis!
En tout et pour tout.
Les autres se trouvent bien là-bas et y res-
tent.
Je vous laisse à penser le succès qu'a eu le
pauvre député!
Ce qu'il a été reconduit!
Droite, extrême droite, centre droit, gau-
che et centre gauche se sont mis à pousser de
tels hurlements et de si violents éctats de rire
qu'on aurait cru assister à une représentation
de la ménagerie Bidel donnée à Charenton.
Et le le lendemaid quelles gourmades dans
les journaux!
A entendre les républicains comme les bo-
napartistes, il serait bon de préparer dans la
salle des gâteux du susnommé Charenton, un
tout petit baquet pour le pauvre orateur.
Eh bien, moi, je dis ceci :
Le seul conséquent avec son mandat, le
seul logique avec la situation, le seul qui ait
hautement et courageusement eu le courage
de son opinion, c'est ce vieux bonze de Madier
de Montjau, comme l'appellent les plaisantins
du bonapartisme.
Il savait parfaitement qu'il remporterait sa
veste;
Il était sûr d'être blagué sur toute la ligne
et lâché par ses meilleurs amis, ça ne l'a pas
empêché de parler suivant sa conscience,
Eh, morbleu, c'est quelque chose celai...
Dans le temps de pasquins, de paillasses et
d'eunuques où nous sommes, ça fait du bien
de rencontrer un homme/
Et Madier de Monljau en a été un !
Il a pu se montrer politique médiocre et
diplomate maladroit, mais il a fait voir aux
braillards, aux satisfaits, aux ventrus et aux
repus, qu'il n'avait pas deux visages, et que,
devant comme derrière ses électeurs, il fai-
sait son devoir de vieux républicain.
On a ri de lui?
Tant pis pour qui a ri !
A propos de l'anecdote qui terminait ma
dernière semaine, et où je racontais l'histoire
de ce mari aussi cocu que maladroit, lequel
ne trouva d'autre moyen de se venger de sa
femme que de se brûler sa propre cervelle à
lui, j'ai reçu quelques lettres assez bouf-
fonnes.
Ces épîtres se divisent naturellement en
trois classes, comme les trains omnibus.
déclasse. — Maris... cornifiés.
Ceux-ci me traitent comme le dernier des
hommes pour avoir osé plaisanter l'infortuné
Toubeau au lieu de le plaindre.
Je répondrai à ces Sganarelles que, si j'a-
vais à plaindre l'infortuné Toubeau, ce serait
d'avoir été assez niais pour se faire sauter ce
qu'on nomme vulgairement le caisson avant
de s'être assuré que madame son épouse l'a-
vait précédé.
C'est sur ce côté que son malheur prête
surtout à rire.
2b classe. — Femmes... légères, mais évi-
demment agréables.
Toutes de mon avis pour trouver que ce
pauvre bonhomme a été bien ridicule.
11 y en a une qui me dit que ce n'est pas avec
de tels procédés qu'on se fait aimer.
Parbleu!... j'oserais presque l'affirmer.
Enfin, 3°.— Amants heureux.
Ceux-ci approuvent absolument la conduite
J du mari et se souhaitent à tous une pareille
veine.
Je les crois!
Il n'y en a qu'un qui me dit avec fran-
chise : Monsieur, si pareille aventure m'arri-
vait, ça me contrarierait énormément.
Je serais naturellement obligé de garder la
veuve... et dame!... la fidélité, vous savez?...
on a beau dire... c'est embêtant.
Votre dévoué,
Alfred.
Alfred!... Alfred!... vous finirez mal!...
c'est moi qui vous le dis.
NICOLAS FLAMMÈCHE.
CONSOLATIONS ET MENUS SUFFRAGES
Les consolations que le clergé français nous
a prodiguées dans la semaine qui vient de s'é-
couler sont vraiment admirables.
Voici d'abord M. Dupanloup qui nous ar-
rive avec une lettre pastorale dans laquelle il
dit que les calamités qui nous accablent sont
proportionnelles à nos impiétés :
D'où il résulte probablement que les habi-
tants des départements du Midi ne sont inon-
dés que parce qu'ils auront ri des dogmes de
lTmmaculée conception, ou dansé pendant
les clfices.
Cette façon de consoler les gens est pleine
de délicatesse;
On conçoit tout ce qu'il y a d'exquis dans
ces procédés.
M. Dupanloup, voyant deux cent millions
perdus et deux ou trois mille personnes
noyées, se borne à dire, en levant les mains
au ciel :
« C'est bien dommage,
« Mais Dieu est juste;
« Si tous ces méridionaux n'avaient pas été
manifestement des impies et des débauchés,
« Cela ne leur serait pas arrivé !
« Les voilà tous noyés,
« Bénissons les décrets de la Providence. »
Le philanthropique évêque d'Orléans a été
imité, — que dis-je, dépassé, — par un pré-
dicateur qui a osé dire en chaire, à Menton,
ce que M. Dupanloup n'avait dit qu'à mots voi-
lés dans sa brochure.
Pour un peu, celui-là se serait réjoui de la
crue de la Haute-Garonne et des départements
voisins.'{
C'est dommage qu'il ne soit pas évêque.
fi II ferait sans doute chanter dans son dio-
cèse des Te Deum, au lieu de De Profundis, —
afin de louer Dieu d'avoir fait éclater la puis-
sance de sa justice.
Il faut avouer que voilà des sentiments bien
charitables,
Et bien faits pour ramener le peuple à la
foi.
La pensée secrète du clergé français, du
reste, depuis quelques années se fait jour avec
une audace qu'il avait perdue depuis long-
temps.
Les mandements des évêques qui ont failli
nous amener de jolies petites complications
diplomatiques depuis un an, ont prêché
l'exemple, — et le bas clergé a suivi.
Aussi, on conçoit que les contribuables
soient enchantés de payer des impôts pour
faire une cinquantaine de millions de pension
annuelle à un clergé qui compte des prêtres
comme ce M. Trouillet de Nancy, qui refuse
d'arborer sur son église, dans les fêtes solen-
nelles, le drapeau de la France,
Et qui n'y veut que le drapeau jaune de
l'ancienne Lorraine!
Ce sont là des actes de patriotisme qu'il
faut, on le comprend, grassement rétribuer!
Qu'est-ce que vous voulez !
L'abbé Trouillet n'aime pas le drapeau tri-
colore.
C'est son idée à cet homme!... Il aime le
jaune!
Des étendards avec l'aigle noir brodé dans
leurs plis feraient sans doute bien mieux son
affaire !
C'est égal, faire des rentes à un gaillard de
ce mérite, c'est raidel...
Il ne manque plus que de voter une indem-
nité et une rente viagère à Bazaine.'
R.
FEUILLES AU VENT
| gurôs aujourd'hui par les légitimistes et les
' orléanistes.
Le dormeur par la gauche.
Les droites sont parvenues à si bien troffi'
per et si bien berner celui-ci qu'elles en
ont obtenu tout ce qu'elles voulaient;
Et maintenant, qu'à force de concession
les républicains de l'Assemblée se trouvent,
pour ainsi dire, complètement désarmés,
On se borne à répondre à leurs réclama
tions par des lazzis et des nasardes.
Un des plus gais conteurs italiens du siècle
passé, Gozzi, en raconte quelque part « une
bien bonne. »
Un soir, trois joyeux compères se rendi-
rent dans une auberge pour y faire ripaille.
Ils burent, mangèrent et bavardèrent le
mieux du monde pendant plusieurs heures.
Or, il arriva que l'un d'eux, —le moins en-
durci du trio, probablement, —se trouva
après boire un peu fatigué, — et s'alla cou-
cher.
Il dormait sur ses deux oreilles, avec sa
bougie allumée sur sa table de nuit, quand
ses deux compagnons entrèrent dans sa cham-
bre.
Ceux-ci commencèrent par souffler sa lu-
mière, — puis ils se mirent à faire grand
bruit.
L'autre se réveille, et dans l'obscurité où il
se trouve, il ne tarde pas à reconnaître la voix
de ses deux amis.
Or, voici à peu près le dialogue qu'il entend
à quelques pas de lui.
— Quarante-sept,—quatrième au roi, est-ce
bon?
— La quatrième est bonne, — mais j'ai qua-
rante-huit au point.
— Trois valets...
— Non, j'ai trois dames.
— Alors, je dis quatre, et je joue cinq.
*
Fort surpris de cette conversation échan-
gée dans les ténèbres, le dormeur ne peut
s'empêcher de dire :
— Ah ! ça I vous jouez donc aux cartes?...
— Certainement! disent les autres.
— Ce n'est pas possible,— vous n'avez pas
de chandelle !...
— Comment! nous n'avons pas de chan-
delle !
— Mais non 1
— Mais si !
*
— Diable 1 — fait alors l'autre... Voyons,
est-ce bien vrai au moins 1
— Tiens, pardine!... Comment verrions-
nous notre jeu !
— Alors, mes amis, je suis devenu aveu-
gle... Mon Dieu, mon Dieu! quel malheur!...
— Bast, il y a saint Christophe qui guérira
tout cela!
— C'est vrai, je n'y pensais pas!... Tenez,
voilà île l'argent, — allez vite faire pour moi
un pèlerinage à la chapelle de ce digne hom-
me de saint...
Ce disant, il fouille dans ses chausses qu'il
avait ji tés au pied de son lit, et donne aux
deux c mpères une poignée de monnaie.
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Ceux-ci redescendent, et se remettent à
boire jusqu'à l'aurore.
Le jour venu, mon dormeur se réveille na-
turellement, et s'aperçoit qu'on l'a dupé.
Il va trouver les ivrognes, — mais le plus
clair de son argent est déjà dans le tiroir du
cabaretier, et, au lieu de le lui rendre, on se
berne à lui rire au nez.
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Ce conte est toute une allégorie à l'heure
qu'il est.
Les deux renards dont parle Gozzi sont fi-
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— Cédez sur ceci,— et sur ceci encore, —
et puis sur cela, leur disait-on, — après, pa-
role d'honneur, nous marcherons avec vous...
Oui, va-t-en voir s'ils viennent!
La droite a mis dans* le marché à peu près
autant de bonne foi que ce mari qui disait,
en parlant de sa femme et de lui :
— Voyez-vous, quand l'un de nous deux
sera mort, j'irai vivre à la campagne...
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Lui en a-t-on arraché à cette gauche en lui
persuadant qu'en évitant les longues discus-
sions on arriverait plus vite à la dissolution.
La dissolution?... Jamais!
Des vacances, soit I
Pendant les vacances, on s'amuse, on rt-
gole, car on conspire;
On tente Badinguet à Chislehurst, Cham-
bordà Froshdorlf, —et le jeune de Broglie
parcourt les départements en jetant aux fonc-
tionnaires des regards de côté, « comme un
chien qui emporte un plumais, » pour parler
comme Rabelais.
Et on se priverait de ce plaisir, pourquoi ?
Pour se rendre aux vœux du pays?...
Allons donc 1
Seulement, je crois que ça lui apprendra
au pays à ne pas nommer une autre fois tant
de comtes, de barons, de ducs et marquis, et
autres hobereaux.
Tout ce monde-là, du reste, semble baisser
singulièrement dans l'estime publique.
Tenez, à l'Académie des sciences morales
et politiques, on vient de constater que le
concours ouvert sur l'Histoire de la noblesse en
France et en Angleterre, bien que prorogé à
deux reprises, n'avait donné aucun résultat
satisfaisant.
On ne s'intéresse plus guère à ces choses-
là.'
Les gens de lettres ont d'autre besogne à
mener à bien.
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L'Angleterre vient de se décider enfin à
reconnaître officiellement la gloire de son
plus grand poète contemporain : M. Disraeli
a présidé récemment la séance solennelle de
la société qui a entrepris de faire traiter By-
ron, après sa mort, un peu mieux qu'il ne l'a
été pendant sa vie.
En France, on croit que les gens de lettres
se font comme les nèfles...
Sur la paille.
' En Angleterre, siByron n'avait pas été lord,
et riche, et d'une si mordante verlu, on l'eût
sans doute traité avec notre sans-gêne ordi-
naire.
L'auteur de Don Juan, heureusement pour
lui, n'était point obligé de chercher un asile
dans ces bouges que la charité anglaise ap-
pelle des work-houses.
Singulière destinée que celle de cet homme
de génie qui écrivait au début de sa carrière :
« Je suis un animal solitaire et si parfaite-
ment cosmopolite, qu'il m'est indifférent de
passer ma vie dans la Grande-Bretagne ou
dans le Kamtchatka! »
Et qui alla s'enfermer et mourir dans les
boues de Missolonghi pour l'amour de la
liberté!
Nous ne reverrons pas de sitôt des poètes
mourir pour une cause semblable I
Maigre succès, du reste, pour selui qui sa-
crifie ainsi sa vie !
Byron, longtemps exécré par la noblesse
anglaise, ne trouva point même grâce à ses
yeux après sa mort.
Nul homme, il est vrai, ne foula jamais aux
pieds avec plus de désinvolture le cant et les
cent mille préjugés anglais sur ce qui est
respectable et ce qui ne l'est pas.
11 paraît qu'on est un peu revenu aujour-
d'hui sur son compte : il aura sa statue, —
peut-être même l'admettra-t-on à Westmins-
ter dans le coin des poètes, (poèt's corner).
Mais, au fond des cœurs, il restera toujours,
en Angleterre, un peu de haine et d'aigreur
contre ce fier esprit!
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Quoi d'étonnant dans un pays où l'impôt de
la poudre pour les cheveux rapporte au bud-