LE GRELOT
LA SEMAINE
LE RETOUR DES RÉSERVISTES.
N° i.
Chez Cora.
(On sonne. Entre au bout de cinq minutes Adèle,
la femme de chambre.
adèle.
Madame!... madame!...
cora, se soulevant à demi sur son canapé.
Eh bien?... eh bien? Qu'est-ce qu'il y a?...
et pourquoi cet air tout effarouché?... Est-ce
que Boule-de-Coco, mon singe du Brésil, est
parti?
adèle.
Non, madame... c'est monsieur qui vient
d'arriver I
cora.
monsieur?... Tiens... septembre est donc
fini?... Je ne m'en doutais pas... fais entrer
ce grand serin... faut espérer que le ben air
l'aura un peu engraissé. Ah! Dieu!.,. Quelle
scie!... j'étais si tranquille !...
(Entre Monsieur. Tenue très-correcte, aspect
légèrement railleur, mais poli).
cora.
C'est toi, Charles?... ah! ça me fait fière-
ment plaisir de te revoir !... assieds-toi donc
là... près de moi...
charles.
Merci.
cora, à part.
C'est drôle... il me paraît mieux qu'avant.
Charles, tirant un portefeuille.
Chère amie, voilà cinquante louis que je te
prie d'accepter.
cora.
Ahl c'est gentil, ça... assieds-toi donc.
charles.
Non, merci.
cora.
Pourquoi?
charles.
Parce que je m'en vais.
cora.
Pour combien de temps?
charles.
Pour l'éternité.
cora.
En v'ià une idée !...
charles.
On m'a appris là-bas qu'il y avait autre chose
à faire pour moi que de promener ton Hava-
nais et de te mener aux courses. Ma gomme a
fondu... et je vais travailler.
cora.
Tu vas faire quelque chose.
charles.
Non... je vais être quelqu'un. Adieu.
cora.
Bonsoir (Charles sort.) Il est encore plus
bête qu'avant !
N" 2.
Une chambre d'ouvrier.
(On frappe. Une pauvre femme qui marque des
chemises à la lueur d'une chandelle, se lève. Deux
petits enfants dorment dans un berceau).
louise.
Qui est là?
Jacques, en dehors.
C'est moi!... ouvre!... moi, Jacques!...
ton mari !... de retour du camp !...
louise.
Lui!... pourvu qu'il n'aille pas me battre
comme il faisait toujours en rentrant!... Heu-
reusement les petits dorment... ils ne le
verront pas...
(Elle va. ouvrir en tremblant. Entre Jacques qui
prend sa femme dans ses bras et l'embrasse
comme un fou.)
louise.
Eh bien... qu'est-ce que tu fais donc ?...
Jacques !... qu'est-ce que tu fais donc ?...
JACQUES.
Je t'aime!... où sont les mioches?...
louise.
Là.,, ne fais pas de bruit... le petit a toussé
toute la journée...
Jacques, avec des larmes pie in les yeux.
Pauvre chéri!... dire qu'il y a un mois que
je n'ai vu ces adorations-là!... c'est grand
comme une pièce de quatre sous et on ne peut
pas s'en passer!...
Louise, avec surprise.
Mais je ne te reconnais plus... Jacques...
toi qui étais parfois si dur avec moi !... c'est-y
Dieu possible que tu sois comme çà à pré-
sent!... De quoi donc qu'on t'a parlé là-
bas !
jacques.
Du devoir, femme !... Mais il fait une soif,
ici !...
louise.
Veux-tu ton absinthe ?...
JACQUES.
Donne-moi un verre d'eau.
LOUISE.
Ah ! je t'aimais bien!... mais, maintenant...
je crois que je t'adore !...
N°3
CHEZ LE BARON DE BRUSCAN-BILLE.
le baron.
Victor!... Victor!... dites-moi un peu ce
que fait cet animal-là depuis hier qu'il est
revenu du camp?... Victor!...
VICTOR.
Voilà, monsieur le baron.
le baron.
Mon chocolat!
victoî».
Le voilà, monsieur le baron.
le baron, goûtant.
Tiens... il est meilleur qu'avant votre dé-
part... vous l'avez pris plus cher?
victor.
Non, monsieur le baron.
le baron, goûtant.
Alors, je ne m'explique pas...
victor.
Je vais vous dire... avant d'aller là-bas...
j'avais de drôles d'idées sur la propriété... des
autres... je croyais que mettre deux sous par
tablettes dans ma poche.... ça n'était pas
voler... mais mon sergent., un fameux lapin!.,
qui est de mon pays, m'a confessé tous les
matins après l'exercice, et dame, il m'a fait
voir, clair comme le jour, que je n'étais qu'un
gredin. Si bien que me voilà guéri, monsieur
le baron. Quant à votre vin... n, i, ni, c'est
fini.... je me mets au coco !...
(Le baron anéanti de surprise, tombe évanoui
dans son fauteuil.)
*
# #
Allons, allons !... il y a du bon dans la
réserve.
N'est-ce pas, camarades ?
NICOLAS FLAMMÈCHE.
LES QUATRE PIEDS
On leur en a laissé prendre un.
Eh bien !
Ils sont en train de prendre les trois au-
tres.
Et ils y arriveront !
C'est des catholiques que je parle, et de
leurs universités.
On leur a permis de dire tout ce qu'ils vou-
draient dans leurs facultés, — et Dieu sait si
si nous allons en voir de belles :
Cela ne leur suffit plus.
Aujourd'hui ils veulent des privilèges.
Ils ont l'intention, paraît-il, de demander à
la Chambre à ce que leurs professeurs soient
exemptés du service militaire.
Comment donc!
On devrait non-seulement les exempter du
service militaire, mais encore leur donner la
médaille du même nom,
Et une pension de retraite,
Et le droit d'aller mourir aux Invalides !
Et si on leur accorde leur exemption du
service militaire, ils auraient bien tort de
borner là leurs exigences.
Qu'ils demandeut seulement,
Il n'est rien de tel pour obtenir.
Un de ces jours, nous verrons dans les jour-
naux ultramontains des annonces ainsi con-
çues :
On DEMANDE un professeur d'histoire
sainte à l'Université libre d'Angers, on y est
nourri» logé, chauflé, blanchi, 12,000 francs
d'appointements ; et après quinze ans de ser-
vice, on a droit, conformément à la loi du
1S juillet 187., à un faisan truffé tous les ma-
tins et à un siège au Sénat avec un traitement
y attaché.
Mon Dieu!
Au prix qu'est le beurre!
ZED.
------ »9€>-<ai- —-.__
FEUILLES AU VENT
C'est terrible à penser !
Les catholiques ont un traîlre parmi eux !
^ Et ce qu'il y a de pire, — c'est que ce traître
n'est pas un simple mortel :
C'est un évêque !
Horrible, mes amis, — où la trahison va-t-
elle se nicher !
Disons-le tout de suite, cet évêque n'est
autre que l'évêque de Rodez !
* »
Oui 1 il paraît que ce prélat vient de publier
une pastorale dans laquelle il met ses ouailles
en garde contre les apparitions, visions et au-
tres scènes fantasmagoriques dans lesquelles
on fait jouer à la Vierge et aux Saints des rôles
qu'ils n'ont jamais songé à prendre.
Il est, en effet, peu de mois qui se passent
sans qu'on ne lise dans la Semaine, religieuse
ou le Rosier de Marie le récit de manifestations
surnaturelles : à tous les changements de lune,
la Sainte Vierge apparaît à des pâtres au-des-
sous de douze ans et à des garrieuses de chè-
vres du même âge, — et on voit bieUOt s'é-
lever à l'endroit où elle a daigné se montrer,
des établissements d'eaux nullement miné-
rales, mais qui ne s'en vendent pas moins cher
dans le commerce.
*
* *
Par hasard, il est arrivé que l'évêque de
Rodez a trouvé que, grâce à ces apparitions
répétées, la religion finissait par prendre un
peu trop le caractère d'une société indus-
trielle.
Et il l'a dit !
Le misérable !
Aussitôt on cria : Haro ! sur le... prélat.
Et voilà qu'aujourd'hui on veut lui faire
donner sa démission !
Pauvre évêque de Rodez !
Il devait, cependant, bien savoir à quoi il
s'exposait.
On ne fait pas en vain de ces escapades !
*
* *
Balzac, étant un jour avec quelques intimes,
leur racontait ceci :
— Vous ne savez pas ce qui m'arrive,
hein ?
Je fais établir sur le bord de ma fenêtre une
boîte bien pleine de terre de bruyère.
Je fume ma terre.
A l'époque convenable, j'y sème des pois
de senteur, des capucines, des volubilis !...
J'arrose chaque soir, après le coucher du
soleil 1
Revue de l'Exposition internationale
des industries
MARITIMES ET FLUVIALES
ET
De la section française des principaux
articles d'exportation.
(suite.)
En attendant l'arrivée de la famille Chaumontel, je
me laissais aller à quelques réflexions sur les exposi-
tions en général, et sur celles faites à Paris en parti-
culier, Je pensais que' l'industrie parisienne ne se
contente pas de fabriquer des objets utiles et confor-
tables, il fau t encore que l'élégance et la perfection
de la forme viennent dissimuler les imperfections na-
turelles de ces objets, en faisant valoir leurs avanta-
ges. Partout on s'arrête aux limites du nécessaire; à
Paris, il faut aller plus loin : quelque avantage que
présente un objet, si son aspect ne flatte pas l'œil, s'il
ne vous attire pas à lui, il est imparfait. La vue des
toupies de M. Kaleski me suggérait ces méditations
profondes. Qu'il y a loin, grands dieux! de l'humble
toupie dont se délectaient nos jeunes années, à cette
brillante Toupie prolifère qui, sitôt qu'elle est en
marche, en pond aussitôt cinq ou six autres, toutes
animées du même mouvement de rotation.
Et combien d'autres menus objets qui, considérés
par le détail, prouvent que le propre de l'industrie pa-
risienne est de ne prendre pour guide que sa fantai-
sie, de ne considérer aucune règle comme immuable,
de quitter pour une autre, et sans regret, la voie qu'elle
a parcourue, en un mot, de chercher, chercher tou-
jours. Dans cette manche perpétuelle en avant, il ar-
rive parfois qu'un voyageur s'égare, mais le gros de
la caravane continue toujours sa route à la recherche
de la perfection. Les formes les plus fantaisistes et
les plus gracieuses à la fois, sont la véritable expres-
sion du génie parisien ; partout ailleurs, on peut ren-
contrer de bons praticiens, d'excellents ouvriers et
de grands artistes : à Paris, l'industriel réunit toutes
ces qualités, et tout en faisant du métier, il sait tou-
jours tirer parti de l'art.
Ainsi pensais-je en parcourant l'Exposition. Dans
toute la section française, on voit le goût présider à
la confection des objets exposés, même des plus insi-
gnifiants et des plus communs, et en même temps, je
considérais par son ensemble la masse colossale des
objets de toute nature concentrés dans l'immense
vaisseau du Palais de l'Industrie. Il faut avoir vu de
près et à l'œuvre tout le personnel de l'organisation
pour constater la somme d'intelligente activité qu'il
a fallu dépenser pour mener à bien une installation
si gigantesque. Mais il est juste de dire aussi que
M. Nicole a été puissamment secondé. Parmi le nom-
breux personnel qui l'entoure, nous devons surtout
citer MM. Lebœuf et Vivant. Le premier est un jeune
architecte qui a su déployer un zèle infini pour par-
venir à classer, à sectionner, à caser plus de trois
mille exposants. M. Lebœuf est, certes, un de ces
hommes bien rares, qui savent allier un grand talent
à la plus complète modestie.
M. Vivant est l'ingénieur qui a organisé la section
des machines. C'est à lui qu'est due l'installation de
ces moteurs puissants qui mettent en mouvement la
forêt d'engins de tous genres qui peuplent la nef du
Sud, et vraiment, on est effrayé, en voyant la quantité
de science active que M. Vivant a dû déployer pour
installer en de si brefs délais, ces chefs-d'œuvre de
mécanique gros comme d--s maisons, qui manœuvrent
avec la précision d'un chronomètre.
Avec des auxiliaires tels que MM. Lebœut et Vivant,
M. Nicole peut, quand même et n'importe quand, or-
ganiser l'exposition qu'il voudra.
Voici venir la famille Chaumontel.
Chaumontel s'excuse du léger retard qu'il a ap-
porté à notre rendez-vous.
— J'ai rencontré, dit-il, mon ami Charvas.
— Quel est cet ami?
— C'est le représentant de la maison Ferrand, de
Bordeaux, et je n'ai pu résister au plaisir d'entendre
sa description plantureuse de tous les excellents pro-
duits qui sortent de cette maison. J'ai la tète encore
farcie d'une nomenclature où se heurtent les Haut-
Brion, les Chdteau-Latour, les Gruaud-Laroze, les
Chàteau-Yquem, et tous ces crus innommés des co-
teaux de la Gironde, vins généreux, élégants, fins, ex-
quis, pleins de chaleur, enfin des vins de France,
quoi !
— Chaumontel, répliquai-je sévèrement, et la Bour-
gogne?
Mon ami oubliait qu'il parlait à un des plus francs
Bourguignons qui soient nés entre Chalon-sur-Saône
et Joigny.
— Mais mon ami Charvas, représentant de la mai-
son Ferrand de Bordeaux, reprit Chaumontel, vous
vendra aussi du Bourgogne, du Moulin-à-Vent et du
Beaune, du Pomard et du Corton, du Nuits et du
Volnay, du Chablis et du Meursault, du Montrachet
et du Fleury, du...
— Assez, dit madame Chaumontel; vous retour-
nerez voir M. Charvas, représentant de la maison Fer-
rand de Bordeaux* et vous causerez longuement avec
lui.
Puis, s'adressant à moi, l'excellente dame me dit :
—> Nous avons retardé de quinze jours notre voyage
à la campagne pour visiter dans tous ses détails cette
exposition dont vous nous faiteti si gracieusement les
honneurs.
Je rougis de satisfaction, et nous reprîmes le cours
de nos pérégrinations.
La section anglaise, que nous avions trop rapide-
ment visitée la veille, fut notre point de départ, et
nous eûmes la bonne chance de rencontrer l'obligeant
M. Meinhart, qui, avec la grâce et la courtoisie d'un
gentleman accompli, nous guida dans sa section, en
nous signalant les expositions les plus intéressantes.
C'est à celle de l'amirauté anglaise que nous don-
nons le premier coup d'œil.
Nous voyons d abord le modèle du Royal-George ,
vaisseau de ligne à voiles, de 100 canons, jaugeant
2,041 tonnes, et lancé en 1788. En 1782, l'amiral
Kempenfelt, avec huit cents hommes à son bord,
coula à Spithead. Sur les dimensions du navire dé-
truit, qui s'appelait Royal-George, un autre vaisseau
lut construit, auquel on donna le même nom. C'est le
modèle de ce dernier qui est exposé, et c'est bien ici
le cas de dire que la proue est royalement sculptée. Un
groupe de chevaux fougueux, contenus par des
écuyers bottés et éperonnés, bat l'air de ses pieds im-
patients. La mythologie, en ce temps-là, allait se per-
cher partout. C'était le bon temps où, comme le dit
notre ami Fabius Boitai, dans son Ode à la mer,
Neptune assemblait ses troupeaux.
Mais quelle différence entre ce vaisseau, haut de bord,
chargé de toile, ventru de carène, et le Howe! Le
Howe est un vaisseau de ligne en bois, à trois ponts et
à hélice; il porte 121 canons, il jauge 4,245 tonnes,
et sa force nominale est de 1,000 chevaux ; cependant,
vu l'époque déjà reculée de sa construction à Pem-
broke, il n'a pas la gracieuseté logique dans les for-
mes, et l'utilité pratique dans les organes que l'on
peut remarquer dans le Monarch, superbe vaisseau à
tourelle en pleine mer, d'un tonnage de 8,322 tonnes,
d'une força nominale de 7,842 chevaux. Le Monarch
a été construit à Chatham, et il présente dans ses
proportions et dans la pondération de ses lignes de
construction un équilibre et une force qui, nous de-
vons l'avouer, sont égalés par le Glatton, garde-côtes
à tourelles de deux canons et de 2,700 tonnes. Le
Glalton a été aussi construit à Chatham ; sa force est
de 200 chevaux.
Voici le Staunch, petite canonnière pour la défense
des ports, portant à son arrière un canon de 12 tonnes
bOO, lançant un projectile de foO kilog.
Tous les modèles que nous venons devoir indiquent
les changements effectués dans la marine de la Grande-
Bretagne depuis le siècle dernier. Le Royal-George
et le Howe montrent les différences de construction
qui ont existé dans les vaisseaux en bois avant l'a-
doption des cuirasses, le Monarch, le Glatton et le
Staunch, spécimens des navires et embarcations
construites pour le large et la défense des côtes, mon-
trent les perfectionnements obtenus par le moyen du
blindage. Nous remarquons ensuite toujours dans
l'exposition de l'amirauté, les demi-modèles des fré-
gates et des canonnières suivantes : Galatée, frégate
à hélice, que commande le duc d'Edimbourg; Aré-
thuse, frégate à voile de bO canons, Lord Wardent
LA SEMAINE
LE RETOUR DES RÉSERVISTES.
N° i.
Chez Cora.
(On sonne. Entre au bout de cinq minutes Adèle,
la femme de chambre.
adèle.
Madame!... madame!...
cora, se soulevant à demi sur son canapé.
Eh bien?... eh bien? Qu'est-ce qu'il y a?...
et pourquoi cet air tout effarouché?... Est-ce
que Boule-de-Coco, mon singe du Brésil, est
parti?
adèle.
Non, madame... c'est monsieur qui vient
d'arriver I
cora.
monsieur?... Tiens... septembre est donc
fini?... Je ne m'en doutais pas... fais entrer
ce grand serin... faut espérer que le ben air
l'aura un peu engraissé. Ah! Dieu!.,. Quelle
scie!... j'étais si tranquille !...
(Entre Monsieur. Tenue très-correcte, aspect
légèrement railleur, mais poli).
cora.
C'est toi, Charles?... ah! ça me fait fière-
ment plaisir de te revoir !... assieds-toi donc
là... près de moi...
charles.
Merci.
cora, à part.
C'est drôle... il me paraît mieux qu'avant.
Charles, tirant un portefeuille.
Chère amie, voilà cinquante louis que je te
prie d'accepter.
cora.
Ahl c'est gentil, ça... assieds-toi donc.
charles.
Non, merci.
cora.
Pourquoi?
charles.
Parce que je m'en vais.
cora.
Pour combien de temps?
charles.
Pour l'éternité.
cora.
En v'ià une idée !...
charles.
On m'a appris là-bas qu'il y avait autre chose
à faire pour moi que de promener ton Hava-
nais et de te mener aux courses. Ma gomme a
fondu... et je vais travailler.
cora.
Tu vas faire quelque chose.
charles.
Non... je vais être quelqu'un. Adieu.
cora.
Bonsoir (Charles sort.) Il est encore plus
bête qu'avant !
N" 2.
Une chambre d'ouvrier.
(On frappe. Une pauvre femme qui marque des
chemises à la lueur d'une chandelle, se lève. Deux
petits enfants dorment dans un berceau).
louise.
Qui est là?
Jacques, en dehors.
C'est moi!... ouvre!... moi, Jacques!...
ton mari !... de retour du camp !...
louise.
Lui!... pourvu qu'il n'aille pas me battre
comme il faisait toujours en rentrant!... Heu-
reusement les petits dorment... ils ne le
verront pas...
(Elle va. ouvrir en tremblant. Entre Jacques qui
prend sa femme dans ses bras et l'embrasse
comme un fou.)
louise.
Eh bien... qu'est-ce que tu fais donc ?...
Jacques !... qu'est-ce que tu fais donc ?...
JACQUES.
Je t'aime!... où sont les mioches?...
louise.
Là.,, ne fais pas de bruit... le petit a toussé
toute la journée...
Jacques, avec des larmes pie in les yeux.
Pauvre chéri!... dire qu'il y a un mois que
je n'ai vu ces adorations-là!... c'est grand
comme une pièce de quatre sous et on ne peut
pas s'en passer!...
Louise, avec surprise.
Mais je ne te reconnais plus... Jacques...
toi qui étais parfois si dur avec moi !... c'est-y
Dieu possible que tu sois comme çà à pré-
sent!... De quoi donc qu'on t'a parlé là-
bas !
jacques.
Du devoir, femme !... Mais il fait une soif,
ici !...
louise.
Veux-tu ton absinthe ?...
JACQUES.
Donne-moi un verre d'eau.
LOUISE.
Ah ! je t'aimais bien!... mais, maintenant...
je crois que je t'adore !...
N°3
CHEZ LE BARON DE BRUSCAN-BILLE.
le baron.
Victor!... Victor!... dites-moi un peu ce
que fait cet animal-là depuis hier qu'il est
revenu du camp?... Victor!...
VICTOR.
Voilà, monsieur le baron.
le baron.
Mon chocolat!
victoî».
Le voilà, monsieur le baron.
le baron, goûtant.
Tiens... il est meilleur qu'avant votre dé-
part... vous l'avez pris plus cher?
victor.
Non, monsieur le baron.
le baron, goûtant.
Alors, je ne m'explique pas...
victor.
Je vais vous dire... avant d'aller là-bas...
j'avais de drôles d'idées sur la propriété... des
autres... je croyais que mettre deux sous par
tablettes dans ma poche.... ça n'était pas
voler... mais mon sergent., un fameux lapin!.,
qui est de mon pays, m'a confessé tous les
matins après l'exercice, et dame, il m'a fait
voir, clair comme le jour, que je n'étais qu'un
gredin. Si bien que me voilà guéri, monsieur
le baron. Quant à votre vin... n, i, ni, c'est
fini.... je me mets au coco !...
(Le baron anéanti de surprise, tombe évanoui
dans son fauteuil.)
*
# #
Allons, allons !... il y a du bon dans la
réserve.
N'est-ce pas, camarades ?
NICOLAS FLAMMÈCHE.
LES QUATRE PIEDS
On leur en a laissé prendre un.
Eh bien !
Ils sont en train de prendre les trois au-
tres.
Et ils y arriveront !
C'est des catholiques que je parle, et de
leurs universités.
On leur a permis de dire tout ce qu'ils vou-
draient dans leurs facultés, — et Dieu sait si
si nous allons en voir de belles :
Cela ne leur suffit plus.
Aujourd'hui ils veulent des privilèges.
Ils ont l'intention, paraît-il, de demander à
la Chambre à ce que leurs professeurs soient
exemptés du service militaire.
Comment donc!
On devrait non-seulement les exempter du
service militaire, mais encore leur donner la
médaille du même nom,
Et une pension de retraite,
Et le droit d'aller mourir aux Invalides !
Et si on leur accorde leur exemption du
service militaire, ils auraient bien tort de
borner là leurs exigences.
Qu'ils demandeut seulement,
Il n'est rien de tel pour obtenir.
Un de ces jours, nous verrons dans les jour-
naux ultramontains des annonces ainsi con-
çues :
On DEMANDE un professeur d'histoire
sainte à l'Université libre d'Angers, on y est
nourri» logé, chauflé, blanchi, 12,000 francs
d'appointements ; et après quinze ans de ser-
vice, on a droit, conformément à la loi du
1S juillet 187., à un faisan truffé tous les ma-
tins et à un siège au Sénat avec un traitement
y attaché.
Mon Dieu!
Au prix qu'est le beurre!
ZED.
------ »9€>-<ai- —-.__
FEUILLES AU VENT
C'est terrible à penser !
Les catholiques ont un traîlre parmi eux !
^ Et ce qu'il y a de pire, — c'est que ce traître
n'est pas un simple mortel :
C'est un évêque !
Horrible, mes amis, — où la trahison va-t-
elle se nicher !
Disons-le tout de suite, cet évêque n'est
autre que l'évêque de Rodez !
* »
Oui 1 il paraît que ce prélat vient de publier
une pastorale dans laquelle il met ses ouailles
en garde contre les apparitions, visions et au-
tres scènes fantasmagoriques dans lesquelles
on fait jouer à la Vierge et aux Saints des rôles
qu'ils n'ont jamais songé à prendre.
Il est, en effet, peu de mois qui se passent
sans qu'on ne lise dans la Semaine, religieuse
ou le Rosier de Marie le récit de manifestations
surnaturelles : à tous les changements de lune,
la Sainte Vierge apparaît à des pâtres au-des-
sous de douze ans et à des garrieuses de chè-
vres du même âge, — et on voit bieUOt s'é-
lever à l'endroit où elle a daigné se montrer,
des établissements d'eaux nullement miné-
rales, mais qui ne s'en vendent pas moins cher
dans le commerce.
*
* *
Par hasard, il est arrivé que l'évêque de
Rodez a trouvé que, grâce à ces apparitions
répétées, la religion finissait par prendre un
peu trop le caractère d'une société indus-
trielle.
Et il l'a dit !
Le misérable !
Aussitôt on cria : Haro ! sur le... prélat.
Et voilà qu'aujourd'hui on veut lui faire
donner sa démission !
Pauvre évêque de Rodez !
Il devait, cependant, bien savoir à quoi il
s'exposait.
On ne fait pas en vain de ces escapades !
*
* *
Balzac, étant un jour avec quelques intimes,
leur racontait ceci :
— Vous ne savez pas ce qui m'arrive,
hein ?
Je fais établir sur le bord de ma fenêtre une
boîte bien pleine de terre de bruyère.
Je fume ma terre.
A l'époque convenable, j'y sème des pois
de senteur, des capucines, des volubilis !...
J'arrose chaque soir, après le coucher du
soleil 1
Revue de l'Exposition internationale
des industries
MARITIMES ET FLUVIALES
ET
De la section française des principaux
articles d'exportation.
(suite.)
En attendant l'arrivée de la famille Chaumontel, je
me laissais aller à quelques réflexions sur les exposi-
tions en général, et sur celles faites à Paris en parti-
culier, Je pensais que' l'industrie parisienne ne se
contente pas de fabriquer des objets utiles et confor-
tables, il fau t encore que l'élégance et la perfection
de la forme viennent dissimuler les imperfections na-
turelles de ces objets, en faisant valoir leurs avanta-
ges. Partout on s'arrête aux limites du nécessaire; à
Paris, il faut aller plus loin : quelque avantage que
présente un objet, si son aspect ne flatte pas l'œil, s'il
ne vous attire pas à lui, il est imparfait. La vue des
toupies de M. Kaleski me suggérait ces méditations
profondes. Qu'il y a loin, grands dieux! de l'humble
toupie dont se délectaient nos jeunes années, à cette
brillante Toupie prolifère qui, sitôt qu'elle est en
marche, en pond aussitôt cinq ou six autres, toutes
animées du même mouvement de rotation.
Et combien d'autres menus objets qui, considérés
par le détail, prouvent que le propre de l'industrie pa-
risienne est de ne prendre pour guide que sa fantai-
sie, de ne considérer aucune règle comme immuable,
de quitter pour une autre, et sans regret, la voie qu'elle
a parcourue, en un mot, de chercher, chercher tou-
jours. Dans cette manche perpétuelle en avant, il ar-
rive parfois qu'un voyageur s'égare, mais le gros de
la caravane continue toujours sa route à la recherche
de la perfection. Les formes les plus fantaisistes et
les plus gracieuses à la fois, sont la véritable expres-
sion du génie parisien ; partout ailleurs, on peut ren-
contrer de bons praticiens, d'excellents ouvriers et
de grands artistes : à Paris, l'industriel réunit toutes
ces qualités, et tout en faisant du métier, il sait tou-
jours tirer parti de l'art.
Ainsi pensais-je en parcourant l'Exposition. Dans
toute la section française, on voit le goût présider à
la confection des objets exposés, même des plus insi-
gnifiants et des plus communs, et en même temps, je
considérais par son ensemble la masse colossale des
objets de toute nature concentrés dans l'immense
vaisseau du Palais de l'Industrie. Il faut avoir vu de
près et à l'œuvre tout le personnel de l'organisation
pour constater la somme d'intelligente activité qu'il
a fallu dépenser pour mener à bien une installation
si gigantesque. Mais il est juste de dire aussi que
M. Nicole a été puissamment secondé. Parmi le nom-
breux personnel qui l'entoure, nous devons surtout
citer MM. Lebœuf et Vivant. Le premier est un jeune
architecte qui a su déployer un zèle infini pour par-
venir à classer, à sectionner, à caser plus de trois
mille exposants. M. Lebœuf est, certes, un de ces
hommes bien rares, qui savent allier un grand talent
à la plus complète modestie.
M. Vivant est l'ingénieur qui a organisé la section
des machines. C'est à lui qu'est due l'installation de
ces moteurs puissants qui mettent en mouvement la
forêt d'engins de tous genres qui peuplent la nef du
Sud, et vraiment, on est effrayé, en voyant la quantité
de science active que M. Vivant a dû déployer pour
installer en de si brefs délais, ces chefs-d'œuvre de
mécanique gros comme d--s maisons, qui manœuvrent
avec la précision d'un chronomètre.
Avec des auxiliaires tels que MM. Lebœut et Vivant,
M. Nicole peut, quand même et n'importe quand, or-
ganiser l'exposition qu'il voudra.
Voici venir la famille Chaumontel.
Chaumontel s'excuse du léger retard qu'il a ap-
porté à notre rendez-vous.
— J'ai rencontré, dit-il, mon ami Charvas.
— Quel est cet ami?
— C'est le représentant de la maison Ferrand, de
Bordeaux, et je n'ai pu résister au plaisir d'entendre
sa description plantureuse de tous les excellents pro-
duits qui sortent de cette maison. J'ai la tète encore
farcie d'une nomenclature où se heurtent les Haut-
Brion, les Chdteau-Latour, les Gruaud-Laroze, les
Chàteau-Yquem, et tous ces crus innommés des co-
teaux de la Gironde, vins généreux, élégants, fins, ex-
quis, pleins de chaleur, enfin des vins de France,
quoi !
— Chaumontel, répliquai-je sévèrement, et la Bour-
gogne?
Mon ami oubliait qu'il parlait à un des plus francs
Bourguignons qui soient nés entre Chalon-sur-Saône
et Joigny.
— Mais mon ami Charvas, représentant de la mai-
son Ferrand de Bordeaux, reprit Chaumontel, vous
vendra aussi du Bourgogne, du Moulin-à-Vent et du
Beaune, du Pomard et du Corton, du Nuits et du
Volnay, du Chablis et du Meursault, du Montrachet
et du Fleury, du...
— Assez, dit madame Chaumontel; vous retour-
nerez voir M. Charvas, représentant de la maison Fer-
rand de Bordeaux* et vous causerez longuement avec
lui.
Puis, s'adressant à moi, l'excellente dame me dit :
—> Nous avons retardé de quinze jours notre voyage
à la campagne pour visiter dans tous ses détails cette
exposition dont vous nous faiteti si gracieusement les
honneurs.
Je rougis de satisfaction, et nous reprîmes le cours
de nos pérégrinations.
La section anglaise, que nous avions trop rapide-
ment visitée la veille, fut notre point de départ, et
nous eûmes la bonne chance de rencontrer l'obligeant
M. Meinhart, qui, avec la grâce et la courtoisie d'un
gentleman accompli, nous guida dans sa section, en
nous signalant les expositions les plus intéressantes.
C'est à celle de l'amirauté anglaise que nous don-
nons le premier coup d'œil.
Nous voyons d abord le modèle du Royal-George ,
vaisseau de ligne à voiles, de 100 canons, jaugeant
2,041 tonnes, et lancé en 1788. En 1782, l'amiral
Kempenfelt, avec huit cents hommes à son bord,
coula à Spithead. Sur les dimensions du navire dé-
truit, qui s'appelait Royal-George, un autre vaisseau
lut construit, auquel on donna le même nom. C'est le
modèle de ce dernier qui est exposé, et c'est bien ici
le cas de dire que la proue est royalement sculptée. Un
groupe de chevaux fougueux, contenus par des
écuyers bottés et éperonnés, bat l'air de ses pieds im-
patients. La mythologie, en ce temps-là, allait se per-
cher partout. C'était le bon temps où, comme le dit
notre ami Fabius Boitai, dans son Ode à la mer,
Neptune assemblait ses troupeaux.
Mais quelle différence entre ce vaisseau, haut de bord,
chargé de toile, ventru de carène, et le Howe! Le
Howe est un vaisseau de ligne en bois, à trois ponts et
à hélice; il porte 121 canons, il jauge 4,245 tonnes,
et sa force nominale est de 1,000 chevaux ; cependant,
vu l'époque déjà reculée de sa construction à Pem-
broke, il n'a pas la gracieuseté logique dans les for-
mes, et l'utilité pratique dans les organes que l'on
peut remarquer dans le Monarch, superbe vaisseau à
tourelle en pleine mer, d'un tonnage de 8,322 tonnes,
d'une força nominale de 7,842 chevaux. Le Monarch
a été construit à Chatham, et il présente dans ses
proportions et dans la pondération de ses lignes de
construction un équilibre et une force qui, nous de-
vons l'avouer, sont égalés par le Glatton, garde-côtes
à tourelles de deux canons et de 2,700 tonnes. Le
Glalton a été aussi construit à Chatham ; sa force est
de 200 chevaux.
Voici le Staunch, petite canonnière pour la défense
des ports, portant à son arrière un canon de 12 tonnes
bOO, lançant un projectile de foO kilog.
Tous les modèles que nous venons devoir indiquent
les changements effectués dans la marine de la Grande-
Bretagne depuis le siècle dernier. Le Royal-George
et le Howe montrent les différences de construction
qui ont existé dans les vaisseaux en bois avant l'a-
doption des cuirasses, le Monarch, le Glatton et le
Staunch, spécimens des navires et embarcations
construites pour le large et la défense des côtes, mon-
trent les perfectionnements obtenus par le moyen du
blindage. Nous remarquons ensuite toujours dans
l'exposition de l'amirauté, les demi-modèles des fré-
gates et des canonnières suivantes : Galatée, frégate
à hélice, que commande le duc d'Edimbourg; Aré-
thuse, frégate à voile de bO canons, Lord Wardent