LE GRELOT
LA SEMAINE
On a beaucoup parlé cette semaine.
Parmi les morceaux d'éloquence qui se sont
fait le plus remarquer, il faut citer le discours
du petit père Rouher
J'avoue qu'il est impossible de rien trouver
de plus réussi.
C'est tout bêtement délicieux.
11 y a des mots charmants et, par-dessus
tout, une grande gaieté.
L'ensemble est de la plus aimable folie.
Le petit père Rouher parlant des lourdes
responsabilités du gouvernement actuel a été
sublime.
Le sublime du cocasse, par exempte.
Mais ne l'atteint pas qui veutl
Voyez-vous d'ici l'homme du régime qui a
mené la France à Sedan en passant par le
Mexique nous parlant de lourdes responsabi-
lités?
Farceur, va!
*
M. Gambetta a écrit,
M. Naquet a parlé,
M. Thiers a parlé.
Bref tout indique que nous allons assister à
une série de séances des plus intéressantes.
C'est le commerce et l'industrie qui sont
contents!
*
C'est dans cette semaine que va rouvrir le
grand théâtre de Versailles.
Machinistes, peintres et décorateurs travail-
lent, du reste, avec la plus louable activité,
sous la haute direction du régisseur général
lîaze.
L'aimable questeur n'a pas un instant de
repos.
(Semblable à l'ancien Solitaire, du vicomte
d'Àrlincourt,
M. Baze est partout, entend tout et voit
tout.
Il pèse les morceaux de sucre, emmagasine
le combustible, fait les lampes, s'informe si
le sac aux interruptions est convenablement
garni, s'occupe enfin avec la plus dévorante
activité de tout ce qui concerne son état.
Brave et digne homme !
Et toujours aimable, gai, souriant, selon son
habitude.
Les années passent sur son inaltérable gaieté
sans y déposer une ride.
Quel veinard!
Je causais dernièrement de la nouvelle ses-
sion qui va s'ouvrir avec le marchand de mar-
rons du coin de ma rue.
Cet industriel, quoique doué d'un fort ac-
cent auvergnat, n'est pas un imbécile.
—Ah 1 monsieur, me disait-il, j'ai bien peur
que l'hiver ne soit dur à passer pour nous.
— Comment cela?
— Il parait que tout va aller de mal en pis.
— Bah!
—Je causais avant-hierde cela avec le porteur
d'eau de M. Rouher, mon compatriote, il pa-
raît que si cela continue le public ne se nour-
rira cette année que des boulettes que confec-
tionneront nos députés.
— En vérité !
■— Quant aux marrons, bonsoir J... le mar-
ron implique la bouteille de cidre et le calme
parfait de l'esprit. On n'a pas le cœur à la joie
quand on songe que M. Du Temple n'est pas
content du maréchal, voyez-vous.
— Le fait est que M. Du Temple n'est guère
commode !
— Ni les autres non plus. Si on se cha-
maille encore là-bas , qu'est-ce que nous
allons devenir ?
— Rassurez-vous, mon brave. Il y a une
chose qui sauvera tout, c'est le bon sens
public.
— Vous y croyez, vous ?
— Dame !...
— Avez-vous de la chance !...
— Et puis il y a le patriotisme !...
A. ees mots mon interlocuteur partit d'un
éclat de rire formidable.
Je jugeai que décidément ce n'était point
une bête.
* «
— Eh bien, et les universités libres, voyons,
où en sommes-nous?
— Ça ne va pas mal, merci:., et vous ?
— Moi de même. Est-ce que vous croyez à
un four ?
— J'en ai peur.
— Bah!
— Si j'en juge par la dernière letlre de Mon-
seigneur de Toulouse, il paraîtrait qu'on a tout
ce qu'il faut pour commencer... excepté les
professeurs et les élèves.
— Comment cela ?
— Oui... les professeurs se font tirer l'o-
reille et les élèves qu'où se propose de faire
coucher tous les soirs à dix heures, la trou-
vent mauvaise.
— El que propose monseigneur pour remé-
dier à cet état de choses ?
— Monseigneur est très-calme. Il assure que
quant aux professeurs, il ne s'agit que d'y
mettre le prix, estimant que l'argent a raison
de tout et que rien ne résiste à des arguments
monnayés.
— Il n'a peut-être pas tort.
— Donc, dit sa Grandeur, payons, payons
cher, payons bien, et nous aurons des pro-
fesseurs en veux-tu en voilà.
— Eh bien?
— Eh bien, malgré tout ça, on ne va pas
vite... et si ça continue, il faudra se contenter
de quelques braves gens sans grand talent ni
grande autorité. Les hauts bonnets de la
science ne mordent pas à l'hameçon.
— Et les élèves?
— Les élèves non plus...
— Alors, s'il n'y a ni professeurs ni élèves...
— Eh bien?...
— Rendra-t-on l'argent?
— Vous m'en demandez trop long...
NICOLAS FLAMMÈCHE.
FEUILLES AU YENT
Un de ces derniers jours , en feuilletant un
volume de poésie , je tombai sur ces vers
pleins d'une philosophie mélancoliqne et qui
sont adressés à une femme :
Ces lignes tantôt petites ou grandes,
Qui semblent marcher toutes de travers
Et sur papier défihnt par bandes,
On appelle ça quelquefois des vers.
Sais;tu maintenant leur usage?
Je t'aime beaucoup, n'est-ce pas? Eh bien
Je devrais baiser ton joli visage
Cent fois et toujours, mais je n'en fais rien.
Je m'assieds, je prends une plume neuve,
Et le nez en l'air, chante nos amours,
Pendant qu'à l'écart, ainsi qu'une veuve,
Tu m'attends, hélas ! seule, tous les jours.
Et ceux-la pour qui justement j'apprête
Ces amours chantés avec tant d'éclat,
Disent en hochant gravement 'a tôle :
« Ça n'est pas utile au bien de l'Etat. »
* *
Oui,
Ça n'est pas utile au bien de, l'Etat !
Art, poésie, théâtre, beauté, vertu, — (oui
cela ne sert en rien J'Eiat, aujourd'hui que
les Philistins sont les maîtres.
Ce qui sert au bien de l'Etat, — c'est do
bien vendre son sucre et sa cannelle; de payer
un budget de deux milliards et demi, et même
plus; d'ergoter pendant six mois ou un an
sur le scrutin de liste et le scrutin d'arrondis-
sement, parce que c'est toujours six mois ou
un an d'appointements de député qu'on em-
poche, et de jeter sur le pavé de Dijon la
statue de la République.
Voilà qui est utile au bien de l'Etat.
*
* *
C'est ce que je me disais en relisant dans
les Flèches d'or ces vers de Glatigny, que je
viens de citer.
A quoi bon s'abîmer la cervelle à faire de
belles choses et s'abîmer l'estomac à avoir
une conscience, pour arriver à mener la vie
de la plupart des gens de lettres, en général,
et de Glatigny en particulier !
Le plus sûr est encore de se faire épicier
comme le M.Dupont de Paul de Rock, ou
charcutier comme le M. Guerre d'Emile Zola.
On devient riche, heureux, ventru, pansu et
idiot,
Et l'on est bien vu du commissaire de son
quartier...
Tandis qu'homme de lettres !...
Ne m'en parlez pas !
*
* *
Aussi est-ce un métier où l'on meurt vite !
Quand on jette un coup d'oeil sur ces der-
nières années, on est effrayé des vides qui se
sont, faits dans les rangs !
Combien de ceux que nous avons connus
pleins de santé, et de force, et d'espérance,
sont aujourd'hui disparus !
J'y songeais, mardi passé,—jour des morts,
— en voyant les flots de peuple qui coulaient
vers les cimetières,
Et je me disais :
« Parmi 1 es tombes où jamais ne vient
personne, combien n'y en a-t-il pas, où repo-
sent des confrères jadis célèbres et applaudis,
qui ont fait pousser autrefois tant de joyeux
rires et qui maintenant ne peuvent faire verser
une larme !... »
Enfin, le monde est ainsi fait !
*
* ♦
Et peu à peu, j'étais tombé dans de noires
idées d'cù je ne pouvais plus me dépêtrer!
Tout cela à cause de Glatigny qui, pourtant,
n'était pas de son vivant un compère qui en-
gendrât la mélancolie !
Je le vois toujours avec sa maigreur ardente,
ses yeux étiiiclants, et cette narquoise tête
de faune si fine, et cette bonne humeur perpé-
tuelle, et cette grande bonté naïve qui était le
fond de son caraclère !
Excellent poêle, mais comédien médiocre,
il ne faisait que peu de cas de ses vers, et il
primait très-haut son talent d'acteur.
— Tu ne sais pas, me disai!-il un jour, que
j'ai créé un rôle aux Bouffes, moi qui te
parle !
— Lequel ! fls-je surpris, car je savais qu'il
n'avait jamais joué qu'à Nogent-le-Rotrou, à
Nantua, ou sur des scènes de la même impor-
tance.
— Celui du passant qui jette un sou à Pata-
chon, dans les Deux Aveugles
*
* *
Et il était triomphant!...
Ce fut lui qui, sans s'en douter, humilia le
plus profondément peut-être detoutParis, ce
galant homme quiavaitnom Grammont-Cade-
rousse.
En ce temps-là, Scholt rédigeait en chef le
Nain Jaune auquel Glatigny collaborait.
Le journal, fort tracassé par l'administration
ne faisait pas beaucoup de bénéfices, et Glati-
gny était souvent atteint de cette maladie que
Hanurge appelle : Besoing d'argent.
Un jour d'hiver qu'il se trouvait précisé-
ment dans cet état pathologique, il endossa
un vaste pardessus roux, ou qui du moins
l'avait été, chaussa des galoches, et se rendit
aux boulevards.
Arrivé là, après quelques moments d'hési-
tation, il se dirigea vers le café Anglais.
Scholl, alors très-lancé dans le monde du
Sport, y déjeunait à peu près tous les jours,
en compagnie de Grammont-Caderousse et de
quelques membres du Jockey-Club.
— M. Scholl est-il là? demanda Glatigny à
l'un des garçons.
— Non, M. Glatigny, répondit le garçon qui
le connaissait, il n'est pas arrivé encore...
Mais si vous voulez entrer pour l'attendre....
vous trouverez M. Grammont-Caderousse dans
le petit salon...
Glatigny entra,
Et Grammont-Caderousse qui appréciait
fort son esprit, et qui, malgré ses millions,
n'avait aucun des sots préjugés de certains
hommes d<- sa classe, vient aussitôt à lui, lui
tend la main, et lui dit :
— Voulez-vous prendre un verre de ma-
dère?
Glatigny fait une légère grimace d'émotion
et répond :
— Non, merci...., j'étais seulement venu
pour dire un mot à Scholl...
On cause un instant.
Scholl n'arrivait pas.
Alors, le comte se doutant que Glatigny
était venu pour demander quelque argent à
son rédacteur en chef, se hasarda à dire :
— Mais Scholl ne vient pasl... vous atten-
driez peut-être longtemps encore!... Est-ce
que ce que vous aviez à lui dire, je ne pour-
rais pas lui en faire la commission !...
Glatigny hocha la tête.
— J'étais venu, dit-il, pour lui emprunter
quelques sous.
— Oh ! fit Grammont-Caderousse vivement,
si ce n'est que cela, je puis le remplacer... «
Revue de l'Exposition internationale
DES INDUSTRIES
MARITIMES ET FLUVIALES
rr
De la MCtln français» des principaux
artlclM d'exportation.
(■DITS.)
Grande fut ma surprise en arrivant le lendemain au
rendez-vous que m'avait fixé Chaumoritel à l'Exposi-
tion. Mon ami donnait le bras à un vieillard encore
vert, bien guilleret, mis de façon singulière, et qui
sur le seuil du palais, les bras ballants, les jambes
écartées, écarquillait démesurément les yeux.
Cliaumontel,en m'apercevant, s'empressa de venir
à ma rencontre.
— Excusez-moi, me dit-il, je voudrais aujourd'hui
rester seul avec mon oncle que vous voyez là-bas; c'est
un oncle à héritage, j'ai l'intention de le retenir à
Paris, ce qui ne sera pas facile, et la présence d'un
tiers gênerait ses épanchements.
— Je comprends cela, répondis-je; d'où donc ar-
rive-t-il votre oncle, avec cet étrange costume?
— Un peu de partout; et, malgré le proverbe qui
dit que pierre qui roule n'amasse pas mousse, le bon-
homme a trouvé moyen d'entasser, tout en voyageant,
près d'un demi-million.
— Pas possible. Comment s'y est-il pris?
-- Ce serait trop long à vote raconter. Il y a un an,
il vendait à Madrid des parapluies atmosphériques.
Vous riez. 11 avait simplement placé dans le manche
un petit baromètre qui, suivant le temps, et grâce à
un appareil fort simple, montrait une petite plaque
où était écrit: prenez-moi, si la pluie menaçait, et
laissez-moi, si le ciel devait rester serein. — En ce
moment,mon cucle arrive de l'Herzégovine avec son
sac et le désir de vivre enfin tranquille. Mais je m'a-
perçois qu'il s'impatiente. Encore une fois, pardon et
à bientôt.
Resté seul, j'eus d'abord l'intention de partir ; mais
voyant Chaumontel et son oncle gravir le grand es-
calier, je ne pus résister au plaisir de les suivre, et,
ma foi, la curiosité me poussant, je les suivis de si
près que j'entendis leur conversation tout entière.
Dût-on me traiter d'indiscret, je la transcris de
mémoire.
— Voyez-vous, mon oncle, commença mon ami,
je me prends à regretter que vous ne soyez pas arrivé
à Paris tout nn.
— Eh bien, tu as de jolies mœurs, mon garçon.
— Bah! avec une feuille de vigne 1 On permet
bien cela aux statues.
— Me prends-tu pour un bonhomme en plâtre?
— En plâtre ! Oh ! non, mon cher oncle ; vous sa-
vez combien je vous aime. Mais j'aurais eu grande
joie si, revenant d'un pays sauvage, vous étiez débar-
qué dans le costume du petit saint Jean, à vous con-
duire ici pour vous voir en un clin d'œil habiller des
pieds à la tête et métamorphoser en parfait gentle-
man.
— Ce que tu me dis là me rappelle une machine
que je n'ai pas vue, mais dont j'ai beaucoup entendu
parler, il y a huit ans, en Océanie. On y plaçait un
lapin vivant, on donnait un tour de roue, et l'on
voyait apparaître à droite une gibelotte fumante et à
gauche un chapeau luisant.
— Mais on pourrait faire ici plus fort que cela. On
n'aurait, avant l'arrivée du public, qu'à mettre Adam
et, Ève à l'entrée de ces salons : un tour, comme vous
dites, et à l'extrémité de la galerie on trouverait un
dandy et une femme du monde vêtus à la dernière
mode.
— Le fait est qu'il y a de tout : des chaussures, des
habits... Pardon, monsieur, excuses.
— A qui dejnandez-vous pardon, mon oncle?
— A ce monsieur si élégamment mis que je viens
de heurter. Il ne me répond pas et me regarde en
souriant. Êtes-vous sourd, insolent?
— Tout doux; ne vous fâche/, pav Ne voyez-vous
pas que vous parlez à un mannequin?
— Comment! C'est, ma foi, vrai; il est permis de
s'y tromper, lit c'est avec un paletot de dix-huit francs
qu'il est habillé comme cela. J'en ai acheté un pareil
à Saint-Pétersbourg, il y a quatre ans, et je l'ai bel et
bien payé cent vingt francs.
— Cela ne m'étonne pas ; nous avons fait des pro-
grès, à Paris.
— On peut le dire, on peut le dire. Mais dis-moi,
mon garçon, pourquoi vos négociants, qui ont leurs
vitrines, leurs étalages, leurs superbes magasins situés
dans des rues où passent chaque jour cent mille per-
sonnes, pourquoi ces industriels se sont-ils mis en
frais pour exposer leurs produits à une exposition de
ce genre?
— Ah ! vous y voilà, vous aussi, mon oncle. Com-
ment un homme de votre valeur, qui sur toutes les
mers a bravé tous les dangers, qui dans son cerveau
puissant a sans cesse agité les problèmes économi-
ques, un homme de votre trempe, s'oublie au point de
faire des objections que moi, naïf et ignorant, je n'ai
défendues qu'un jour! Comment, avec votre coup
d'œil expérimenté, vous n'avez pas en un instant exa-
miné la question sous toutes ses laces!
Vous me demandez, vous, pourquoi nos manufactu-
riers tiennent à prouver aux visiteurs du monde en-
tier qui se pressent dans cette enceinte, qu'ils ne re-
doutent aucune concurrence, que tout en travaillant
à s'enrichir, ils travaillent au bien-être commun et
luttent, grâce à leur intelligente énergie, pour la pro-
spérité de la nation.
N'avez-vous donc point réfléchi que tous ces
produits, toutes ces marchandises s'en vont au delà
Jes océans porter le nom de la France, et ignorez-
vous que la fortune publique grossit avee le chiffre
des exportations?
Comment ne vous êtes-vous pas dit tout de suite
qu'une entreprise de ce genre resserre à jamais les
liens qui nous unissent à l'Angleterre, pour ne citer
qu'elle? Croyez-vous que la mer et les lleuves ne
soient pas de plus puissants moyens de transport que
nos maigres cordons de fer sur le continent? Vous,
un voyageur! Ah! en vérité, mon oncle, vous m'é-
tonnez !
— C'est cela, appelle-moi imbécile pendant que t'y
voilà! Tonnerre de calebasse! quel enthousiasme vous
avez, vous autres! Cependant, il faut l'avouer, tu es
dans le vrai, et j'avais parlé à la légère. Cela m'hu-
milie qu'un blanc-bec de ton espèce ait raison contre
moi, mais je ne suis pas homme à refuser de me ren-
dre à l'évidence, l'es raisonnements sont justes.
— C'est bien cela, mon oncle. Il faut que je vous
embrasse pour ces bonnes paroles.
— Tu m'étoutles, animal.Tiens toi donc tranquille,
tout le monde nous regarde.
— Que me lait à moi le monde ? Et maintenant
que vous voilà converti, convenez qu'il n'existe que
Paris au monde; que toutes les capitales de l'univers
réunies, ne sauraient offrir en spectacle de semblables
merveilles, amassées ici, connu-; au coup de baguette
d'une fée, grâce à l'initiative de quelques hommes in-
telligents.
— Oui Paris est bien effectivement la ville des mi-
racles.
— Des miracles, non ; il n'y a qu'à Lourdes qu'on
en fabrique, mais c'est l'étrange cité dans laquelle il
fait bon vivre, se reposer, penser, maintenant vous
ne nous quitterez plus.
— Oh, oh! Tu vas vite en besogne. J'ai, il est vrai,
une fortune qui ne permet de m'installer où bon me
semble, et d'achever mes jours suivant ma fantaisie ;
mais le le dirai-je, j'ai rêvé la campagne avec des
terres à moi, une maison a mi>i.
— Des terres, une maison dites-vous. La campagne
vous tend les bras à Passy, à Auteuil, partout au*
portes de la capitale, vous pennettant d'être à la foi»
citadin ou villageois suivant voire caprice. Uuant à la
maison, jetez les yeux au-dessous de vous sur ce»
cliàlets qui sont sortis de terre comme par enchante'
meut. Où sont les architectes capables de même que
les nôtres de vous construire en un clin d'œil un abri
coquet, commode, gracieux? Dites ces mots et avant
un mois.....
— Je ne dis pas le contraire, mais il faut se meu-
bler, s'organiser.
— Ceneseraitpascelaquipourraitvousarrêter.'Pour
suivons notre course et dans une heure, si vous le dé'
sirez, vous aurez choisi ici même de quoi garnif
aussi confortablement que possible votre futur liôteb
eût-il cinq étages et dût-il être décoré avec un lu^
oriental !
— J'aperçois là-bas des lits. Viens donc les voir,
LA SEMAINE
On a beaucoup parlé cette semaine.
Parmi les morceaux d'éloquence qui se sont
fait le plus remarquer, il faut citer le discours
du petit père Rouher
J'avoue qu'il est impossible de rien trouver
de plus réussi.
C'est tout bêtement délicieux.
11 y a des mots charmants et, par-dessus
tout, une grande gaieté.
L'ensemble est de la plus aimable folie.
Le petit père Rouher parlant des lourdes
responsabilités du gouvernement actuel a été
sublime.
Le sublime du cocasse, par exempte.
Mais ne l'atteint pas qui veutl
Voyez-vous d'ici l'homme du régime qui a
mené la France à Sedan en passant par le
Mexique nous parlant de lourdes responsabi-
lités?
Farceur, va!
*
M. Gambetta a écrit,
M. Naquet a parlé,
M. Thiers a parlé.
Bref tout indique que nous allons assister à
une série de séances des plus intéressantes.
C'est le commerce et l'industrie qui sont
contents!
*
C'est dans cette semaine que va rouvrir le
grand théâtre de Versailles.
Machinistes, peintres et décorateurs travail-
lent, du reste, avec la plus louable activité,
sous la haute direction du régisseur général
lîaze.
L'aimable questeur n'a pas un instant de
repos.
(Semblable à l'ancien Solitaire, du vicomte
d'Àrlincourt,
M. Baze est partout, entend tout et voit
tout.
Il pèse les morceaux de sucre, emmagasine
le combustible, fait les lampes, s'informe si
le sac aux interruptions est convenablement
garni, s'occupe enfin avec la plus dévorante
activité de tout ce qui concerne son état.
Brave et digne homme !
Et toujours aimable, gai, souriant, selon son
habitude.
Les années passent sur son inaltérable gaieté
sans y déposer une ride.
Quel veinard!
Je causais dernièrement de la nouvelle ses-
sion qui va s'ouvrir avec le marchand de mar-
rons du coin de ma rue.
Cet industriel, quoique doué d'un fort ac-
cent auvergnat, n'est pas un imbécile.
—Ah 1 monsieur, me disait-il, j'ai bien peur
que l'hiver ne soit dur à passer pour nous.
— Comment cela?
— Il parait que tout va aller de mal en pis.
— Bah!
—Je causais avant-hierde cela avec le porteur
d'eau de M. Rouher, mon compatriote, il pa-
raît que si cela continue le public ne se nour-
rira cette année que des boulettes que confec-
tionneront nos députés.
— En vérité !
■— Quant aux marrons, bonsoir J... le mar-
ron implique la bouteille de cidre et le calme
parfait de l'esprit. On n'a pas le cœur à la joie
quand on songe que M. Du Temple n'est pas
content du maréchal, voyez-vous.
— Le fait est que M. Du Temple n'est guère
commode !
— Ni les autres non plus. Si on se cha-
maille encore là-bas , qu'est-ce que nous
allons devenir ?
— Rassurez-vous, mon brave. Il y a une
chose qui sauvera tout, c'est le bon sens
public.
— Vous y croyez, vous ?
— Dame !...
— Avez-vous de la chance !...
— Et puis il y a le patriotisme !...
A. ees mots mon interlocuteur partit d'un
éclat de rire formidable.
Je jugeai que décidément ce n'était point
une bête.
* «
— Eh bien, et les universités libres, voyons,
où en sommes-nous?
— Ça ne va pas mal, merci:., et vous ?
— Moi de même. Est-ce que vous croyez à
un four ?
— J'en ai peur.
— Bah!
— Si j'en juge par la dernière letlre de Mon-
seigneur de Toulouse, il paraîtrait qu'on a tout
ce qu'il faut pour commencer... excepté les
professeurs et les élèves.
— Comment cela ?
— Oui... les professeurs se font tirer l'o-
reille et les élèves qu'où se propose de faire
coucher tous les soirs à dix heures, la trou-
vent mauvaise.
— El que propose monseigneur pour remé-
dier à cet état de choses ?
— Monseigneur est très-calme. Il assure que
quant aux professeurs, il ne s'agit que d'y
mettre le prix, estimant que l'argent a raison
de tout et que rien ne résiste à des arguments
monnayés.
— Il n'a peut-être pas tort.
— Donc, dit sa Grandeur, payons, payons
cher, payons bien, et nous aurons des pro-
fesseurs en veux-tu en voilà.
— Eh bien?
— Eh bien, malgré tout ça, on ne va pas
vite... et si ça continue, il faudra se contenter
de quelques braves gens sans grand talent ni
grande autorité. Les hauts bonnets de la
science ne mordent pas à l'hameçon.
— Et les élèves?
— Les élèves non plus...
— Alors, s'il n'y a ni professeurs ni élèves...
— Eh bien?...
— Rendra-t-on l'argent?
— Vous m'en demandez trop long...
NICOLAS FLAMMÈCHE.
FEUILLES AU YENT
Un de ces derniers jours , en feuilletant un
volume de poésie , je tombai sur ces vers
pleins d'une philosophie mélancoliqne et qui
sont adressés à une femme :
Ces lignes tantôt petites ou grandes,
Qui semblent marcher toutes de travers
Et sur papier défihnt par bandes,
On appelle ça quelquefois des vers.
Sais;tu maintenant leur usage?
Je t'aime beaucoup, n'est-ce pas? Eh bien
Je devrais baiser ton joli visage
Cent fois et toujours, mais je n'en fais rien.
Je m'assieds, je prends une plume neuve,
Et le nez en l'air, chante nos amours,
Pendant qu'à l'écart, ainsi qu'une veuve,
Tu m'attends, hélas ! seule, tous les jours.
Et ceux-la pour qui justement j'apprête
Ces amours chantés avec tant d'éclat,
Disent en hochant gravement 'a tôle :
« Ça n'est pas utile au bien de l'Etat. »
* *
Oui,
Ça n'est pas utile au bien de, l'Etat !
Art, poésie, théâtre, beauté, vertu, — (oui
cela ne sert en rien J'Eiat, aujourd'hui que
les Philistins sont les maîtres.
Ce qui sert au bien de l'Etat, — c'est do
bien vendre son sucre et sa cannelle; de payer
un budget de deux milliards et demi, et même
plus; d'ergoter pendant six mois ou un an
sur le scrutin de liste et le scrutin d'arrondis-
sement, parce que c'est toujours six mois ou
un an d'appointements de député qu'on em-
poche, et de jeter sur le pavé de Dijon la
statue de la République.
Voilà qui est utile au bien de l'Etat.
*
* *
C'est ce que je me disais en relisant dans
les Flèches d'or ces vers de Glatigny, que je
viens de citer.
A quoi bon s'abîmer la cervelle à faire de
belles choses et s'abîmer l'estomac à avoir
une conscience, pour arriver à mener la vie
de la plupart des gens de lettres, en général,
et de Glatigny en particulier !
Le plus sûr est encore de se faire épicier
comme le M.Dupont de Paul de Rock, ou
charcutier comme le M. Guerre d'Emile Zola.
On devient riche, heureux, ventru, pansu et
idiot,
Et l'on est bien vu du commissaire de son
quartier...
Tandis qu'homme de lettres !...
Ne m'en parlez pas !
*
* *
Aussi est-ce un métier où l'on meurt vite !
Quand on jette un coup d'oeil sur ces der-
nières années, on est effrayé des vides qui se
sont, faits dans les rangs !
Combien de ceux que nous avons connus
pleins de santé, et de force, et d'espérance,
sont aujourd'hui disparus !
J'y songeais, mardi passé,—jour des morts,
— en voyant les flots de peuple qui coulaient
vers les cimetières,
Et je me disais :
« Parmi 1 es tombes où jamais ne vient
personne, combien n'y en a-t-il pas, où repo-
sent des confrères jadis célèbres et applaudis,
qui ont fait pousser autrefois tant de joyeux
rires et qui maintenant ne peuvent faire verser
une larme !... »
Enfin, le monde est ainsi fait !
*
* ♦
Et peu à peu, j'étais tombé dans de noires
idées d'cù je ne pouvais plus me dépêtrer!
Tout cela à cause de Glatigny qui, pourtant,
n'était pas de son vivant un compère qui en-
gendrât la mélancolie !
Je le vois toujours avec sa maigreur ardente,
ses yeux étiiiclants, et cette narquoise tête
de faune si fine, et cette bonne humeur perpé-
tuelle, et cette grande bonté naïve qui était le
fond de son caraclère !
Excellent poêle, mais comédien médiocre,
il ne faisait que peu de cas de ses vers, et il
primait très-haut son talent d'acteur.
— Tu ne sais pas, me disai!-il un jour, que
j'ai créé un rôle aux Bouffes, moi qui te
parle !
— Lequel ! fls-je surpris, car je savais qu'il
n'avait jamais joué qu'à Nogent-le-Rotrou, à
Nantua, ou sur des scènes de la même impor-
tance.
— Celui du passant qui jette un sou à Pata-
chon, dans les Deux Aveugles
*
* *
Et il était triomphant!...
Ce fut lui qui, sans s'en douter, humilia le
plus profondément peut-être detoutParis, ce
galant homme quiavaitnom Grammont-Cade-
rousse.
En ce temps-là, Scholt rédigeait en chef le
Nain Jaune auquel Glatigny collaborait.
Le journal, fort tracassé par l'administration
ne faisait pas beaucoup de bénéfices, et Glati-
gny était souvent atteint de cette maladie que
Hanurge appelle : Besoing d'argent.
Un jour d'hiver qu'il se trouvait précisé-
ment dans cet état pathologique, il endossa
un vaste pardessus roux, ou qui du moins
l'avait été, chaussa des galoches, et se rendit
aux boulevards.
Arrivé là, après quelques moments d'hési-
tation, il se dirigea vers le café Anglais.
Scholl, alors très-lancé dans le monde du
Sport, y déjeunait à peu près tous les jours,
en compagnie de Grammont-Caderousse et de
quelques membres du Jockey-Club.
— M. Scholl est-il là? demanda Glatigny à
l'un des garçons.
— Non, M. Glatigny, répondit le garçon qui
le connaissait, il n'est pas arrivé encore...
Mais si vous voulez entrer pour l'attendre....
vous trouverez M. Grammont-Caderousse dans
le petit salon...
Glatigny entra,
Et Grammont-Caderousse qui appréciait
fort son esprit, et qui, malgré ses millions,
n'avait aucun des sots préjugés de certains
hommes d<- sa classe, vient aussitôt à lui, lui
tend la main, et lui dit :
— Voulez-vous prendre un verre de ma-
dère?
Glatigny fait une légère grimace d'émotion
et répond :
— Non, merci...., j'étais seulement venu
pour dire un mot à Scholl...
On cause un instant.
Scholl n'arrivait pas.
Alors, le comte se doutant que Glatigny
était venu pour demander quelque argent à
son rédacteur en chef, se hasarda à dire :
— Mais Scholl ne vient pasl... vous atten-
driez peut-être longtemps encore!... Est-ce
que ce que vous aviez à lui dire, je ne pour-
rais pas lui en faire la commission !...
Glatigny hocha la tête.
— J'étais venu, dit-il, pour lui emprunter
quelques sous.
— Oh ! fit Grammont-Caderousse vivement,
si ce n'est que cela, je puis le remplacer... «
Revue de l'Exposition internationale
DES INDUSTRIES
MARITIMES ET FLUVIALES
rr
De la MCtln français» des principaux
artlclM d'exportation.
(■DITS.)
Grande fut ma surprise en arrivant le lendemain au
rendez-vous que m'avait fixé Chaumoritel à l'Exposi-
tion. Mon ami donnait le bras à un vieillard encore
vert, bien guilleret, mis de façon singulière, et qui
sur le seuil du palais, les bras ballants, les jambes
écartées, écarquillait démesurément les yeux.
Cliaumontel,en m'apercevant, s'empressa de venir
à ma rencontre.
— Excusez-moi, me dit-il, je voudrais aujourd'hui
rester seul avec mon oncle que vous voyez là-bas; c'est
un oncle à héritage, j'ai l'intention de le retenir à
Paris, ce qui ne sera pas facile, et la présence d'un
tiers gênerait ses épanchements.
— Je comprends cela, répondis-je; d'où donc ar-
rive-t-il votre oncle, avec cet étrange costume?
— Un peu de partout; et, malgré le proverbe qui
dit que pierre qui roule n'amasse pas mousse, le bon-
homme a trouvé moyen d'entasser, tout en voyageant,
près d'un demi-million.
— Pas possible. Comment s'y est-il pris?
-- Ce serait trop long à vote raconter. Il y a un an,
il vendait à Madrid des parapluies atmosphériques.
Vous riez. 11 avait simplement placé dans le manche
un petit baromètre qui, suivant le temps, et grâce à
un appareil fort simple, montrait une petite plaque
où était écrit: prenez-moi, si la pluie menaçait, et
laissez-moi, si le ciel devait rester serein. — En ce
moment,mon cucle arrive de l'Herzégovine avec son
sac et le désir de vivre enfin tranquille. Mais je m'a-
perçois qu'il s'impatiente. Encore une fois, pardon et
à bientôt.
Resté seul, j'eus d'abord l'intention de partir ; mais
voyant Chaumontel et son oncle gravir le grand es-
calier, je ne pus résister au plaisir de les suivre, et,
ma foi, la curiosité me poussant, je les suivis de si
près que j'entendis leur conversation tout entière.
Dût-on me traiter d'indiscret, je la transcris de
mémoire.
— Voyez-vous, mon oncle, commença mon ami,
je me prends à regretter que vous ne soyez pas arrivé
à Paris tout nn.
— Eh bien, tu as de jolies mœurs, mon garçon.
— Bah! avec une feuille de vigne 1 On permet
bien cela aux statues.
— Me prends-tu pour un bonhomme en plâtre?
— En plâtre ! Oh ! non, mon cher oncle ; vous sa-
vez combien je vous aime. Mais j'aurais eu grande
joie si, revenant d'un pays sauvage, vous étiez débar-
qué dans le costume du petit saint Jean, à vous con-
duire ici pour vous voir en un clin d'œil habiller des
pieds à la tête et métamorphoser en parfait gentle-
man.
— Ce que tu me dis là me rappelle une machine
que je n'ai pas vue, mais dont j'ai beaucoup entendu
parler, il y a huit ans, en Océanie. On y plaçait un
lapin vivant, on donnait un tour de roue, et l'on
voyait apparaître à droite une gibelotte fumante et à
gauche un chapeau luisant.
— Mais on pourrait faire ici plus fort que cela. On
n'aurait, avant l'arrivée du public, qu'à mettre Adam
et, Ève à l'entrée de ces salons : un tour, comme vous
dites, et à l'extrémité de la galerie on trouverait un
dandy et une femme du monde vêtus à la dernière
mode.
— Le fait est qu'il y a de tout : des chaussures, des
habits... Pardon, monsieur, excuses.
— A qui dejnandez-vous pardon, mon oncle?
— A ce monsieur si élégamment mis que je viens
de heurter. Il ne me répond pas et me regarde en
souriant. Êtes-vous sourd, insolent?
— Tout doux; ne vous fâche/, pav Ne voyez-vous
pas que vous parlez à un mannequin?
— Comment! C'est, ma foi, vrai; il est permis de
s'y tromper, lit c'est avec un paletot de dix-huit francs
qu'il est habillé comme cela. J'en ai acheté un pareil
à Saint-Pétersbourg, il y a quatre ans, et je l'ai bel et
bien payé cent vingt francs.
— Cela ne m'étonne pas ; nous avons fait des pro-
grès, à Paris.
— On peut le dire, on peut le dire. Mais dis-moi,
mon garçon, pourquoi vos négociants, qui ont leurs
vitrines, leurs étalages, leurs superbes magasins situés
dans des rues où passent chaque jour cent mille per-
sonnes, pourquoi ces industriels se sont-ils mis en
frais pour exposer leurs produits à une exposition de
ce genre?
— Ah ! vous y voilà, vous aussi, mon oncle. Com-
ment un homme de votre valeur, qui sur toutes les
mers a bravé tous les dangers, qui dans son cerveau
puissant a sans cesse agité les problèmes économi-
ques, un homme de votre trempe, s'oublie au point de
faire des objections que moi, naïf et ignorant, je n'ai
défendues qu'un jour! Comment, avec votre coup
d'œil expérimenté, vous n'avez pas en un instant exa-
miné la question sous toutes ses laces!
Vous me demandez, vous, pourquoi nos manufactu-
riers tiennent à prouver aux visiteurs du monde en-
tier qui se pressent dans cette enceinte, qu'ils ne re-
doutent aucune concurrence, que tout en travaillant
à s'enrichir, ils travaillent au bien-être commun et
luttent, grâce à leur intelligente énergie, pour la pro-
spérité de la nation.
N'avez-vous donc point réfléchi que tous ces
produits, toutes ces marchandises s'en vont au delà
Jes océans porter le nom de la France, et ignorez-
vous que la fortune publique grossit avee le chiffre
des exportations?
Comment ne vous êtes-vous pas dit tout de suite
qu'une entreprise de ce genre resserre à jamais les
liens qui nous unissent à l'Angleterre, pour ne citer
qu'elle? Croyez-vous que la mer et les lleuves ne
soient pas de plus puissants moyens de transport que
nos maigres cordons de fer sur le continent? Vous,
un voyageur! Ah! en vérité, mon oncle, vous m'é-
tonnez !
— C'est cela, appelle-moi imbécile pendant que t'y
voilà! Tonnerre de calebasse! quel enthousiasme vous
avez, vous autres! Cependant, il faut l'avouer, tu es
dans le vrai, et j'avais parlé à la légère. Cela m'hu-
milie qu'un blanc-bec de ton espèce ait raison contre
moi, mais je ne suis pas homme à refuser de me ren-
dre à l'évidence, l'es raisonnements sont justes.
— C'est bien cela, mon oncle. Il faut que je vous
embrasse pour ces bonnes paroles.
— Tu m'étoutles, animal.Tiens toi donc tranquille,
tout le monde nous regarde.
— Que me lait à moi le monde ? Et maintenant
que vous voilà converti, convenez qu'il n'existe que
Paris au monde; que toutes les capitales de l'univers
réunies, ne sauraient offrir en spectacle de semblables
merveilles, amassées ici, connu-; au coup de baguette
d'une fée, grâce à l'initiative de quelques hommes in-
telligents.
— Oui Paris est bien effectivement la ville des mi-
racles.
— Des miracles, non ; il n'y a qu'à Lourdes qu'on
en fabrique, mais c'est l'étrange cité dans laquelle il
fait bon vivre, se reposer, penser, maintenant vous
ne nous quitterez plus.
— Oh, oh! Tu vas vite en besogne. J'ai, il est vrai,
une fortune qui ne permet de m'installer où bon me
semble, et d'achever mes jours suivant ma fantaisie ;
mais le le dirai-je, j'ai rêvé la campagne avec des
terres à moi, une maison a mi>i.
— Des terres, une maison dites-vous. La campagne
vous tend les bras à Passy, à Auteuil, partout au*
portes de la capitale, vous pennettant d'être à la foi»
citadin ou villageois suivant voire caprice. Uuant à la
maison, jetez les yeux au-dessous de vous sur ce»
cliàlets qui sont sortis de terre comme par enchante'
meut. Où sont les architectes capables de même que
les nôtres de vous construire en un clin d'œil un abri
coquet, commode, gracieux? Dites ces mots et avant
un mois.....
— Je ne dis pas le contraire, mais il faut se meu-
bler, s'organiser.
— Ceneseraitpascelaquipourraitvousarrêter.'Pour
suivons notre course et dans une heure, si vous le dé'
sirez, vous aurez choisi ici même de quoi garnif
aussi confortablement que possible votre futur liôteb
eût-il cinq étages et dût-il être décoré avec un lu^
oriental !
— J'aperçois là-bas des lits. Viens donc les voir,