LE "GRELOT
PRIME GRATUITE
Toute personne de la province gai «'abon-
nera à an des journaux ci-après, par l'entre-
mis* de M. Madrx. directeur-gérant du GrtUt,
77, rue Neuve-des-Petits-Champs, à Paris,
aura droit à un abonnement gratuit an jour-
nal le ARELOT, savoir :
Pour un abonnement d'un an : 6 mois au GRELOT.
— de 6 mois : 8 mois —
L'abonnement à plusieurs journaux dou-
bler» , triplera la durée de l'envoi gratuit du
QRElûT.
Deux abonnements de trois mois à des jour-
naux différents donnent le môme droit qu'un
abonnement de six mois à un môme journal.
cm a.m ( k ou
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Bum public............. 60 » 30
Ghabitabi............... 80 » 40
constitutionnel,........ 64 » 32
coukrikr dk franck...... 64 » 32
AlX* Siècle............. 62 » 32
Evénement.............. 64 > 82
FWbo................. 72 » 36
Fbançaii................ 58 ■ 31
Gaxbtts de France....... 66 ■ 35
Gaulois................. 64 » 32
Journal dis Débats...... 80 » 40
Illustration............. 36 ■ 18
Liberté................ 48 » 25
moniteur universel...... 62 » 32
Monde.................. 40 > 22
monde illdstrk........., 24 » 13
Opinion national»........ 64 » 82
Paris-Joubnal........... 50 > 28
Patrie.................. 64 » 32
Pats.................., 64 » 82
Pbbssb.................. 64 » 32
Rappel................. 54 » 27
Réfcbuqub français»..... 64 » 32
Rbvob dis Deux-Mondes, , 16 » 19
Siècle.................. 64 » 3»
Sou................... 64 » 82
Temps.................. 68 ■ 34
Dniveri................. 58 • 30
Union.................. 68 » 35
Les prix qui précèdent sont, bien entendu, les prix
fixés par les administrations de chacun de ces jour-
naux.
LA SEMAINE
Je n'insisterai pas plus qu'il convient sur le
/•ur colossal que le jeune Paul de Cassagnac
a fait à Bellcville.
Des poursuites sont dirigées contre notre
confrère et le Grelot ne se réjouira jamais des
entraves opposées à la liberté de presse ou de
parole ; mais il faut avouer que le rédacteur
en chef du Pays a perdu, pour la gloire et le
profit de son parti une belle occasion de res-
ter au coin de son feu.
Ce modeste triomphe nous suffit
*
* *
Les personnes d'humeur mélancolique, ou
que les premières tristesses de l'hiver ont le
privilège de rendre maussades, n'ont, si elles
veulent »e dérider, qu'à assister aux derniers
moments de notre Assemblée.
Elles trouveront dans ce spectacle de nom-
breuses occasions de se divertir à peu de frais.
La télé que font certains de nos honorables
à la seule idée de se dissoudre est de force à
dérider les misanthropes les plus enragés.
Il y a surtout les orléanistes !
Oh ! les orléanistes!...
Ceux-là poussent des lamentations auprès
desquelles celles de Jérémie ne sent que de
l'opérette.
Les bonapartistes, les légitimistes mômes,
peuvent garder quelques espérances d'être
réélus.
Mais les orléanistes !
Je les en défie bien.
*
* *
Aussi recommanderai-je à mes leeteurs le
petit dialogue suivant, qu'un de nos reporters
a surpris à la buvette du grand théâtre de Ver-
sailles.
La scène se passe entre son Altesse le duc
d'Aumale qui prend un verre d'eau sucrée et
le fidèle Bocher, qui ne prend rien du tout.
LE suc.
Eh bien, Bocher?
bocheb.
Eh bien, monsieur le duc ?
le duc.
Fichu temps, hein?
bocher.
Exécrable, monsieur le duc.
le doc.
Vous savez que je fais reconstruire le châ-
teau de Chantilly :
bocher.
On me l'a dit. Ça sera un peu raide, mon-
seigneur 1
le duc
Peuhl... quatre ou cinq pauvres petits ail-
lions! .
bocher.
Le fait est qu'au prix où sont les gilets de
flanelle, c'est pour rien.
le duc.
N'est-ce pas ?
BOCHER.
Absolument.
le duc
Et puis, il faut bien faire quelque chose
pour le peuple.
bocher.
Je reconnais bien là les sentiments de gran-
deur et de générosité qui ont toujours distin-
gué votre noble maison.
le duc.
Et dire que malgré tant de sacrifices, je ne
serai peut-être pas réélu!
bocher.
Moi non plus, du reste.
le duc
Oh I non!., cela m'est parfaitement égal.
bocher.
Merci, monseigneur.
le duc.
Mais moi!., moi !.. qui n'ai jamais absolu-
ment rien fait ni rien dit à la Chambre...
bocher.
Çà, c'est vrai.
le duc
Moi, qui ai passé la session à me promener
de Besançon à Paris et de Paris à Besançon,
sans m'occuper en rien de ce qui se passait
ici, je trouverais bien singulier que mes élec-
teurs ne me gardassent pas leur confiance.
bocher.
Que voulez-vous !.. ces farceurs-là sont si
drôles !..
le duc
Est-ce que vous croyez vraiment que nous
serons remisés?
bocher.
J'en ai un trac affreux.
le duc.
Ingrate patrie!'
bocher, s'animant.
Dame, c'est votre faute aussi...
le duc
Monsieur Bocher !...
bocher.
Vous et les vôtres, vous n'avez fait que des
bêtises.
le duc
lime semble, monsieur, que vous perdez
le respect.
bocher.
C'est enrageant, ma parole d'honneur...
quand on pense que vous aviez la partie si
belle et que !...ah! tenez quand je pense à
cela ! On ne saurait être plus maladroits, plus
ladres, plus pingres que vous l'avez été. Vous
avez voulu faire de la politique habile et vous
avez conduit votre barque comme des niais.
le duc
Bocher!... Vous êtes dur.
bocher.
Si vous croyez que moi et mes pmis ça nous
amuse d'être blackboulés à cause de vous !...
D'abord, il y a l'amour-propre... et puis,
dame, vingt-cinq francs par jour... ça bouche
pas mal de trous.
le duc,
Quel esprit mesquin !
bocher.
Moi qui venais justement d'acheter une
une petite maison à Asnières!... avec quoi la
paierais-je ?
le duc, après un silence.
Ne sommes-nou s pas là, fidèle ami ?
bocher, transporté.
Quoi, monseigneur?... il se pourrait!....
vous I... ah !...
le duc.
Doutez-vous de ma reconnaissance, mon
ami?... Ah! ce sera't faire injure aux senti-
ments bien connus de notre famille... j'ai
dans une tirelire, une jolie somme de cent-
virgt-sept francs, produit de nos poules au
loto..., acceptez-les..., ils sont à vous.
bocher.
Monseigneur !...
le duc
Vous refusez ?
bocher.
Fichtre, non!... je les prends... pour la
rareté du fait...
le duc.
Tendre ami !
bocher.
Excellent prince !
[le duc
C'est égal... avec tout cela... nous ne serons
pas députés, Bocher.
bocher.
Il y a des chances.
le luc
Mais pour vous consoler, mon ami, j'irai
pendre la crémaillère dans votre châlet... oh!
j'y apporterai moa plat, rassurez-vous.
bocher, à part.
C'est lui qui fournira les cure-dents.
Celle-là, je la connais...
NICOLAS FLAMMÈCHE.
FEUILLES AU VENT
«Madame, disait Candide à la be'le Cuné-
gonde, après avoir tué le banquier juif et le
grand Inquisiteur, quand on est amoureux,
jaloux et fessé par l'Inquisition, on ne se con-
naît plus ! »
Et si M. Paul de Cassagnac a été faire à
Belleville l'algarade que l'on sait,
C'est que lui non plus ne se connaissait
plus !
Quand, en effet, on est depuis quatre ou
cinq années, amoureux du régime de Sedan,
Jaloux du gouvernement que l'on a perdu,
Et fessé tous les matins par l'opinion pu-
blique qui apprécie l'Empire à sa juste va-
leur,
Il est facile de comprendre qu'on soit exas-
péré,
Etqu'on veuille en bâiller au monde, «queu-
que petite signifiance. »
*
* •
Ce jeune homme s'en est donné à cœur-
joie,
Mais, soit dit entre nous, il a lâché dans
sod discours des choses excellentes.
Quand on l'entend faire cet aveu, par
exemple, que pendant la Terreur il n'y a eu
que 1,400 nobles et prêtres guillotinés contre
11,000 ouvriers et paysans,
Ou se demande aussitôt qui a dirigé la
Terreur,et qui devait en retirer les bénéfices!
Et comme l'histoire n'a pas d'autre nom à
vous donner que celui de Robespierre, — et
que les principes aristocratiques de ce sal-
timbanque sont suffisamment connus,
On n'a point de peine à conclure que la
Terreur n'a nullement été une besogne démo-
cratique, — mais le résultat de la politique
d'un homme qui, s'il eût vécu, eût accompli
à son profit un 18 brumaire quelconque.
*
* *
Mais que penser de cette Terreur épouvan-
table qui, en deux ans, parvient à faire exé-
cuter 1,400 individus,
Alors qu'en quatre jours, une autre Terreur,
celle de juin, sut se débarrasser de 12,000 de
ses ennemis!
Il faut avouer que le progrès marche à
grands pas,
Et que la guillotine était un instrument bien
primitif auprès des fusils de M. Cavaignac.
*
* *
Ah ! la civilisation est une belle chose,
Et nous valons bien mieux que nos pères !
M. de Cassagnac en est un vivant exemple I
Son père, autrefois, était l'avocat des Com-
pagnies négrières, — et mettait toute son
éloquence au service des maîtres d'esclaves;
Lui, aujourd'hui, est l'apôtre de l'affran-
chissement dj peuple : il promet, au nom du
jeune phoque de Chislehurst, la suppression
des octrois, l'impôt sur le revenu, etc., — ce
que nos socialistes les plus audacieux ont
seuls osé demander jusqu'à présent.
Quel changement !
Car, enfin, M. Paul de Cassagnac a singu-
lièrement changé.
Il n'y a pas longtemps encore qu'il écri-
vait :
« L'empire n'a de raison d'être que parce
qu'il est une barrière contre la République ;
nous n'existons que pour combattre et écraser
la démagogie, etc. »
Un peu plus tard, lorsque cet avortement,
qui fut l'alliance de Portalis et du prince Na-
poléon, se produisit,
11 traita le malheureux Plon-Plon de <> prince
rouge, »— de «César de Belleville, » etc.,
Et lui fit avoir des mots avec Cora...
Et aujourd'hui, le voici qui fait comme le
prince Napoléon,
Le voici qui va, lui aussi, à Belleville,
solliciter las casquettes et les blouses,
Le voici qui s'essaie, Tiberius Gracchus de
la Villette, à faire des variations sur la loi
agraire et l'extinction de la ploutocratie !
Où allons-nous, mes enfants, mes frères!
C'est le renversement de toutes les idées
reçues !
Voir un Cassagnac plaider la cause du
peuple, — lui dont le père plaidait la cause
des négriers,
Et promettre plus de beurre que de pain
aux Bellevillois à qui il disait jadis :
« Au jour de l'émeute, ne me manquez pas ;
— car si vous me manquez, je vous jure que,
moi, je ne vous manquerai pas!..
Voilà qui confond l'esprit et la raison!
*
* *
Il est vrai, comme dit l'immortelle chanson
que tout ça, c'était pour la forme, — et que ça
ne servira à rien du tout.
Il est bien évident que si l'Empire revenait,
il se moquerait, comme par le passé, de tout
ce qui concerne le peuple,
Et qne la plus ardente de ses préoccupa-
tions serait de rafler à son profit le plus
d'argent possible, toujours comme par le
passé.
Qu'arrivait-il, en effet, tandis que régnait
sur la France le nez actuellement gisant à
Chislehurst !
Que le peuple travaillait, peinait, suait,
économisait, faisait tout ce qui se fait,
créait l'industrie, le bien-être, la richesse,
l'épargne,
Et quand il avait fait tout cela, et qu'il était
parvenu à mettre en réserve pour les années
de misère ou de vieillesse nne partie de son
gain,
Le gouvernement impérial autorisait un
certain nombre de voleurs et de tirelaines à
fonder de soi-disant sociétés financières qu'il
couvrait de son patronage, et auxquels le
peuple allait porter ses économies qui ser-
vaient aux voleurs et tirelaines en question
A vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.
De sorte qu'après avoir gagné beaucoup
d'argent, tout le monde Be trouvait exac-
tement au même point qu'auparavant.
Mais comme effectivement beaucoup d'ar-
gent avait été mis en mouvement, cela per-
mettait à Houher et à ses complices, de parler
des progrès de l'industrie nationale et du
développement de la fortune publique.
*
* *
Un fait bien singulier, disent les journaux,
vient de se prodnire à Dompierre :
Un individu nommé Vincent s'est empoi-
sonné avec les restes des médicaments qui
avaient servi à traiter dans sa dernière mala-
die, sa femme morte récemment.
Il n'avait point voulu les perdre, estimant
que c'étaient des matières trop précieuses
pour ne pas avoir des vertus singulières.
*
Ne croirait on pas lire l'histoire de nos de -
niers Gouvernements I
Eux aussi avalent les restes des médicaments
des pouvoirs défunts,
Et font, comme eux, un tel usage de la
police, des mesures administratives, des pour-
suites judiciaires et de toutes les tracasseries
dont ils ont usé, qu'ils finissent eux-mêmes
par faire le plongeon.
•
* *
C'était un jour de 15 août.
Il y avait à l'Opéra représentation gratuite.
Une bonne femme de la campagne était
parvenue à entrer avec le monde, et à se caser
dans une loge.
Après une attente de plusieurs heures, il se
produit un mouvement :
Le chef d'orchestre donne le signal habi-
tuel à ses musiciens; violons, violoncelles,
contrebasses, flûtes, hautbois, clarinettes,
cors et timbales, tout s'ébranle à la fois.
La villageoise se lève furieuse, rouge de
colère,
Et montrant le poing à l'orchestre :
— Ah! les misérables, s'écrie-t-elle... C'est
parce que c'est pour le peuple qu'ils jouent
comme ça tous à la fois, — pour avoir plus
tôt fini.
* *
Un étudiant en médecine sortant de la rue
Hautefeuille à une heure très-avancée...
Il f?ut le dire tout de suite :
II avait pris, ce soir-là, un nombre de chopes
illimité.
Et sa démarche était exactement figurée par
une série de i majuscules placés les uns au
bout des autres...
Arrivé au bas de la rue Hautefeuille, sur la
place Saint-André-des-Arts où se trouve la
fontaine Saint-Michel, comme on sait, — il
s'arrêta.
Pourquoi ?
C'est assez difticile à expliquer,
Mais les Précieuses de Molière peuvent nous
venir en aide :
« Pour évacuer le superflu de la boisson, » ont-
elles dit quelque part.
Pendant qn'il accomplissait cette fonction
naturelle, l'étudiant n'avait plus bien cons-
cience de ce qui se passait autour de lui.
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Les prix qui précèdent sont, bien entendu, les prix
fixés par les administrations de chacun de ces jour-
naux.
LA SEMAINE
Je n'insisterai pas plus qu'il convient sur le
/•ur colossal que le jeune Paul de Cassagnac
a fait à Bellcville.
Des poursuites sont dirigées contre notre
confrère et le Grelot ne se réjouira jamais des
entraves opposées à la liberté de presse ou de
parole ; mais il faut avouer que le rédacteur
en chef du Pays a perdu, pour la gloire et le
profit de son parti une belle occasion de res-
ter au coin de son feu.
Ce modeste triomphe nous suffit
*
* *
Les personnes d'humeur mélancolique, ou
que les premières tristesses de l'hiver ont le
privilège de rendre maussades, n'ont, si elles
veulent »e dérider, qu'à assister aux derniers
moments de notre Assemblée.
Elles trouveront dans ce spectacle de nom-
breuses occasions de se divertir à peu de frais.
La télé que font certains de nos honorables
à la seule idée de se dissoudre est de force à
dérider les misanthropes les plus enragés.
Il y a surtout les orléanistes !
Oh ! les orléanistes!...
Ceux-là poussent des lamentations auprès
desquelles celles de Jérémie ne sent que de
l'opérette.
Les bonapartistes, les légitimistes mômes,
peuvent garder quelques espérances d'être
réélus.
Mais les orléanistes !
Je les en défie bien.
*
* *
Aussi recommanderai-je à mes leeteurs le
petit dialogue suivant, qu'un de nos reporters
a surpris à la buvette du grand théâtre de Ver-
sailles.
La scène se passe entre son Altesse le duc
d'Aumale qui prend un verre d'eau sucrée et
le fidèle Bocher, qui ne prend rien du tout.
LE suc.
Eh bien, Bocher?
bocheb.
Eh bien, monsieur le duc ?
le duc.
Fichu temps, hein?
bocher.
Exécrable, monsieur le duc.
le doc.
Vous savez que je fais reconstruire le châ-
teau de Chantilly :
bocher.
On me l'a dit. Ça sera un peu raide, mon-
seigneur 1
le duc
Peuhl... quatre ou cinq pauvres petits ail-
lions! .
bocher.
Le fait est qu'au prix où sont les gilets de
flanelle, c'est pour rien.
le duc.
N'est-ce pas ?
BOCHER.
Absolument.
le duc
Et puis, il faut bien faire quelque chose
pour le peuple.
bocher.
Je reconnais bien là les sentiments de gran-
deur et de générosité qui ont toujours distin-
gué votre noble maison.
le duc.
Et dire que malgré tant de sacrifices, je ne
serai peut-être pas réélu!
bocher.
Moi non plus, du reste.
le duc
Oh I non!., cela m'est parfaitement égal.
bocher.
Merci, monseigneur.
le duc.
Mais moi!., moi !.. qui n'ai jamais absolu-
ment rien fait ni rien dit à la Chambre...
bocher.
Çà, c'est vrai.
le duc
Moi, qui ai passé la session à me promener
de Besançon à Paris et de Paris à Besançon,
sans m'occuper en rien de ce qui se passait
ici, je trouverais bien singulier que mes élec-
teurs ne me gardassent pas leur confiance.
bocher.
Que voulez-vous !.. ces farceurs-là sont si
drôles !..
le duc
Est-ce que vous croyez vraiment que nous
serons remisés?
bocher.
J'en ai un trac affreux.
le duc.
Ingrate patrie!'
bocher, s'animant.
Dame, c'est votre faute aussi...
le duc
Monsieur Bocher !...
bocher.
Vous et les vôtres, vous n'avez fait que des
bêtises.
le duc
lime semble, monsieur, que vous perdez
le respect.
bocher.
C'est enrageant, ma parole d'honneur...
quand on pense que vous aviez la partie si
belle et que !...ah! tenez quand je pense à
cela ! On ne saurait être plus maladroits, plus
ladres, plus pingres que vous l'avez été. Vous
avez voulu faire de la politique habile et vous
avez conduit votre barque comme des niais.
le duc
Bocher!... Vous êtes dur.
bocher.
Si vous croyez que moi et mes pmis ça nous
amuse d'être blackboulés à cause de vous !...
D'abord, il y a l'amour-propre... et puis,
dame, vingt-cinq francs par jour... ça bouche
pas mal de trous.
le duc,
Quel esprit mesquin !
bocher.
Moi qui venais justement d'acheter une
une petite maison à Asnières!... avec quoi la
paierais-je ?
le duc, après un silence.
Ne sommes-nou s pas là, fidèle ami ?
bocher, transporté.
Quoi, monseigneur?... il se pourrait!....
vous I... ah !...
le duc.
Doutez-vous de ma reconnaissance, mon
ami?... Ah! ce sera't faire injure aux senti-
ments bien connus de notre famille... j'ai
dans une tirelire, une jolie somme de cent-
virgt-sept francs, produit de nos poules au
loto..., acceptez-les..., ils sont à vous.
bocher.
Monseigneur !...
le duc
Vous refusez ?
bocher.
Fichtre, non!... je les prends... pour la
rareté du fait...
le duc.
Tendre ami !
bocher.
Excellent prince !
[le duc
C'est égal... avec tout cela... nous ne serons
pas députés, Bocher.
bocher.
Il y a des chances.
le luc
Mais pour vous consoler, mon ami, j'irai
pendre la crémaillère dans votre châlet... oh!
j'y apporterai moa plat, rassurez-vous.
bocher, à part.
C'est lui qui fournira les cure-dents.
Celle-là, je la connais...
NICOLAS FLAMMÈCHE.
FEUILLES AU VENT
«Madame, disait Candide à la be'le Cuné-
gonde, après avoir tué le banquier juif et le
grand Inquisiteur, quand on est amoureux,
jaloux et fessé par l'Inquisition, on ne se con-
naît plus ! »
Et si M. Paul de Cassagnac a été faire à
Belleville l'algarade que l'on sait,
C'est que lui non plus ne se connaissait
plus !
Quand, en effet, on est depuis quatre ou
cinq années, amoureux du régime de Sedan,
Jaloux du gouvernement que l'on a perdu,
Et fessé tous les matins par l'opinion pu-
blique qui apprécie l'Empire à sa juste va-
leur,
Il est facile de comprendre qu'on soit exas-
péré,
Etqu'on veuille en bâiller au monde, «queu-
que petite signifiance. »
*
* •
Ce jeune homme s'en est donné à cœur-
joie,
Mais, soit dit entre nous, il a lâché dans
sod discours des choses excellentes.
Quand on l'entend faire cet aveu, par
exemple, que pendant la Terreur il n'y a eu
que 1,400 nobles et prêtres guillotinés contre
11,000 ouvriers et paysans,
Ou se demande aussitôt qui a dirigé la
Terreur,et qui devait en retirer les bénéfices!
Et comme l'histoire n'a pas d'autre nom à
vous donner que celui de Robespierre, — et
que les principes aristocratiques de ce sal-
timbanque sont suffisamment connus,
On n'a point de peine à conclure que la
Terreur n'a nullement été une besogne démo-
cratique, — mais le résultat de la politique
d'un homme qui, s'il eût vécu, eût accompli
à son profit un 18 brumaire quelconque.
*
* *
Mais que penser de cette Terreur épouvan-
table qui, en deux ans, parvient à faire exé-
cuter 1,400 individus,
Alors qu'en quatre jours, une autre Terreur,
celle de juin, sut se débarrasser de 12,000 de
ses ennemis!
Il faut avouer que le progrès marche à
grands pas,
Et que la guillotine était un instrument bien
primitif auprès des fusils de M. Cavaignac.
*
* *
Ah ! la civilisation est une belle chose,
Et nous valons bien mieux que nos pères !
M. de Cassagnac en est un vivant exemple I
Son père, autrefois, était l'avocat des Com-
pagnies négrières, — et mettait toute son
éloquence au service des maîtres d'esclaves;
Lui, aujourd'hui, est l'apôtre de l'affran-
chissement dj peuple : il promet, au nom du
jeune phoque de Chislehurst, la suppression
des octrois, l'impôt sur le revenu, etc., — ce
que nos socialistes les plus audacieux ont
seuls osé demander jusqu'à présent.
Quel changement !
Car, enfin, M. Paul de Cassagnac a singu-
lièrement changé.
Il n'y a pas longtemps encore qu'il écri-
vait :
« L'empire n'a de raison d'être que parce
qu'il est une barrière contre la République ;
nous n'existons que pour combattre et écraser
la démagogie, etc. »
Un peu plus tard, lorsque cet avortement,
qui fut l'alliance de Portalis et du prince Na-
poléon, se produisit,
11 traita le malheureux Plon-Plon de <> prince
rouge, »— de «César de Belleville, » etc.,
Et lui fit avoir des mots avec Cora...
Et aujourd'hui, le voici qui fait comme le
prince Napoléon,
Le voici qui va, lui aussi, à Belleville,
solliciter las casquettes et les blouses,
Le voici qui s'essaie, Tiberius Gracchus de
la Villette, à faire des variations sur la loi
agraire et l'extinction de la ploutocratie !
Où allons-nous, mes enfants, mes frères!
C'est le renversement de toutes les idées
reçues !
Voir un Cassagnac plaider la cause du
peuple, — lui dont le père plaidait la cause
des négriers,
Et promettre plus de beurre que de pain
aux Bellevillois à qui il disait jadis :
« Au jour de l'émeute, ne me manquez pas ;
— car si vous me manquez, je vous jure que,
moi, je ne vous manquerai pas!..
Voilà qui confond l'esprit et la raison!
*
* *
Il est vrai, comme dit l'immortelle chanson
que tout ça, c'était pour la forme, — et que ça
ne servira à rien du tout.
Il est bien évident que si l'Empire revenait,
il se moquerait, comme par le passé, de tout
ce qui concerne le peuple,
Et qne la plus ardente de ses préoccupa-
tions serait de rafler à son profit le plus
d'argent possible, toujours comme par le
passé.
Qu'arrivait-il, en effet, tandis que régnait
sur la France le nez actuellement gisant à
Chislehurst !
Que le peuple travaillait, peinait, suait,
économisait, faisait tout ce qui se fait,
créait l'industrie, le bien-être, la richesse,
l'épargne,
Et quand il avait fait tout cela, et qu'il était
parvenu à mettre en réserve pour les années
de misère ou de vieillesse nne partie de son
gain,
Le gouvernement impérial autorisait un
certain nombre de voleurs et de tirelaines à
fonder de soi-disant sociétés financières qu'il
couvrait de son patronage, et auxquels le
peuple allait porter ses économies qui ser-
vaient aux voleurs et tirelaines en question
A vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.
De sorte qu'après avoir gagné beaucoup
d'argent, tout le monde Be trouvait exac-
tement au même point qu'auparavant.
Mais comme effectivement beaucoup d'ar-
gent avait été mis en mouvement, cela per-
mettait à Houher et à ses complices, de parler
des progrès de l'industrie nationale et du
développement de la fortune publique.
*
* *
Un fait bien singulier, disent les journaux,
vient de se prodnire à Dompierre :
Un individu nommé Vincent s'est empoi-
sonné avec les restes des médicaments qui
avaient servi à traiter dans sa dernière mala-
die, sa femme morte récemment.
Il n'avait point voulu les perdre, estimant
que c'étaient des matières trop précieuses
pour ne pas avoir des vertus singulières.
*
Ne croirait on pas lire l'histoire de nos de -
niers Gouvernements I
Eux aussi avalent les restes des médicaments
des pouvoirs défunts,
Et font, comme eux, un tel usage de la
police, des mesures administratives, des pour-
suites judiciaires et de toutes les tracasseries
dont ils ont usé, qu'ils finissent eux-mêmes
par faire le plongeon.
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* *
C'était un jour de 15 août.
Il y avait à l'Opéra représentation gratuite.
Une bonne femme de la campagne était
parvenue à entrer avec le monde, et à se caser
dans une loge.
Après une attente de plusieurs heures, il se
produit un mouvement :
Le chef d'orchestre donne le signal habi-
tuel à ses musiciens; violons, violoncelles,
contrebasses, flûtes, hautbois, clarinettes,
cors et timbales, tout s'ébranle à la fois.
La villageoise se lève furieuse, rouge de
colère,
Et montrant le poing à l'orchestre :
— Ah! les misérables, s'écrie-t-elle... C'est
parce que c'est pour le peuple qu'ils jouent
comme ça tous à la fois, — pour avoir plus
tôt fini.
* *
Un étudiant en médecine sortant de la rue
Hautefeuille à une heure très-avancée...
Il f?ut le dire tout de suite :
II avait pris, ce soir-là, un nombre de chopes
illimité.
Et sa démarche était exactement figurée par
une série de i majuscules placés les uns au
bout des autres...
Arrivé au bas de la rue Hautefeuille, sur la
place Saint-André-des-Arts où se trouve la
fontaine Saint-Michel, comme on sait, — il
s'arrêta.
Pourquoi ?
C'est assez difticile à expliquer,
Mais les Précieuses de Molière peuvent nous
venir en aide :
« Pour évacuer le superflu de la boisson, » ont-
elles dit quelque part.
Pendant qn'il accomplissait cette fonction
naturelle, l'étudiant n'avait plus bien cons-
cience de ce qui se passait autour de lui.