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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 6.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6811#0062
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LE GRELOT

LA SEMAINE

LE RETOUR DE L'INVALIDÉ.

Six heures du matin.

L'express de Fouilly-les -Chaussons vient
d'entrer en "gare.

Peu de voyageurs.

Il fait un froid du diable.

Un homme descend d'un compartiment.
Sa figure est pâle, ses yeux battus, sa démar-
che chancelante.

Il est facile de voir qu'il a passé une mau-
vaise nuit.

— Tiens, vous voilà, monsieur Sosthènes ;
fait le chef de gare.

— Oui... me voilà, monsieur Durand.

— Déjà de retour?

— Déjà.

— Diable 1... est-ce que vous vous seriez
senti indisposé... là-bas... à Versailles?

— Pas le moins du monde.

— Oh I ciel I... mais alors... je tremble de
comprendre...

sosthènes, levant les yeux au ciel.
Invalidé, mon cher, invalidé 1...

le chef de gare.

Vous !... oh 1... c'est particulier !...

sosthènes

Victime de la plus odieuse vengeance et des
plus infectes calomnies...

le chef de gare, sensiblement refroidi.

Ah ! oui... je la connais... toujours la
môme !... farceur va !... entre nous, vous l'a-
viez bien mérité !...

sotshènes

Monsieur Durand !...

le chef de gare

En avez-vous fait de ces mic-macs !... ( à
part). Je n'ai plus rien à attendre de lui... ta-
pons dessus ! (haut) En avez-vous raconté de
ces blagues î...

■sosthènes

Monsieur Durand !

le chef de gare

Et le préfet!... notre bon préfet!... celui
qui soutenait votre candidature !... et qui ju-
rait que votre adversaire, le candidat républi-
cain, avait fait dix-sept ans de chaussons de
lisières...

sosthènes

Peut-être, en effet, a-t-il exagéré un peu...

le chef de gare, perdant peu à peu tout senti-
ment de respect.

Allons, voyons, mon petit père... {Mouve-
ment de Sosthènes) faudrait pas nous la faire,
n'est-ce pas?... j'ose espérer qu'on va lai
donner ses huit jours, hein?... il ne les aura
pas volés !.,. Avez-vous des bagages ?

sosthènes, d'une voix que la nuit blanche et le
froid ont sensiblement enrouée.

La-bas... cette malle...

le chef de gare.

On va la porter chez vous... Dites donc, mon
vieux... c'est madame Sosthènes qui va faire
un nez!...

sosthènes.

Hélas!... ne me parlez pas de celai... (A
part.) Et Amanda qui m'a lâché!... après m'a-
voir lancé ces mots cruels: Un invalide/... chex
moil... n'en faut pas!... J'avais beau lui dire
qu'invalidé et invalide n'avaient pas du tout le
même sens... Qu'on pouvait fort bien ne pas
être sorti triomphant de l'urne électorale... et
malgré cela... ne pas être incapable de... Ah
bien, ouiehe !... elle n'a riemvouln entendre,
et m'a renvoyé hier ma brosse à dents et mes
pantoufles!... Et ma femme, la légitime Sos-
thènes!... qu'est-ce qu'elle va dire?... Ah ! je
vais être bien reçu!...

un facteur de la gare.

Voilà votre bibelot, monsieur Sosthènes.

sosthènes.

Merci, mon ami.

le chef de gare.

Gare au grain chez vous, monsieur Sos-
thènes !

sosthènes, en s'iloignant.

Le diable les emporte!... Il faut avouer
aussi que cet animal de préfet a été bien
bête !... Je vous demande un peu s'il ne pou-
vait pas, au lieu de chaussons de lisière, in-
diquer vaguement quelques mois de préven-
tion à Mazas !... Ça aurait suffi pour jeter un
froid !...

LA CHAMBRE A COUCHER DES
ÉPOUX SOSTHÈNESv

madame dans son lit. Les yeux lui sortent de la
tête.

, Ainsi, monsieur, vous êtes in-va-li-dé?

sosthènes.

Bichette... je t'assure...

madame.

Alors, que venez-vous faire ici ?

sosthènes, profondément surpris.
Mais... il me semble...

madame.

Sortez, monsieur!

sosthènes.

Cependant...

madame.

Sortez, vous dis-je !... Et je vous préviens
qu'aujourd'hui même je vais chez mon avoué
demander une séparation de corps.Je neveux
pas d'un mari... invalidé.

sosthènes.

0 ciel!...

madame.

Invalidé!!... Sortez, monstre!...

sosthènes, s'éloignant.

Juste comme Amanda!... C'est bien fait
pour moi!... ça m'apprendra à m'occuper de
politique !... Si jamais on m'y repince !...

Nicolas FLAMMÈCHE.

r-T—T» Cl ■* T

SOUVENIRS D'ANGLETERRE

i

BROUILLARDS

Les brouillards éternels qui pèsent sur les rues
Ont de quoi satisfaire un cœur désespéré,
Et je hais le Français galant et maniéré
Qui les accueille avec des plaintes incongrues.

Peut-être sont-us faits de douleurs et d'oublis?...
Les pleurs d'un peuple entier obscurément y flottent.
Il semble qu'on entend des âmes qui sanglottent
Dans la vapeur de sang dont sont jaunis leurs plis.

Londres s'est composé ce voile imperméable
Pour cacher au soleil éclatant et serein
Les cadavres roidis de tous ses meurt-de-faim,
Nus sur le sein de la nature vénérable !

Londres, décembre <872.

II

FLEUR D'AUTOMNE

D'après un portrait de Lawrence.

Pâle, un peu maladive, et ses yeux bleus cernés

Et brûlés de fièvre,
Le front médidalif, les cheveux dénoués,
La main longue et mièvre,

Telle elle m'apparut, accoudée au balcon

Fleuri d'anémone,
Pour ne point se pâmer respirant un flacon,
Toussant dans l'automne !...

Je cherche à l'horizon ce qui faisait rêver

Ses prunelles blanches,
Et je vois seulement la lune se lever,
Au loin, dans les branches...

Swedenborg autrefois l'a vue au fond des cieux.

Young parmi les tombes,
Menant dans la clarté d'un jour mystérieux
Un vol de colombes.

Aucun homme n'a pu l'entrevoir sans effroi

Et n'oserait tendre t
Les lèvres à sa bouche, et nul, si ce n est moi,
Ne sait la comprendre.

Hoiuck V

Londres, avril lSTii.

-&>G^SSi^S^^---

Un Bienfaiteur

UN FAIT DIVERS.

29 X... 4876.

Un affreux événement vient de plonger
d^ns l'eau et dans la consternation les habi-
tants de R. de G.

La mine est inondée, une cinquantaine de
mineurs sont détruits, ainsi que les travaux
d'art, de la mine.

Cinquante familles sont sans ressources.

Nous ouvrons une souscription en faveur de
ces infortunés, et nous espérons que la géné-
rosité française ne se démentira pas dans
cette occasion.

Un mois plus tard.

Une cabane de mineurs à R. de G.

Table et chaises branlantes, et tout ce qu'il
faut pour constituer un mobilier de gens mal-
heureux.— Femme ^n deuil et enfants qui se
fourrent les doig:sdans le nez d'un air désolé.

Entrée d'un monsieur décoré, bien mis et
souriant.

le monsieur, souriant.

C'est bien à madame Lapanne que j'ai l'hon-
neur de parler.

la femme.

Oui, monsieur.

le monsieur, souriant.

Vous avez eu votre mari tué dans la catas-
trophe du 29 dernier.

la femme, soupirant.

Oui, monsieur.

le monsieur, souHant toujours.

Tant mieux. Je craignais qu'il n'y eût er-
reur. Je suis envoyé par le comité de secours
pour réparer les désastres de cette catastro-
phe. (D'un air important).—Affreuse catastro-
phe, bien fâcheuse !

la femme.

Hélas, monsieur!... les secours ne rempla-
ceront jamais nos malheureux morts. N'y au-
rait-il pas moyen d'éviter ces malheurs? — On
disait dkns le pays qu'en changeant un peu
la lampe...

le monsieur.

Oui, oui, oui... je sais !... On a soumis à ia
Commission un nouveau modèle que je crois
bon. Mais dame!... le président avait été élu
par un groupe, l'autre, pour lui faire échec, a
voté contre l'urgence réclamée par ses adver-
saires. — La proposition reviendra dans six
mois.

la femme, soupirant.
Six mois, mon Dieu!...

le monsieur.

Oui. Oh! le temps passe vite et nous som-
mes si occupés!... Mais, parlons affaires. La
souscription a produit 73,377 fr. 87 c.

le femme.

Oh!... les Français sont généreux.

le monsieur.

Oui. Nous disons : 73,377 fr. 87 c. ; les frais
d'insertion des listes de souscription au Jour-
nal Officiel, se sont élevés k 75,376 fr. 71 c. —
L'excédant est donc de 1,998 fr. 84 c...

Nous avons mis 2,000 fr. pour faire un
chiffre rond.

Comme vous êtes 50 familles, vous nous re-
devez 40 fr. chacune.

En voici la facture, fin courant. En payant
de suite, vous bénéficiez de 6 0/o d'escompte.

En cas de non payement, nous poursuivrons
suivant toutes les facultés que nous donne la
loi.

GRING01RE.

FEUILLES AD VENT

11 y a de bien amusantes choses dans celte
œuvre immortelle de Swift, les Voyages de Gul-
liver.

Malheureusement, le livre est un peu long,
Et beaucoup, une fois qu'ils ont été à Lil-
liput,

Et qu'ils ont poussé une pointe jusqu'au
pays des Géants,

S'arrêtent là et ne poursuivent plus la lec-
ture,— bien que, pourtant, elle en vaille la
peine.

*

* *

Le troisième voyage surtout est intéres-
sant.

Swift y présente, entre autres choses, sous
une piquante allégorie, le tableau de l'Acadé-
mie des sciences de Londres,

Et les physionomies singulières n'y man-
quent pas.

On y voit des bonshommes qui s'occupent
fort sérieusement de niaiseries à l'aire dresser
les cheveux sur la tête d'un chauve.

L'un s'essaie ;\ faire des œufs de fourmi ar-
tificiels,

L'auire à élever des araignées dont le fil
doit lui servir, dit-il, à confectionner des ha-
bits d'une solidité à toute épreuve,

Un troisième h quelque chose d'aussi intel-
ligent et d'il ussi utile.

*

Ne dirait-on pas qu'on lit un compte-rendu
des séances du Sénat,

Et ce que font nos honorables est-il plus
pratique que ce que faisaient les académiciens
de Gulliver!

A vrai dire, avant qu'il y eût des sénateurs,
On n'en sentait pas beaucoup la néces-
sité.

Ceux-là seuls qui en voulaient étaient ceux
qui espéraient en être.

Aujourd'hui qu'ils en sont, il parait qu'ils
commencent eux-mêmes à être de l'opinion
du public,

Et qu'ils disent tout bas, en hochant la
tête :

« C'est pourtant vrai que le besoin ne s'en
faisait pas généralement sentir! »

*

Tout cela ne les empêchera pas de toucher
chacun leurs neuf ou dix mille francs par an,

Ni nous de les leur payer.

Car c'est toujours comme cela que ça se
passe en France,

Et ce sont toujours les battus qui paient
l'amende.

« Peuple français, peuple de braves, disait
Paul-Louis, peuple léger, charmant, frivole,
— m.iis toujours payant ! »

Si, au moins, ils se contentaient de toucher
notre argent.

Et d'en entretenir des filles d'opéra,

Tout irait bien.

Nous serions tranquilles,

Et les filles d'opéra y trouveraient leur
compte tout comme nous.

Mais l'espoir que cela marche ainsi!...

A leur âge I...

II est interdit à ces messieurs, d'après la
Constitution, de rien proposer;

Car l'initiative appartient entièrement au
Corps législatif.

Eh bien ! vous verrez que si les députés s'a-
visent de qiielquebonne idée,—ce qui est peu
probable,~

Le Sénat se dressera comme un seulhomme
pour l'enterrer au fond de sa poche.

Les sénats n'ont jamais servi à autre chose,—

Et il n'y a pas apparence que celui-ci mé-
rite plus que les autres un prix Montyon
quelconque.

* *

Où j'attends mon Sénat, par exemple,

C'est lorsque viendra la révision de la loi
sur l'enseignement supérieur.

Ce joli petit factura qui a mis l'éducation de
la jeunesse enire les mains sales des jésuites,

Est un des chefs-d'œuvres de l'Assemblée
calotine d'exécrable mémoire qui nous a ca-
nulés,— passez-moi l'expression, — pendant
cinq grandes années.

Tous ces syllabistes, qui prenaient leur mot
d'ordre à Rome, chez le pape noir,

N'avaient pas cru qu'il y eût quelque chose
de plus efficace pour asservir le pays que de
livrer nos enfants au prêtre;

Aussi avaient-ils fait donner toutes leurs
forces pour faire passer cette loi.

fout le fond gras et rance de ce qu'on ap-
pelle les vieux partis était entré en fermenta-
tion lorsqu'il avait été question de cet atten-
tat contre la liberté de conscience des géné-
rations futures,

Et la conspiration s'était si bien ourdie dans
le mystère que, le jour venu, la loi en ques-
tion avait passé comme une lettre à la poste !

*

* *

Or, aujourd'hui, de quoi, s'il vous plaît, le
Sénat est-il composé?

Précisément des résidus de ces anciens par-
tis auxquels nous devons la prétendue liberté
de l'enseignement supérieur!

Et l'on croit que, lorsque cette loi, qui nous
livre corps et âme à l'Eglise, viendra en révi-
sion devant nos sénateurs,

Ces messieurs s'empresseront d'en accepter
la réforme I

N'y mettront-ils pas plutôt leur veto?

Et n'assisterons-nous pas à un speclacle qui
rappellera l'enseigne des a Deux entêtés, » —
et qui nous m mitera le Sénat lirant la loi sur
renseignement de son côté, et la Chambre des
députes la tirant du sien en sens contraire —
chacun à qui mieux mieux, ungurbus et rosiro,
à l'hilarité générale de l'Europe et à la confu-
sion de la nation!

* *

J'admets, — bien que je n'y compte guère
pourtant, — que cela n'arrive pas;

Mais cela ne pourrait-il pas arriver!

Et si le cas ne se présente pas pour la loi
sur l'enseignement supérieur,

Ne se présentcra-t-il pas, à coup sûr, pour
quelque autre chose!

Cela est évident,

Car le Sénat a le droit de ne pas ratifier une
loi ou de la ratifier;

Sinon, son rôle équivaudrait à celui d'une
borne.

Or, à quoi ce droit équivaut-il?

Sinon à l'annihilation complète, ou à peu
près, du Corps législatif, qui, sans l'assenti-
ment du Sénat, en sera réduit à faire œuvre
morte,

Et qui, en somme, si le Sénat le veut, ne
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