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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 6.1876

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LE GRELOT

LA SEMAINE

Les bons cléricaux ne sont pas à la noce,
comme on dit vulgairement.

On sait leur joie lors de la promulgation
de la loi qui rendait libre l'enseignement
supérieur.

Enfin la France allait se réjouir !

C'en était fait de la libre pensée et de tous
ces polissons qui prétendent compter pour
quelque chose la conscience humaine et le
libre arbitre.

Les élèves allaient affluer à tel point dans les
universités catholiques que les enthousiastes
parlaient déjà de convertir le Champ de Mars
en un vaste amphithéâtre, et l'âme d'Ignace de
Loyola se réjouissait à l'idée du progrès que
les disciples de ses saintes doctrines allaient
répandre sur l'humanité.

Hélas 1 hélas I trois fois hélas 1... voilà qu'il
ne s'est pas encore écoulé une année et que
l'édifice de ces bonnes gens est en train de
crouler!

D'abord, les élèves ne sont pas venus;

Ensuite, il est plus que jamais question de
reprendre au clergé la collation des grades.

Abomination de la désolation !

Désolation de l'abomination I

Qu'allons-nous devenir, mon Dieu, si les
foudres del'ultramontanismesemettent à râter
comme le premier feu d'artifice venu !

Je sais bien qu'à la place des députés répu-
blicains de notre nouvelle assemblée, je n'au-
rais pas un fil de sec.

Mais ces gredins de éémocrates en ont vu
bien d'autres !...

Et il faudra bien que nos aimables confrères
de l'Univers en prennent leur parti.

On les privera de collation.

Il est vrai qu'ils ont dû mettre depuis long-
temps du pain sur la planche.

*

La Chambre n'est pas encore constituée,
qu'elle songe déjà à se proroger.

Je sais bien que le printemps a de singu-
lières séductions, et qu'il est plus agréable
de cueillir la violette que de déposer des bul-
letins dans une urne.

Mais, sapristi! il me semble que nous avons
encore trop de choses à faire pour songer à
se reposer avant d'avoir travaillé.

Supposez que vous ayez chargé votre avo-
cat d'une affaire délicate, et, qu'au moment de
la plaider, celui-ci vous tienne ce petit disj
cours :

— Vous pensez, cher ami, que j'ai étudié
votre dossier avec le plus grand soin.

— Ah!... Eh bien?

' Eh bien, je crois votre cause excellente.'

— Parbleu!... Et quand se plaide-t-elle?

— Demain.

— Je compte sur vous, cher maître.

— Ah ! c'est que voici ce qui se passe... Je
suis dévoré d'un désir immodéré d'aller cueil-
lir quelques violettes.

— Désir bien naturel !

— N'est-ce pas?... Ne soyez donc pas étonné
que je me proroge d'un petit mois.

— Mais mon affaire?

— Bah !... nous avons bien le temps!.., Le
printemps d'abord... l'éloqueïfcteaprès.

Je suppose que ces paroles vous rempliraient
d'une joie médiocre.

Allons, messieurs les députés, un peu de
courage, que diable! et, pour le pays, remet-
tez à plus tard le chœur de la prorogation 1

*

* *

Les journaux dits conservateurs, qui tirent
tout doucement leurs petites feuilles de choux
à soixante exemplaires, poussent des cris de
paons déplumés en voyant les changements
préfectoraux qui s'accomplissent.

Il faut avouer que, comme grotesques, on
n'en saurait rêver de mieux réussis.

Voyez-vous ces défenseurs de l'ordre moral
qui font semblant de s'étonner que pour fon-
der la République, on ne s'adresse pas aux
bonapartistes ou aux légitimistes/

C'est absolument comme si un malade en-
trait chez un bonnetier avec l'ordonnance de
son médecin.

— Monsieur, dirait le malade, j'aurais be-
soin d'excellente eau de Pulna.

— Vous ne pouviez mieux vous adresser
qu'à moi, monsieur. Je viens de recevoir de
Rouen un stock de chaussettes de fil dont vous
me direz des nouvelles.

— A merveille. Maintenant il me faudrait
quelques sangsues.

— J'ai justement votre affaire... Cette partie
de calicot est des plus avantageuses.

— Bon. Maintenant, avec une douzaine de
bons rigolos...

— Ces foulards de soie viennent d'arriver...
Tâtez-moi ça, monsieur... Est-ce fin?... est-ce
délicat?... et tout bon teint!...

— Parfait. Je crois maintenant qu'en sui-
vant exactement mon ordonnance...

— Vous serez à la dernière mode...

— Et complètement guéri.

— J'ose vous le promettre.

Eh bien, non!... H faut que les conserva-
teurs en prennent leur parti.

Nous n'irons pas porter notre ordonnance à
leur boutique,

De môme que pour faire un civet, il faut
généralement un lièvre, pour faire la Répu-
blique, il faut des républicains.

Je voudrais bien savoir si' M. Rouher irait,
pour fonder son empire chéri, confier le mi-
nistère de l'intérieur à M. Gambelta.

Pas si bête, l'illustre Auvergnat!

Mais il faut bien dire quelque chose, n'est-
ce pasî

Sans cela, que penserait l'abonné?... et le
bailleur de fonds?...

NICOLAS FLAMMÈCHE.

P. S. A propos, chers lecteurs, j'oubliais
de vous dire que Je Grelot, à l'instar de fari's-
Journal, offre tlne magnifique montre en car-
ton-pâte, se remontant par la culasse, à qui
pourra lui donner des nouvelles du journal à
un sou que le Gaulois avait promis de fonder.

Maintenant que l'état de siège est levé, voilà
le vrai moment d'imiter le printemps et de
faire pousser des feuilles nouvelles.

Mais, mon Dieu, qu'est-ce que peut bien
être devenu le journal à un sou de notre spi-
rituel et infortuné confrère!...

itti-1 amm <-m -

FEUILLES AU VENT

N'est-ce pas lui qui, après la conversion du
roi au catholicisme,— conversion qui avait été
bientôt suivie de la tentative de régicide de
Chastel, dont le couteau n'avait atteint que la
bouche du roi,— n'est-ce pas lui qui osa bien
dire à ton maître, au milieu même des Tuile-
ries :

— Dieu vous a percé les lèvres, Sire, parce
que vous l'avez renoncé de la bouche; le jour
où vous l'aurez renoncé de cœur, il saura bien
vous percer le cœur aussi!

Et quelles aventures !

Quatre fois condamné à mort, toujours il
échappe, et finit par aller mourir à Genève,
dans une retraite paisible et presque ignorée,
en disant de sa voix résignée et grave :

Je ne veux autre récompense
Que dormir satisfaict de moi !

Je connaissais depuis longtemps cette grande
âme et ce grand poète,

Et, le rencontrant de hasard, je ne voulus
point laisser passer ce vieil ami sans lui de-
mander un moment d'entretien.

J'ouvris donc son 'ivre, et je tombai sur le
passage du premier chant, qui est intitulé
Misères , et qui raconte les hormirs de la
guerre civile dans un style qui, pour l'éner-
gie, n'a pas d'analogue en français;

Et voici ce que je lus :

0 France désolée! 6 terre sanguinaire!
Non pas terre, mais cendre!... 0 mère, si c'est mère
Que trahir ses enfants aux douceurs de son sein,
Et., quand on les meurtrit, les serrer de sa main!...

*

* *

proportions, atteindrait un tel degré^de rage,
si l'on en croit la voix publique,

Que, vu la venue prochaine des chaleurs, îl
ne serait pas inutile, de la part des dépu-
tés condamnés à être leurs collègues, de leur
mettre une muselière d'une solidité éprouvée.

Ce sont les invalidations multipliées qui les
ont frappés, qui les ont surexcités àce point.

Pauvres bonapartistes!

Ils avaient cru que cela marcherait comme
sur des roulettes ;

Qu'une fois le maire soudoyé, le curé ca*-
ressé, le garde chamnôtre menacé, les ter-
mes faussés et les suffrages escamotés,

Tout était dit,

Et qu'il n'y avait plus qu'à toucher dix
mille francs pendant quatre ans.

*

* *

Ils avaient compté sans leur hôte,

El ils se trouvent exactement dans le cas de
ce marchand des quatre-saisons, qui, entré
chezun changeur pour escomptersoixante-dix
mille francs d 'obligations de Paris-Lyon-Médi-
terranée, se voit poser cette question :
. — D'où vous viennent ces obligations?...

Comme il parvient d'ordinaire assez diffici-
lement à prouver que c'est en vendant des fi-
gues sèches, des tomates et des choux qu'il ^e
les ait procurées,

L'explicalion se termine habituellement p^r
l'intervention d'un gardien de la paix qui l'in-
vite à se rendre autre part que chez, le chan-
geur. ■ 1

Il ne suffit pas, en effet, de montrer qu'on
a obtenu trois mille voix de plus que son ad-
versaire ;

Il faut encore prouver qu'on ne les lui la
point faites en même temps que son mou-
choir, i

Trait dont les . bonapartistes sont légèrie-
ment soupçonnés depuis 1852.

{

* *

Il est vrai que cette- mise en coupe réglée
desRobert-Houdin du suffrage universel prend
un peu de temps,

Et que messieurs les députés y donnent des
journée* qu'il serait plus agréable de consa-
crer à autre chose qu'à «.'occuper des der-
niers badinguistes.

La situation de la presse, par exemple, a
bien aussi ses petits côtés intéressants,

Et il paraît que l'état de siège n'a pas beau-
coup changé les choses.

Il y a, en effet, un truc, comme on dit, qui
rendrait complètement inutile et vaine une
loi décrétant la liberté absolue de la presse ,
si jamais notre benoite Assemblée avait l'idée
de la proclamer. ;

Ce truc, c'est le colportage.

Avec le colportage, comme avec les baïon-
nettes, on peut tout faire en France,

Excepté s'asseoir dessus, comme a dit un
farceur.

Faites les lois les plus libérales, des loi! à
faire frémir de jalousie la Belgique et l'An-
gleterre, ..

Sfous serez bien étonné qu'au moyen du
bon et simple colportage, le.mïahtre le plus
républicain du monde trouvera nmyen de vous
rendre lesdites lois plus atroces qhe celles de
la Turquie et de la Russie.'

Le procédé est, du reste,- très-^sirijple :
On prend des cordes, ' I

Et on en ficelle un individu deî pied&à h
tête, comme un saucisson, en lui attachant
les doigts entre eux et les bras le long du
corps ; ,
Puis, on lui donne une flûte, et on lui dit :
« Mon ami, jouez dono' de la flûte! »
—,Eh! morbleu, dit l'autre, vous voyez
bien que je ne le puis pas, et que c'est vous-
même qui m'en empêchez!... -

— Comment! lui répond-on, nous vous
donnons une flûte,

Nous vous donnons en môme temps la per-
mission d'en jouer,

Et vous vous plaignez de noust

H y a vraiment des gens qui ne sont ja-
mais contents!

Allez 1 vous n'êtes qu'un ingrat!

/••* ;'. i

Un mot charmant de madame de Sévrgné,
— la Bête aux tire-bouchons, comme l'a appèlé
un impertinent.

Dans une conversation avec un des précieux
de l'hôtel de Rambouillet, il lui arriva de s'in-
former de la santé de son interlocuteur.

— Je suis enrhumé, dit celui-ci.

— Je la suis aussi, répondit-elle.
Le pédant fit un petit mouvement.

— Il me semble, dit-il, madame, que, se-
lon les règles de notre langue, il faudrait
dire : Je le suis...

— C'est possible, repartit madame de, Sé-
vigné, et vous direz comme il vous plaira;
mais, pour moi, jo-croirais avoir de la barbe
au menton si je disais autrement.

«

* *

On venait de bâtir un pajajs de justice dans

Il y a quelques jours, les Tragiques d'A-
grippa d'Aubigné me tombèrent sous la main.

C'était la très-rare édWon princeps qui porte
au titre : les Tragiques, "donnés au public par le
larcin de Froméihée, au désert.

Je pris le petit in-4°, relié en parchemin,
fané, jauni, au papier rude et grossier,

Et je l'ouvris au hasard.

*

* *

On sait ce qu'était. Agrippa d'Aubigné.

Cette grande figure de protestant loyal et
l'un des plus nobles qui aient paru sur la
scène de l'histoire.

Quelle fidélité et quel attachement à Henri 1VI

Et cependant quelle franchise!

Une belle pensée de Joseph de Maistre, dans
ses Considérations sur la France (ch. 11) :

« Nos idées sur le bien et le mal, sur l'in-
nocent et le coupable sont trop souvent alté-
rées par nos préjugés. Nous déclarons cou-
pables et infâmes deux hommes qui se bat-
tent avec un fer long de trois pouces ; mais si
le fer a trois pieds, le combat devient hono-
rable. Nous flétrissons celui qui vole un cen-
time dans la poche de son ami; s'il ne lui
prend que sa femme, ce n'est rien. »

*

* *

Il paraît que les bonapartistes sont au dé-
sespoir,

Et ce désespoir prendrait même de telles

UNE

Drôle de façon de faire sa Cour

Vous n'êtes pas plus républicain que Buffet;

Mais vous avez pas mal de dispositions et
d'appétits pour devenir tout ce qu'il a été;

Alors, que faites-vous?

Vous tâchez de découvrir une bonne petite
circonscription qui ne vous connaisse pas trop
et qui ait justement un député à élire;

Et alors vous lui dites :

« Je suis un pur!

« Barbès n'était que de la hioutarde à côté
de moi !

« Vous n'avez qu'à me nommer,

« Et je vous en ferai voir de rouges 1 »

Voilà qui va bien !

On ne sait, trop qui vous êtes;

On ne se -<jéfie pas,

Et vous avez des chances.
"-Mais tout à coup quelqu'un vient à parler
de quelque chose qui vous déplaît, le sang
vous bout ; '.;.>-, .

Vous ne savez pas encore dissimuler comme
il convient ; ' ,

; Vous jetez votre peau de liany \

Et l'aliboron de là fable»?pparaît !

C'est lout justement le cas de M. le général
de Wimpfl'en à Aubervilliers. \

On allait le nommer sans défiance, I

Quand quelqu'un étant venu de hasard par-
ler de l'affairé de la rue Transnonain, il n'a pu
se contenir, et il-a vouht-faire l'apologie de ce
vieux boucher qui fut Ié-ïnaréchal Bugeaud,
— ég*lement; cher aux républicains depuis
l'affaire en question, et aux légitimistes de-
puis l'accouchement public de la duchesse dé
Berry à Biaye.

C'était mal tomber.

''M est-certain que-le maréchal Bugeaud est
dans les^sou'venirs d" peuple^ùndes noms Je s
plus justement exécrés* ;

El l'afl'aure de la ruê%fa.r>snoqarn-esMelté
qu'elle eût .suffi^à. jamais! édifièr\vles> plus
crédules sur la sincérité dû républicanisme
du petit Thiers, qui a été le deus ex machina
de cette ignoble tragédie.

Aussi, on juge des haros.

Le général de Wimpffen, à peine remis des
gros sous de Paul rie Cassagnac, en a mainte-
nant pour bien longtemps à se remettre des
pommes cuites d'Aubervilliers.

CHUT.

Je veux peindre la France une mère affligée

Qui est entre ses bras de deux enfants chargée;

Lé plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts

i>estétins nourriciers; puis, à force de coups

P'dngles, dé poings, de pieds, il brise le partage

Dont nature donna à son besoin l'usage.

Ce volleUr'acliarné, cet Ésao.malheureux

Fait dégast dii doux laict qurdoit nourrir les deux,

Si que pour arracher à son frère la vie,

11 méprise la sienne et n'en a plus d'envie.

Mais son Jacob, pressé d'avoir jeusué meshui,

Estoufiant quelque temps en son cœur son ennui,

A la fin se défend, et sa juste colère '

Rend à l'autre un combat dont le champ esVla mère...

• <y. / •

Et la bataille commencée continue.

Les deux enfants, en se disputant, égrati-
gnent la poitrine maternelle, où le sang se
met à couler,

Et la mère leur dit alors :

.....Vous avez, félons, ensanglanté

Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté;

Or, vivez de ve'ninj éàtiglante géniture,

Je n'ai plus que du-sang-pouf votre nourriture ! .

Ces vers puissants, et pleins d'une altière
mélancolie, m'ont ému singulièrement, dans
un moment où les propositions les plus timi-
des d'amnistie rencontrent de si furieuses op-
positions.

11 semble que glus rien de vivant, en effet,
et de généreux ne subsiste plus dans les
coeurs,

Et comme dit d'Aubigné :

Quand le malade amasse et couverte et linceux, ^
Et tire tout à soi, c'est un signe piteux!

* *

Il faudrait réfléchir, .

Et examiner plus sérieusement qu'on ne
fait une période sur laquelle l'histoire aura
sans doute une opinion toute différente de
celle de M. Dufaure.

Quand elle lira plus tard, dans les docu-
ments, .officiels, le 'fait épouvantable que
M. Ailaih-Targé a racontè^dans les bureaux de
la cammission chargée de l'examen des pro-
positions d'amnistie, :— à savoir, que :
y « Le conseil municipal de Paris avait eu à
payer, pour la part de la ville, l'enterrement
de seize mille-insurgés fusillés, »
, Je doute qu'elle trouve plaisants les agréa^
blés jeuxdemotsvet Tes fioritures spirituelles du
Figaro et de ses collègues sur ces. événe-
ments, . ■ , "

Et je crois plutôt qu'elle s'écriera, elle
aussi, comme le vieux d'Aubigné :
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